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n° 49 – Juillet – Octobre 2023
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La Lettre d’information en bref
- Plusieurs arrêts ont été rendus en droit des transports routiers. Une faute inexcusable a été retenue pour un transport CMR à la suite du vol de marchandises. En revanche la force majeure a été admise pour un autre vol commis sur un barrage routier. Par ailleurs, la prescription annale a été jugée non applicable à des opérations de manutention réalisées lors du déplacement d’une marchandise. Enfin, le transport des conteneurs vides relève, selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), de la notion des « transports combinés » et est exempté du respect des règles relatives au cabotage.
- Un arrêt de La CJUE a précisé la dérogation à l’exonération obligatoire des droits d’accise pour les produits servant à fabriquer l’électricité, lorsque la taxation par l’Etat membre est instaurée « pour des raisons ayant trait à la protection de l’environnement ».
- La CJUE a rendu deux arrêts sur la responsabilité objective fiscale des entrepositaires agréés en matière de détention des produits soumis à accises et sur le régime juridique du retrait de leur autorisation d’exploiter.
- La CJUE s’est prononcée sur le classement tarifaire de l’huile de palme texturée.
- La Cour de Justice a également invalidé une règle d’origine non préférentielle concernant les tubes et tuyaux en cours de fabrication.
- La CJUE a examiné l’évaluation en douane des fruits et légumes dans le cadre de la réglementation douanière et agricole.
- La Cour de cassation a pour sa part validé une visite diligentée dans le cadre de l’article 60 du code des douanes avant sa réforme.
- La Cour de cassation a rejeté un pourvoi dans le cadre d’une visite domiciliaire de navire.
- La Cour de cassation a rejeté un pourvoi de la Douane dans une affaire (suivie au cabinet) dans laquelle l’avis de mise en recouvrement présentait une discordance manifeste avec le procès-verbal de notification d’infraction.
Le 27 juillet 2023, Vincent Courcelle-Labrousse a donné un cours de droit pénal international sur la « représentation des victimes » lors de la 52ème Session d’été de la Fondation René Cassin – Institut international des droits de l’homme.
« L’Actualité Juridique – AJ Pénal » publie dans sa livraison d’octobre 2023 un dossier sur la loi 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la Douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
Vincent Courcelle-Labrousse y a publié une étude intitulée « Les enquêtes du code des douanes et le ministère public ».
Stéphane Le Roy a contribué avec une étude sur le nouvel article 60 du code des douanes intitulé « Encadrer sans entraver – la réforme du droit de visite de la douane ».
Dans un arrêt du 22 juin 2023 (n°19/07187), la Cour d’appel de Lyon a eu à se prononcer sur un vol de marchandises lors d’un transport routier, soumis conventionnellement à la CMR.
En l’espèce, un chauffeur routier s’était égaré dans un quartier difficile lors d’un transport de marchandises. Son camion avait alors été bloqué par une camionnette à l’avant et par une à l’arrière. Les voleurs avaient ouvert la porte arrière du camion, qui n’était pas fermée du fait d’une livraison précédente, et volé trois des sept colis transportés avant que le chauffeur ne parvienne à prendre la fuite.
Aux visas de l’article 29 de la CMR et de l’article L.133-8 du code de commerce, la Cour d’appel a retenu la faute inexcusable du transporteur : « alors que les moyens de guidage par GPS précis et tenant notamment compte du gabarit du véhicule, permettaient un trajet direct sans risques, [le chauffeur] n’a pas respecté l’obligation de transport direct et s’est retrouvé dans une zone manifestement à risque, avec, notamment du fait d’une livraison qui n’aurait pas dû avoir lieu, une porte arrière ouverte permettant un vol aisé. »
Par un arrêt du 5 juillet 2023 (pourvoi n°22-11.797), la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la prescription applicable à l’action en réparation des dommages causés lors du déplacement d’une marchandise dans le cadre d’opérations de manutention.
En l’espèce, en vertu d’un contrat-cadre ayant pour objet le transport de colis lourds et la fourniture de prestations d’ingénierie associées, la société R. avait confié à la société E. la manutention d’un transformateur, sur l’aire de stockage de celui-ci. La société E. avait sous-traité la manutention de ce transformateur à une société S., avec laquelle elle était liée par un contrat-cadre ayant pour objet le transport exceptionnel routier de matériels destinés à la construction, au dépannage et à la maintenance des installations électriques.
En exécution de ce contrat, le transformateur avait été déplacé sur une distance de 90 mètres, de son lieu d’utilisation vers l’aire de stockage, par ripage sur des galets préalablement fixés sur le transformateur, glissant ainsi par traction sur des rails existants sur le site. Le transformateur avait été endommagé lors d’une manœuvre effectuée par le personnel de la société S., qui devait déplacer latéralement la machine d’un mètre afin de permettre son raccordement.
La société R. a alors assigné la société S. et son assureur, qui lui ont opposé la prescription annale de l’article L.133-6 du code de commerce applicable au contrat de transport.
La Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement des défendeurs. Elle a jugé, au visa de l’ancien article 1134, alinéa 1 du code civil, que le contrat entre la société E. et la société S., ayant pour seul objet la manutention et le stockage du transformateur sur un site précis (incluant notamment les opérations de ripage du transformateur jusqu’à son placement sur l’aire de stockage), ne pouvait s’analyser en un contrat de transport.
