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N° 58 – Juin-Juillet 2025
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La Lettre d’information en bref
- La jurisprudence en droit des transports :
- La Cour d’appel de Montpellier a rappelé qu’une offre transactionnelle, sans reconnaissance de responsabilité, n’interrompt pas la prescription.
- La jurisprudence en matière douanière :
- La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt sur l’évaluation en douane d’importations dont le prix définitif n’est pas encore connu au moment du dédouanement.
- La CJUE a statué sur la portée territoriale de l’exonération de TVA pour les importations de « petits envois sans caractère commercial ».
- La CJUE a également déterminé les possibilités de régulariser (après des omissions déclaratives) des retours de marchandises communautaires en exonération de TVA dans le cadre du « régime douanier des retours ».
- La chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé sa jurisprudence sur les prérogatives limitées de la Douane en cas de visite des véhicules (ancien régime) et l’interdiction de pratiquer des « auditions libres » dans ce cadre.
- La chambre criminelle a rendu un arrêt qui rappelle plusieurs points de sa jurisprudence en contentieux pénal douanier (critères du caractère contradictoire de la procédure d’enquête au pénal et d’admission de la « bonne foi ») et a jugé que les amendes douanières ne peuvent pas bénéficier du sursis.
Stéphane Le Roy est intervenu lors de la conférence annuelle de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF) organisée conjointement par la Commission TVA et la Commission Douane et Fiscalité Energétique et Environnementale de l’IACF, sur le thème « Actualités TVA et douane : regards croisés », le 12 juin 2025 à la Maison du Barreau. Stéphane Le Roy a présenté les possibilités d’intervention limitées de l’Organisation Mondiale du Commerce dans le cadre de la guerre commerciale initiée par l’administration Trump.
Vincent Courcelle-Labrousse commente dans la livraison de juillet de la revue AJ Pénal Dalloz l’arrêt de la grande chambre de la CJUE du 8 avril 2025 (C-292/23) sur le contrôle des actes juridictionnels du Parquet européen.
En raison de dommages survenus sur ses meubles lors du déménagement de ceux-ci, un particulier a assigné en responsabilité le déménageur / transporteur de ses meubles plus d’un an après l’arrivée de ceux-ci.
Le demandeur avait reçu plusieurs offres transactionnelles de la part du déménageur/transporteur et de ses assureurs.
Il soutenait que ces offres avaient eu un effet interruptif de la prescription annale.
Or, aucune de ces offres ne contenait de reconnaissance de responsabilité.
S’appuyant sur la jurisprudence constante de la Cour de cassation, notamment l’arrêt de la première Chambre civile du 19 septembre 2018 (n°17-21.483), la Cour d’appel de Montpellier a rappelé par un arrêt du 7 mai 2025 (RG n°23/04724) qu’une offre transactionnelle ne caractérise pas en elle-même une reconnaissance de responsabilité interruptive de prescription si aucune mention sur ce point n’a été insérée dans l’acte. La Cour rappelle que la reconnaissance de responsabilité doit être expresse et ne peut résulter de l’absence de réserves portées sur l’offre transactionnelle.
Ainsi, en cas de pourparlers en vue d’une résolution amiable du litige, il est sage de garder en tête la date de prescription et de ne pas hésiter à assigner afin de faire valoir ses droits en justice. En cas d’offre transactionnelle, les négociations relatives au montant de l’indemnisation ne doivent pas faire oublier le couperet fatal de la prescription.
Par un arrêt du 15 mai 2025 (C-782/23), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision qui clarifie le régime juridique de l’évaluation sur la base de valeurs provisoires.
Une société lituanienne avait importé des carburants qui lui étaient facturés sur la base d’un prix provisoire. La facturation définitive dépendait de différents paramètres, notamment des valeurs des produits pétroliers sur les marchés internationaux et des variations de taux de change. Le contrat était donc structuré pour aboutir à une facturation définitive.
La société lituanienne avait pris le parti de déclarer ces marchandises à leur arrivée, non pas sur une « valeur provisoire » mais sur la base d’une méthode résiduelle d’évaluation en douane prévue par l’article 74 du Code des douanes de l’Union, à savoir le prix sur le marché intérieur de l’Union européenne. Dans un second temps, elle procédait à des régularisations sur la base du prix effectivement payé. La société lituanienne ayant omis de procéder à certaines de ces régularisations, l’administration l’avait redressée en matière de TVA.
La question se posait de la valeur transactionnelle à retenir, étant rappelé que cette valeur augmentée des droits de douane, s’il y en a eu, est la base d’imposition de la TVA à l’importation. La CJUE a écarté l’application des méthodes subsidiaires dont celle de l’article 74 précité. Elle a jugé que la « valeur transactionnelle » qui est prévue par l’article 70 paragraphe 1 du Code des douanes de l’Union, à savoir une évaluation sur la base du « prix payé ou à payer » était seule applicable.