L’action en réparation des dommages causés à l’occasion de ce déplacement n’était donc pas soumise à la prescription annale applicable au contrat de transport.
Par un arrêt du 5 juillet 2023 (pourvoi n°22-14.476), la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis un cas de force majeure exonérant le transporteur de toute responsabilité dans la survenance du vol des marchandises.
Elle a jugé que « le transporteur n’était pas en mesure de prévoir un itinéraire évitant les barrages et que n’était pas prévisible le fait que des manifestants allaient contraindre le chauffeur à descendre de son camion pour dérober des marchandises et les distribuer aux passagers des autres véhicules » et retenu un cas de force majeure.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive 92/106/CEE du Conseil, du 7 décembre 1992, relative à l’établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres, et du règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route.
En réponse à cette question, la CJUE a jugé par un arrêt du 14 septembre 2023 (affaire C-246/22) que :
« L’article 1er de la directive 92/106/CEE du Conseil, du 7 décembre 1992, relative à l’établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres, doit être interprété en ce sens que :
le transport par route de conteneurs vides entre un terminal de conteneurs et un point de chargement ou de déchargement de marchandises relève de la notion de « transports combinés », au sens de cet article, de telle sorte qu’il bénéficie du régime libéralisé prévu pour les trajets routiers initiaux et/ou terminaux qui font partie intégrante d’un transport combiné, au sens de l’article 4 de cette directive, et qui sont exemptés de l’application des dispositions relatives au cabotage prévues par le règlement (CE) no 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route. »
Le transport de conteneurs vides est ainsi exempté de l’application des dispositions relatives au cabotage prévues par le règlement (CE) no 1072/2009 du 21 octobre 2009.
Par un arrêt du 22 juin 2023 (C-833/21), la CJUE a rendu une décision dans laquelle elle explicite l’interprétation de l’article 14 paragraphe 1 a) de la directive sur la taxation de l’énergie 2003/96/CE du 27 octobre 2003.
Cette disposition oblige les Etats membres à exonérer les produits énergétiques utilisés pour la production de l’électricité afin d’éviter une double taxation de l’électricité, laquelle fait l’objet d’une accise spécifique. Toutefois le point 1 a) permet aux Etats membres de taxer les produits pour des « raisons ayant trait à la protection de l’environnement ». La Cour de justice n’avait jamais explicité quelles pouvaient être ces « raisons ».
En l’occurrence, la question préjudicielle avait été posée par la Cour suprême espagnole à la demande d’un producteur d’électricité. Celui-ci faisait l’objet d’une taxation du charbon qui lui servait pour fabriquer de l’électricité, alors que d’autres produits énergétiques fossiles, comme le pétrole, faisaient l’objet de l’exonération obligatoire prévue par l’article 14 § 1 a).
Cette taxation était prévue par une loi de 2012. La Cour suprême espagnole s’interrogeait si cette taxe sur le charbon poursuivait effectivement une finalité environnementale dès lors qu’elle avait pour objectif d’abonder le budget espagnol, d’une part, et que le produit de cette taxe ne serait pas destiné à réduire les conséquences sur l’environnement de l’utilisation du charbon dans la production d’électricité, d’autre part. Le produit de la taxe était affecté au financement du système électrique.
La CJUE a toujours été très attentive à ce que l’exonération des produits énergétiques servant à fabriquer l’électricité soit effectivement appliquée de manière harmonisée par les Etats. (arrêt du 13 juillet 2017 dans l’affaire C-151/16 – cf. notre Lettre d’information n° 24 – juin-septembre 2017 ; arrêt du 7 mars 2018 dans l’affaire C-31/17 – cf. notre Lettre d’information n° 27 – mars-mai 2018).
Il s’agissait en l’occurrence de donner une interprétation harmonisée de la dérogation à cette obligation d’exonération.
La juridiction de renvoi avait proposé à la Cour de rapprocher ces « raisons ayant trait à la protection de l’environnement » avec les critères d’identification des « taxes indirectes à finalité spécifique » prévues par l’article 1er, paragraphe 2 de la directive 2008/118 du 16 décembre 2008.
Les TIFS ne sont pas à proprement parler des droits d’accises, mais comme il s’agit d’impositions indirectes, elles doivent respecter certains traits fondamentaux de ce qu’est un droit d’accise pour que la taxe ne crée pas des atteintes à l’harmonisation du marché intérieur. La Cour de justice a déjà rendu plusieurs décisions pour l’interprétation de ce que peut être une TIFS (cf. notamment l’arrêt Messer France du 25 juillet 2018 C-103/17).
La Cour de justice a notamment retenu qu’une taxe indirecte a une « finalité spécifique » aux conditions suivantes : « Une taxe dont les recettes font l’objet d’une affectation prédéterminée doit viser, par elle-même, à assurer la finalité spécifique invoquée de telle sorte qu’il existe un lien direct entre l’utilisation des recettes et la finalité de l’imposition en question » (point 41).
La Cour ajoute, citant un arrêt du 5 mars 2015 (C-553/13) que « En l’absence d’un tel mécanisme d’affectation prédéterminée des recettes, une taxe frappant des produits soumis à accise ne saurait être considérée comme poursuivant une fin spécifique au sens de l’article 1er, paragraphe 2 de la directive 2008/118, que si cette redevance est conçue, en ce qui concerne sa structure, notamment la matière imposable au taux d’imposition, d’une manière telle qu’elle influence le comportement des contribuables dans un sens permettant la réalisation de la fin spécifique invoquée, notamment en taxant fortement les produits considérés afin de décourager leur consommation » (point 42).
La CJUE a considéré que l’on pouvait effectivement utiliser les critères de la jurisprudence sur les TIFS pour expliciter ce qu’étaient ces « raisons ayant trait à la protection de l’environnement ».
La Cour a donc consacré le principe qu’il est possible de déroger à l’exonération obligatoire « pour des raisons ayant trait à la protection de l’environnement », « lorsqu’il existe un lien direct entre l’utilisation des recettes et la finalité de la taxation en question ou lorsque cette taxe, sans poursuivre une finalité purement budgétaire, est conçue, en ce qui concerne sa structure, notamment la matière imposable ou le taux d’imposition, d’une manière telle qu’elle influence le comportement des contribuables dans un sens permettant d’assurer une meilleure protection de l’environnement, par exemple en taxant fortement les produits visés afin de décourager leur consommation ou en encourageant l’utilisation d’autres produits dont les effets sont, en principe, moins nocifs pour l’environnement » (point 46).
La CJUE a ensuite entrepris de vérifier si la loi espagnole remplissait ces conditions.
La CJUE a ainsi admis que cette taxe pouvait avoir un effet incitatif pour une moindre consommation du charbon (point 51) en examinant la taxe en détail. Le fait que les hydrocarbures utilisés pour la production électricité soient exonérés et le charbon taxé ne démontre pas en soi que la taxation du charbon a une réelle finalité environnementale.
Toutefois, la CJUE, sans se prononcer sur la légalité de la taxe nationale, semble plutôt avoir validé la taxation en raison de son caractère incitatif.
- Par un arrêt du 7 septembre 2023 (C-323/22), la CJUE a examiné un dossier ancien de transport de produits pétroliers d’Italie vers la Slovénie qui s’était déroulé sous l’empire de la directive 9212/CE du 25 février 1992 (abrogée par la directive n° 2010/118 CE) avant l’informatisation des mouvements, à une époque où la circulation des produits était suivie par des « documents administratifs d’accompagnement » (DAA) établis sur papier.
Des produits pétroliers envoyés d’Italie vers la Slovénie avaient manifestement été détournés, les apurements sur les DAA s’avérant falsifiés. L’entrepositaire agréé expéditeur voyait sa responsabilité retenue pour payer les droits.
L’entrepositaire agréé soutenait qu’il avait un droit de bénéficier d’une franchise de droits d’accise en raison de la « perte des marchandises » qui serait liée à un cas fortuit ou un cas de force majeure.
La Cour de justice a considéré qu’il ne pouvait y avoir aucune perte dès lors que le produit demeurait dans le circuit commercial de l’Union après avoir été détourné par des tiers. Le produit n’avait pas disparu en tant que tel.
La CJUE en a conclu que « en l’absence de « perte » une franchise de taxe (…) ne saurait être accordée à l’entrepositaire agréé en cas de sortie irrégulière du régime suspensif, même lorsque cette sortie résulte d’un acte illicite exclusivement imputable à un tiers et que cet entrepositaire a une confiance légitime dans le fait que le produit circule régulièrement en régime de suspension des droits » (point 53).
La Cour a rappelé son principe que la responsabilité de l’entrepositaire agréé expéditeur « est, en outre, objective et repose non pas sur la faute prouvée ou présumée de l’entrepositaire mais sur sa participation à une activité économique » (point 56).
La CJUE a entendu éviter d’affaiblir « le caractère objectif de la responsabilité conférée à un entrepositaire (…) dans le cadre du régime suspensif et, partant, au rôle central de ce dernier en vue d’assurer l’exigibilité des accises, et, en définitive, la libre circulation des marchandises soumises à accises » (point 58).
La CJUE persiste donc dans une appréciation sévère de la responsabilité de l’entrepositaire agréé pour les produits soumis à accises (en ce sens arrêt du 24 mars 2022 C-711/20 – cf. notre Lettre d’information n° 43 – mai-juin 2022).
- Par un arrêt du 14 septembre 2023 (C-820/21), la CJUE a statué sur le retrait d’une autorisation d’entrepositaire agréé concernant une société bulgare.
Lors d’un contrôle fiscal en 2017, l’administration douanière bulgare avait constaté apparemment des manquants, pour un montant assez modique et surtout relevé que la société ne faisait pas acquitter par ses clients les droits d’accises qui devenaient exigibles par suite des mises à la consommation que l’entrepositaire effectuait.
Une sanction pécuniaire avait été prononcée pour un montant équivalent à environ 128 000 €, qui était devenue définitive.
Quelques jours après le jugement validant la sanction, la douane bulgare avait retiré l’autorisation d’entrepôt agréé.