La CJUE a considéré qu’il fallait de bout en bout procéder sur la base de la valeur transactionnelle, d’abord dans le cadre de la facture proforma, en recourant à une déclaration simplifiée telle que prévue par les articles 166 et 167 du CDU. Le recours à ce procédé permettait donc d’aboutir à une déclaration normale sur la base du prix réellement acquitté sur la base de la régularisation opérée par les factures définitives.
Ainsi, la Cour de justice a considéré que « le recours à la procédure de la déclaration en douane simplifiée prévu aux articles 166 et 167 du Code des douanes de l’Union permet, d’une part, de déclarer une valeur en douane qui, conformément à la méthode prioritaire de la valeur transactionnelle, reflète la valeur économique réelle des marchandises importées, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour l’acquisition de celles-ci et, d’autre part, de satisfaire à l’obligation d’exactitude et de complétude imposée à l’article 15 paragraphe 2 a) de ce code, notamment en indiquant d’emblée aux autorités douanières que des marchandises importées sont déclarées, provisoirement, pour une valeur qui ne correspond pas à leur valeur transactionnelle. » (point 66).
La CJUE a donc dit pour droit que « l’article 70 du Code des douanes de l’Union doit être interprété en ce sens que, lorsque, au moment où des marchandises sont importées dans le territoire douanier de l’Union, est seul connu leur prix provisoire, qui figure sur une facture proforma, le contrat de vente stipulant que leur prix final sera fixé ultérieurement, par une facture définitive, sur la base de certains facteurs objectifs prédéterminés dont la valeur est indépendante de la volonté des parties et inconnues de celles-ci au moment de l’acceptation de la déclaration en douane, tels qu’une moyenne des taux de change de certaines devises ou du cours de certains produits pendant une période donnée, la valeur en douane de ces marchandises doit être déterminée par application de la méthode de la valeur transactionnelle, prévue à cet article, en recourant, en principe, à la procédure de déclaration en douane simplifiée prévue aux articles 166 et 167 de ce code. »
Par un arrêt du 8 mai 2025 (C-405/27), la CJUE a rendu une décision sur l’interprétation de l’article 143 paragraphe 1 b) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 sur la TVA (« directive TVA ») qui exonère les importations définitives de certains biens dont notamment ceux régis par une directive n°2006/79 qui porte sur la franchise de TVA pour des « petits envois sans caractère commercial en provenance d’un pays tiers, par un particulier à destination d’un autre particulier se trouvant dans un autre Etat membre. »
Un prestataire de services polonais, qui importait en Pologne depuis des pays tiers des « petits envois sans valeur commerciale » entre particuliers, avait interrogé l’administration polonaise. Il entendait vérifier que le fait que le destinataire de l’envoi ne soit pas établi en Pologne mais dans un autre Etat membre ne posait aucune difficulté pour bénéficier de l’exonération de TVA en Pologne. L’administration polonaise avait répondu que l’exonération était exclue dans ce cas de figure. La Cour de justice a considéré, au contraire, que les textes n’opèrent pas de distinction selon l’Etat membre dans lequel le destinataire se trouve. La CJUE a observé que le règlement sur les franchises douanières (n°1186/2009 du 16 novembre 2009) statue dans le même sens.
La Cour de justice a donc procédé à une « interprétation littérale mais également une interprétation contextuelle et téléologique de l’article 143 paragraphe 1 b) de la directive 2006/112 et l’article 1er de la directive 2006/79 ».
Elle a dit pour droit que « l’exonération de TVA prévue à ces dispositions s’applique indépendamment de la circonstance selon laquelle le destinataire de l’envoi réside dans l’Etat membre d’importation dans un autre Etat membre. »
Par un arrêt du 12 juin 2025 (C-125/24), la CJUE a procédé à l’interprétation également de l’article 143 paragraphe 1 de la « directive TVA », mais cette fois-ci de son point e), lu en combinaison avec les articles 86 paragraphe 6 et 203 du Code des douanes de l’Union.
Le litige concernait un propriétaire suédois de chevaux qui avait participé à des compétitions organisées dans différents pays. Après avoir transporté deux de ses chevaux vers la Norvège à cet effet, cette personne les avait réintroduits dans l’Union en franchissant la frontière entre la Norvège et la Suède sans les présenter en douane. L’administration suédoise avait intercepté le transport.
Le droit suédois aurait permis de bénéficier d’une exonération de TVA en transposition de l’article 143 paragraphe 1 point e) de la « directive TVA » si le propriétaire avait déclaré en douane les chevaux en vue de leur mise en libre pratique dans le cadre du « régime des retours » et demandé l’exonération des droits à l’importation à cet effet. Cette exonération emportait corrélativement celle de la TVA dans le cadre de l’article 143 précité.