La Cour de justice a rendu un arrêt qui est doublement intéressant.
En premier lieu, la Cour de justice vient interpréter l’article 16 paragraphe 1 de la directive 2008/118 qui prévoit que l’autorisation d’ouverture et l’exploitation en entrepôt fiscal sont soumises aux conditions que les autorités sont en droit de fixer afin de prévenir toute forme de fraudes et d’abus.
La juridiction bulgare avait interrogé la CJUE sur la teneur de ces conditions.
La CJUE a répondu, sans être très loquace. Le fait de sanctionner une infraction ayant donné lieu à une sanction considérée comme grave en droit national, par un retrait de l’autorisation d’entrepositaire agréé, entrait dans les prévisions de l’article 16 de la directive. Une telle sanction n’apparaissait pas en elle-même contraire à l’objectif et au texte de la directive 2008/118 (points 32-33).
Toutefois la Cour rappelle qu’en l’absence d’harmonisation des sanctions ou des retraits de l’autorisation d’entrepositaire agréé dans la règlementation communautaire, si « les Etats membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées, ils sont tenus d’exercer leurs compétences dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux parmi lesquels figurent, notamment, le principe ne bis in idem qui a été consacré à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’UE et le principe de proportionnalité » (point 34).
En second lieu, la CJUE a entrepris d’examiner si la sanction administrative puis le retrait de la licence peuvent se cumuler au regard de l’article 50 de la Charte consacrant le principe ne bis in idem.
L’article 50 de la Charte dispose que « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi », ce qui « interdit un cumul tant de poursuites que de sanctions présentant une nature pénale pour les mêmes faits et contre une même personne » (point 40).
Au passage, la CJUE énonce que « les deux mesures en cause au principal sanctionnent la violation de règles nationales faisant partie du régime de l’accise qui assurent la transposition de la directive 2008/118. Partant, lorsqu’un Etat membre adopte de telles mesures, il met en œuvre cette directive et, dès lors, le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. Il doit, par conséquent, respecter les dispositions de la Charte » (points 37 et 38).
Ce point est important et rappelle le principe que la Charte peut avoir un effet en faveur des opérateurs économiques, non seulement lorsque ceux-ci sont en relation avec les institutions communautaires, mais encore quand les Etats membres mettent en œuvre le droit communautaire en appliquant des règlements d’effet direct mais également dans le cadre de la transposition de directive (en ce sens un arrêt du 16 octobre 2019 C-189/18 point 79 – cf. notre Lettre d’information n° 31 – septembre-décembre 2019).
La CJUE rappelle ensuite en détail toute sa jurisprudence sur le principe ne bis in idem qui qui s’est forgée au fil du temps. Elle en fait une application extrêmement didactique à l’affaire.
Dans un premier temps, elle détermine si les deux sanctions ont une nature pénale par un triple examen de la qualification juridique de l’infraction en droit interne, de la nature même de l’infraction et du degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé (point 47).
Au terme de l’examen de ces critères, il semblait à la Cour de justice que les mesures seraient des sanctions à caractère pénal, sous réserve de la vérification à intervenir par la juridiction nationale (points 48 à 58).
La CJUE a vérifié si ce cumul pouvait être conforme à l’article 52 de la Charte qui impose que « toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par la Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel de ces droits et de ces libertés ». De plus « dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations devraient être apportées auxdits droits et auxdites libertés que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui » (point 62).
La CJUE dispose pour ce faire d’un faisceau de critères qu’elle applique successivement et qui aboutissent à une validation de la plupart des caractéristiques de la législation bulgare.
La seule règle qui a donné matière à critique par la CJUE est que « l’administration douanière est légalement tenue de retirer la licence d’exploitation d’un entrepôt fiscal lorsque, comme en l’occurrence, l’entrepositaire agréé a fait l’objet d’une décision définitive le condamnant à une sanction financière d’un montant supérieur à 15 000 BGN (environ 7 600 euros), un tel montant étant lui-même fixé de manière automatique au double du montant d’accise non prélevé » (point 78).
La Cour observe que la règlementation bulgare « ne parait pas permettre que soit prise en compte la sévérité de la première sanction lors de l’évaluation de la seconde ni qu’une autorité évalue si le cumul de ces deux sanctions est limité, dans chaque cas d’espèce, au strict nécessaire ».
Il est rappelé que la première sanction était équivalente à un montant de 128 000 €.
Cette automaticité a laissé penser à la Cour de justice que le cumul infligé à un entrepositaire pourrait être contestable.
La Cour a également examiné si la sanction était conforme au principe de proportionnalité. La CJUE a, là encore, adopté une appréciation nuancée.
Elle a admis que le retrait de l’autorisation d’entrepositaire agréé puisse être proportionné à l’objectif poursuivi d’éviter la fraude fiscale et le risque de récidive.
La Cour a néanmoins observé que « La réglementation nationale en cause au principal ne permet pas à l’intéressé d’obtenir ultérieurement une nouvelle licence d’exploitation » (point 89).
Elle a donc invité la juridiction de renvoi à « déterminer si une exclusion définitive du bénéfice d’un tel régime [d’entrepositaire agréé] constitue également une mesure proportionnée eu égard à la gravité de cette infraction » (point 91).
Dans un arrêt du 15 juin 2023 (C-292/22), la CJUE s’est prononcée sur le classement d’huile de palme.
Un importateur avait déclaré des importations d’huile de palme originaire de Turquie en Bulgarie sous la position 1511 du tarif concernant l’huile de palme et ses fractions, même raffinées, mais non chimiquement modifiées. Or, selon le laboratoire des douanes bulgare, le produit était un shortening d’huile de palme, à savoir une préparation composée exclusivement d’huile de palme ou de fractions de celle-ci, non chimiquement modifiée, mais obtenue par texturation, destinée à être utilisée dans des produits alimentaires, tels que la pâte. La marchandise avait été reclassée à la position 1517 90 99 assortie d’un taux de droits de douane de 16 % au lieu de 9 %.
En présence de divergences d’appréciation entre les douanes bulgares en fonction des différents lieux de dédouanement, la Cour d’appel de Varna avait demandé à la Cour de justice de clarifier le classement tarifaire.
Le débat technique s’est développé sur ce que pouvait être le procédé de « texturation ».
Une note explicative du système harmonisé (applicable au niveau mondial) sur la position 1517 inclut dans cette position les produits qui ont été « traités par texturation (…) », aboutissant à une « modification de la texture ou de la structure cristalline ».
La note explicative inclut dans cette position 1517 les produits dits shortenings qui selon cette même note sont « obtenus à partir d’huiles ou graisses traitées par texturation ».
La CJUE n’a pas tranché le débat sur le point de savoir s’il y avait une modification chimique du produit.
Elle a simplement considéré que la position 1511 ne pouvait pas inclure les huiles de palme qui avaient subi un traitement autre que le raffinage.
Dès lors que la texturation ne correspondait pas au raffinage, la Cour de justice a écarté le classement à la position 1511.
La Cour de renvoi devra donc vérifier si le produit a subi un traitement autre que le raffinage.
Depuis l’entrée en vigueur du code des douanes de l’Union, un effort a été fait pour préciser les règles d’origine non préférentielle.
L’article 60 § 2 du code des douanes de l’Union retient les principes de la transformation substantielle à effectuer pour acquérir l’origine du pays où ladite transformation a eu lieu, sur la base de critères anciens repris de règlement en règlement depuis 1967. Cependant, la question récurrente se pose de savoir quelles sont ces règles au cas par cas, pour chaque position tarifaire (prises généralement au niveau des quatre premiers chiffres du code douanier) de la marchandise quittant le « pays d’origine ».
L’Union européenne a fait un effort en 2015, qui n’est pas achevé, pour établir des « règles de liste » contraignantes qui définissent, en fonction du classement tarifaire du produit sortant d’un pays, quelles sont les transformations que les matières non originaires doivent avoir subies dans ce pays pour que l’origine dudit pays soit attribuée au produit sortant.
Certaines positions sont visées dans l’annexe 22-01 du règlement délégué 2015/2446 du 28 juillet 2015. Une ou plusieurs « règles de liste » (cumulatives ou alternatives) sont attachées à chaque position tarifaire.
Un arrêt de la CJUE du 21 septembre 2023 (C-210/22) a déclaré invalide une « règle de liste » figurant dans cette annexe 22-01.
Il s’agit de la position 7304 41 concernant les tubes, tuyaux et profilés creux qui sont réputés être originaires du pays où ils ont été produits au moyen d’étirage ou de laminage à froid. L’origine est acquise s’ils y ont été fabriqués à partir soit de produits relevant d’une autre position du SH (donc autre que 7304), soit à partir « de profilés creux, relevant de la position 7304 49 » du SH » (point 37).
Le problème s’est posé dans le cadre d’un important contentieux concernant l’application de mesures antidumping qui frappent les produits prétendument originaires de Chine, alors qu’ils ont fait l’objet d’une transformation substantielle en Inde par étirage et laminage à froid notamment. Ce pays n’est pas concerné par les mesures.
Or, cette sous-position 7304 49 ne recouvre pas que des « profilés creux », mais également les tubes et tuyaux sans soudure en acier inoxydable, et qui sont autres que ceux du 7304 41 visés par les mesures antidumping, à savoir ceux qui n’ont pas encore été étirés ou laminés à froid.
Les administrations douanières (entérinant une enquête diligentée par l’Office de Lutte Antifraude OLAF) considèrent, d’une part, que le changement de position tarifaire n’est pas allégué (car impossible sur ce type de produit) et, d’autre part, que les produits ne sont pas des « profilés creux » au sens de la sous-position 7304 49.
La Cour de justice a confirmé que l’on ne pouvait pas étendre la notion de « profilé creux » lorsque, à l’instar des produits en procédure, il s’agit d’ébauches de tube qui relèvent de la définition des « tubes et tuyaux », notamment en tant qu’elles sont décrites comme étant droites et d’épaisseur de parois uniforme.
La Cour de justice a donc considéré que « ne relève pas de la notion de « profilé creux », au sens de cette règle, une « ébauche de tube » formée à chaud, droite et d’épaisseur de paroi uniforme, qui ne satisfait pas aux exigences d’une norme technique relative aux tubes sans soudure en acier inoxydable usinés à chaud, et à partir de laquelle sont fabriqués, par transformation à froid, des tubes de section et d’épaisseur de paroi différentes, relevant de la sous-position 7304 41 du SH » (point 49).
Or, cette interprétation restrictive mais inéluctable de la notion de « profilé creux » a eu pour effet de faire invalider partiellement la règle d’origine.
En effet, celle-ci apparaissait restrictive et discriminatoire.
La Cour de justice a considéré que les critères de la transformation substantielle au sens de l’article 60 du code des douanes de l’Union étaient tous respectés quand bien même le produit de base serait un tube ou tuyau qui devrait faire l’objet d’une transformation à froid.
De plus, la Commission européenne avait eu l’occasion d’examiner le processus de transformation opéré par les usines indiennes dans le cadre d’une demande de reprise de la procédure antidumping qui avait donné lieu à un règlement n° 2017/2093 du 15 novembre 2017.
Ce règlement avait classé sans suite cette enquête en considérant que « les tubes et les tuyaux subissent, du fait de leur formage à froid, une transformation substantielle. En effet, ce constat repose sur l’observation que ce formage entraine des modifications irréversibles quant à leurs propriétés physiques, mécaniques, métalliques et métallurgiques. Or de telles modifications sont susceptibles de déterminer l’origine d’un produit (…) » (point 62).
La Commission s’est vu opposer qu’elle n’avait « fourni aucune justification convaincante permettant d’expliquer objectivement cette différence de traitement entre d’une part, des tubes et tuyaux et, d’autre part, des profilés creux qui, tous, relèvent de la sous-position 7304 41 du SH et ont été obtenus à partir de produits relevant de la sous-position 7304 49 du SH » (point 61).
Aux yeux de la Cour « Il apparait contradictoire et discriminatoire que la règle primaire prévoie que le formage à froid peut déterminer l’origine des profilés creux en recourant à un critère alternatif alors que le même type de formage appliqué à des tubes et tuyaux ne peut déterminer l’origine de ceux-ci que par référence à un critère unique considérablement plus sévère … » (point 61).
Cette décision de déclaration d’invalidité est suffisamment rare pour mériter l’attention et démontre que les nouvelles « règles de liste » donnent lieu à un contrôle juridictionnel efficace.
Dans un arrêt du 21 septembre 2023 (C-770/21), la CJUE a rendu une décision intéressante, parce que rare, sur la valeur en douane des fruits et légumes auxquels s’applique un prix d’entrée.
Les marchés des marchandises périssables comportent des variations très rapides et importantes des prix. Les exportateurs tiers déplacent souvent directement les marchandises vers l’Union européenne avant de les avoir vendues à quiconque, « en consignation ». Une règlementation complexe parallèle au code des douanes de l’Union a été mise en place pour déterminer des valeurs en douane qui soient réalistes et veiller à ce que des droits de douane soient perçus au plus juste.
L’importateur a toujours la possibilité de justifier de la valeur transactionnelle dans le cadre de l’article 70 du code des douanes de l’Union, à savoir le prix qu’il a payé à l’exportateur étranger. Si cette valeur est supérieure de 8 % à une valeur forfaitaire revue très fréquemment par la Commission, une garantie est exigée de l’importateur. Si la valeur de revente corrobore la valeur déclarée, la garantie est libérée. Dans la négative, la valeur transactionnelle est remise en cause et la garantie acquise à la douane.
L’importateur peut également proposer une valeur calculée sur la base du prix de vente sur le marché de l’Union suivant la « méthode de la valeur déductive » prévue par l’article 74 du CDU. Cette valeur est acceptable, moyennant une garantie calculée sur la base de la valeur forfaitaire.
Dans ces deux cas, si les prix de revente ne corroborent pas les déclarations, les droits de douane sont établis sur la base de la valeur forfaitaire. Les droits sont calculés de manière à éviter des formes de concurrence sauvage sur les marchés.
Les transferts en « consignation » sont directement évalués sur la base de la valeur forfaitaire, sans garantie.
Le système, qui est extrêmement complexe, est prévu par un règlement 2017/891 du 13 mars 2017. L’opérateur a des obligations déclaratives qu’il doit respecter dans des délais précis.
Ce système complexe a été examiné par la Cour et son exposé échappe au format de la présente.
La société en cause, un importateur bulgare, avait acheté des courgettes en Turquie et les avait déclarées pour un montant de valeur transactionnelle de 109 € pour 100 kilogrammes. Constatant que la valeur forfaitaire de référence était de 53 €, l’administration avait demandé la constitution de la garantie prévue par le règlement de 2017. A l’expiration du délai prévu (4 mois), il s’est avéré que l’importateur avait revendu sa marchandise à 106 € pour 100 kilos, caractérisant une « vente à perte ».
Cette modeste perte était, selon l’importateur, justifiée par des contrats qu’il avait conclus avec son acheteur, la chaîne LIDL, mais qui lui garantissaient sur le moyen terme de pouvoir faire des bénéfices.
Cette situation a suffi pour diligenter une procédure qui a coûté toute sa garantie à l’opérateur et a abouti à de très savantes digressions tant de l’avocat général que de la Cour de justice sur la question du prix à retenir, quelque peu théoriques par rapport à la modicité de la « perte » (3 € / kg soit 2,75 % de baisse).
La Cour a néanmoins retenu une lecture stricte du règlement délégué 2017/891 pour interdire à l’opérateur de changer les méthodes d’évaluation après le dédouanement.
La CJUE a dit pour droit que l’article 75 § 5 de ce règlement 2017/891 devait être interprété en ce sens que « l’écoulement du lot de marchandises importées moyennant une vente à perte constitue un indice sérieux du caractère artificiellement élevé de la valeur transactionnelle déclarée ».
L’importateur n’avait donc pas pu apporter des éléments suffisamment précis pour pouvoir justifier que sa valeur transactionnelle initiale était fondée. C’est donc l’évaluation forfaitaire qui lui a été imposée avec les droits de douane corrélatifs.
Il est également intéressant de relever que le juge bulgare se proposait de vérifier la valeur transactionnelle en examinant si l’acheteur turc et le vendeur bulgare étaient « liés » au sens de l’article 70 du code des douanes de l’Union.
La CJUE a écarté cette proposition.
En effet, le contrôle douanier n’avait aucunement visé l’éventualité qu’il ait pu exister de tels liens ni qu’ils aient pu influencer le prix.
La CJUE a considéré que les juges ne pouvaient pas s’arroger les prérogatives des douaniers et compléter en quelque sorte le contrôle.
Elle retient ainsi une forme de « cristallisation » des motifs qui résultent du contrôle. Celui-ci ne peut pas faire l’objet de nouveaux motifs devant le juge notamment sur ces problèmes de valeur.
Ainsi, la Cour précise que : « Par conséquent, saisie d’un recours contre une décision d’une autorité douanière fixant la dette douanière conformément à l’article 75, paragraphe 5, du règlement délégué 2017/891, une autorité judiciaire ne peut pas soulever, d’office et pour la première fois, la question de l’existence de liens entre l’importateur et l’exportateur, au sens de l’article 70, paragraphe 3, sous d), du code des douanes de l’Union, et si ces éventuels liens ont influencé le prix, au sens de cette dernière disposition, alors que le contrôle douanier effectué par l’autorité douanière a porté non pas sur l’existence de tels liens mais sur les conditions d’écoulement du lot importé sur le marché de l’Union, qui, selon cette autorité, n’ont pas confirmé la réalité de la valeur transactionnelle déclarée » (point 70).
La Cour a ajouté que le droit au recours juridictionnel effectif prévu par la Charte des droits fondamentaux (article 47) « ne préjuge pas de la répartition des compétences entre, d’une part, les autorités administratives, telles les autorités douanières, et, d’autre part, les autorités judiciaires, telle que cette répartition résulte des dispositions pertinentes du droit de l’Union, en l’occurrence celles de l’article 5, point 1, et de l’article 44 du code des douanes de l’Union » (point 72).
- La loi 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces a d’abord été prévue pour refondre l’article 60 du code des douanes.
Cette refonte avait été rendue inéluctable par la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022 (voir notre Lettre d’information n° 44 – juillet-octobre 2022 et notre article d’octobre 2023 précité à l’AJ Pénal).
La Cour de cassation a de nouveau examiné l’une des affaires les plus emblématiques qui l’avait conduite à transmettre la QPC.
Il s’agissait des suites d’un arrêt du 23 février 2022 (voir notre Lettre d’information n° 42 – janvier-avril 2022).
Cette décision faisait suite au contrôle d’un véhicule diligenté sur le parking d’une aire d’autoroute. Observant à travers la vitre du véhicule, sans occupant, qu’il y avait manifestement des espèces qui trainaient sur le siège passager et que le chien renifleur opinait qu’il y avait de la drogue, les douaniers avaient brisé une vitre.
Toutefois l’arrêt de la Cour de cassation avait invalidé la procédure diligentée dans le cadre de l’article 60 du code des douanes, dans la mesure où il n’y avait eu aucune garantie pour authentifier les constatations des douaniers, puisque les infracteurs n’étaient pas présents pendant la visite.
Le nouveau dispositif prévu par la loi du 18 juillet 2023 a tiré les conséquences de cette décision au nouvel article 60-8 du code.
Toutefois la procédure s’est poursuivie devant la Cour d’appel de renvoi (chambre de l’instruction). Celle-ci a validé la procédure de visite. La chambre de l’instruction avait retenu que si la visite était irrégulière, comme la Cour de cassation l’avait jugé, « Toutefois, les agents des douanes ayant compétence pour procéder à une fouille et l’irrégularité relative aux conditions dans lesquelles ils y ont procédé n’étant pas d’ordre public, il n’y a lieu de prononcer la nullité de la procédure que s’il est résulté de cette irrégularité une atteinte aux intérêts de [l’infracteur] ».
Les juges ajoutaient que celui-ci « n’a pas contesté la présence dans son véhicule des objets découverts et il ne démontre pas que l’irrégularité de la visite lui a causé un grief particulier ».
La Cour de cassation a validé la décision de la chambre de l’instruction en retenant une batterie de motifs : « d’une part, il résulte des articles 171 et 802 du code de procédure pénale que hors les cas de nullité d’ordre public, l’inobservation des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité doit entrainer la nullité de la procédure lorsqu’il en est résulté une atteinte aux intérêts de la partie concernée.
D’autre part, il résulte des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et 60 du code des douanes que, si les agents des douanes sont compétents pour procéder à la visite d’un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public, ils sont tenus de procéder à cette visite en présence de son occupant à défaut de garantie posée par la loi visant à s’assurer de l’authentification des recherches et découvertes effectuées. La méconnaissance de cette exigence, susceptible d’avoir entrainé une atteinte à la protection de l’authentification des recherches et découvertes effectuées dans une fouille n’est pas exclue du champ d’application de l’article 802 du code de procédure pénale ».
Par conséquence, le pourvoi du propriétaire du véhicule a été rejeté, ….faute de grief….
- Concernant cette fois la visite d’un navire saisi dans le cadre des sanctions contre la Russie, la chambre commerciale a rendu une décision le 5 juillet 2023 (pourvoi 22-22.290, publiée au Bulletin) qui statue sur le droit de recours en cas de perquisition des locaux affectés à un usage privé ou d’habitation d’un navire (cf. nos articles dans nos Lettres d’information n° 1 et 2 de novembre et décembre 2013 – arrêt du 19 mai 2016 pourvoi 13-10.214 – cf. notre Lettre d’information n° 19 – mai 2016, arrêt du 20 avril 2017 pourvoi n° 15-26.227 – cf. notre Lettre d’information n°23 mars-mai 2017, arrêt du 5 juillet 2017 pourvoi n° 15-25.452 – cf. notre Lettre d’information n° 24 juin-septembre 2017).
A la suite d’une saisie en application des nouvelles sanctions décidées par l’Union européenne en réaction à l’agression russe en Ukraine, l’administration avait pris des renseignements sur les propriétaires d’un navire qui apparaissaient relever des sanctions.
Le 16 mars 2022, les agents des douanes avaient procédé à la visite du navire dans un port français et avaient visité l’intégralité du bateau y compris la cabine du capitaine représentant le propriétaire lors la visite.
Toutefois, le propriétaire effectif détenteur de la société propriétaire du navire avait formé une contestation contre la visite.
Cette contestation a été rejetée au motif qu’il résulte de l’article 63 V du code des douanes « qui a pour objet d’assurer le respect du domicile et de la vie privée de la personne qui demeure dans les lieux visités, que seul l’occupant des locaux affectés à un usage privé ou d’habitation d’un navire peut former le recours qu’il prévoit contre le déroulement des opérations de visite desdits locaux. Il en découle que, s’il n’est pas effectivement occupant des locaux visités, le propriétaire du navire n’est pas recevable à exercer le recours prévu à l’article 63 V précité ».
L’ordonnance du premier président qui avait considéré que le propriétaire effectif pouvait être considéré comme l’occupant des lieux a donc violé le texte susvisé ; la cassation a été prononcée. La Cour a statué sans renvoi et a déclaré irrecevable le recours formé par le propriétaire.
La Cour de cassation a rejeté un pourvoi de la Douane dans un arrêt du 11 octobre 2023 (pourvoi n°21-19.896, publié au Bulletin, suivi au cabinet). Dans une affaire de fiscalité pétrolière, l’administration avait redressé des volumes d’essence issus de « composés organiques volatils » (COV) récupérés lors de chargements de barges d’essence.
Le procès-verbal de notification d’infraction critiquait l’absence d’inscription de ces « COV » dans la comptabilité-matières. Cependant, l’AMR visait quant à lui un « taux de taxation erroné », ce qui était une base juridique différente. La Cour d’appel de Colmar avait constaté « une discordance manifeste entre l’AMR qui vise la prise en compte de taux de taxation manifestement erronés et le procès-verbal de notification d’infraction qui vise une minoration de l’assiette de la taxe ».
La Cour d’appel avait jugé que « Les mentions portées dans l’avis de mise en recouvrement doivent permettre au redevable d’être informé des droits qui lui sont réclamés par l’administration, afin qu’il puisse, le cas échéant, les contester utilement; il doit ainsi indiquer les circonstances de fait à l’occasion desquelles la créance a pu naître mais aussi les circonstances de droit justifiant le montant de la créance. »
La Douane soutenait dans son pourvoi que le redevable avait été parfaitement informé par ailleurs de la créance et de son calcul.
Elle faisait valoir que cette irrégularité était une nullité de forme qui n’avait pas porté grief à la société, au sens de l’article 114 du code de procédure civile, assimilant ainsi l’AMR à un acte de la procédure civile.
La Cour de cassation a validé l’appréciation souveraine du juge du fond, ajoutant que l’AMR « n’était ni clair ni précis ».
Elle a retenu que « la discordance entre l’AMR, qui ne faisait référence qu’au procès-verbal d’infraction, et ce dernier était source de confusion quant à la base juridique précise du redressement et induisait une ambiguïté quant à une éventuelle requalification des faits par l’administration des douanes, et en a exactement déduit que l’AMR, qui ne constitue pas un acte de procédure soumis aux dispositions de l’article 114 du code de procédure civile, était irrégulier. » L’argumentation du Cabinet est ainsi suivie par la Cour de cassation.