Le « régime des retours » permet à une marchandise communautaire qui a été déclarée comme étant provisoirement exportée de revenir dans l’Union sans devoir acquitter les droits de douane.
Ce régime est important car une marchandise communautaire a un « statut communautaire » qu’elle perd lors de l’exportation. Cette marchandise peut, en étant réimportée, devoir acquitter des droits de douane, sauf s’il est démontré qu’elle est bien d’origine communautaire.
Lorsque la déclaration d’exportation provisoire n’a pas été faite au départ, il faut présenter la marchandise en douane au retour puis justifier des conditions pour l’application du « régime des retours » et bénéficier ainsi de l’exonération des droits de douane accordée par l’article 203 du Code des douanes de l’Union.
C’est là qu’intervient en cas d’« oubli » la « soupape de sécurité » que représente l’article 86 paragraphe 6 du CDU :« lorsqu’une exonération des droits à l’importation est prévue, en vertu notamment, de l’article 203 de ce code, cette exonération s’applique également en cas de naissance d’une dette douanière en vertu de l’article 79 dudit code, à la suite de l’inobservation de l’obligation de présentation de marchandises introduites sur le territoire de l’Union, à condition que cette inobservation ne constitue pas une tentative de manœuvre. » (point 23).
La question se posait du point de savoir si l’article 86 paragraphe 6 pouvait « sauver » le propriétaire des chevaux bien que les conditions formelles d’application de l’article 203 ne fussent pas réunies faute de présentation en douane de la marchandise en vue d’obtenir le bénéfice du « régime des retours ».
Si tel était le cas, l’article 143 paragraphe 1 e) permettrait d’exonérer de TVA par les Etats membres « les réimportations de biens en l’état dans lequel ils ont été exportés, par la personne qui les a exportés et qui bénéficie d’une franchise douanière. »
La CJUE a retenu dans l’arrêt du 12 juin 2025 une application non restrictive de l’article 86 paragraphe 6, au motif que ces dispositions « seraient largement privées d’effet utile s’il [article 86 paragraphe 6] devait être interprété comme ne s’appliquant pas dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, au motif que les conditions formelles requises pour bénéficier d’une franchise douanière ne sont pas satisfaites. »
La Cour de justice considère que « sauf à ce qu’elle constitue une tentative de manœuvre, la circonstance que des marchandises en retour n’aient pas fait l’objet de présentation en douane requise à l’article 139 paragraphe 1 a) du Code des douanes et la déclaration de mise en libre pratique prévue à l’article 203 de ce code ne fait pas obstacle, en vertu de l’article 86 §6 dudit code à ce que ces marchandises bénéficient, au titre de leur réintroduction sur le territoire de l’Union européenne, de la franchise douanière prévue à cet article 203. » (point 34).
De manière instructive, la Cour ajoute que « Cette lecture est corroborée par le considérant 38 du Code des douanes [de l’Union] qui indique que » il y a lieu de prendre en compte la bonne foi de la personne concernée dans les cas où une dette douanière nait par suite du non-respect de la législation douanière et de minimiser l’incidence de la négligence de la part du débiteur. »
La CJUE s’est attachée « concrètement » à ce que l’affranchissement « d’obligations formelles telles que la présentation en douane et la déclaration de mise en libre pratique de chevaux lors de leur réimportation sur le territoire de l’Union ne [fasse] pas obstacle, sauf à ce que soit établi l’existence d’une tentative de manœuvre, à l’application de l’exonération de TVA… » (point 37).
La Cour de justice fournit un élément intéressant pour les vérifications à effectuer par le juge de renvoi suédois de ce que le propriétaire ne s’est pas livré « à une tentative de manœuvre » : le juge devra vérifier que « le non-respect par [le propriétaire] de telles obligations formelles, à le supposer établi, résulte d’une simple négligence de sa part ne remettant pas en cause sa bonne foi. » (point 38)
Ce sont là des indices précieux pour baliser les conditions d’application du « régime des retours » en matière de TVA, mais aussi pour les droits de douane.
Par un arrêt du 28 mai 2025 (pourvoi 24-81.295), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé les limites posées aux prérogatives de l’administration dans le cadre de la fouille de véhicules.
En l’occurrence, le conducteur d’un véhicule avait fait l’objet d’un contrôle dans lequel des sommes en espèces avaient été découvertes, suivi d’une « audition libre » (prévue par l’article 67F du Code des douanes) de 17h50 à 21h. De 21h40 à 23h, il avait ensuite été procédé, toujours en présence de l’intéressé, à la notification de la saisie effectuée.
Selon le prévenu la procédure était irrégulière, au motif qu’il avait été retenu trop longtemps. La Cour d’appel avait considéré que l’intéressé ne pouvait pas être mis en retenue douanière puisque l’infraction douanière de transfert de capitaux sans déclaration n’était pas réprimée par l’emprisonnement. On se situait donc dans le cadre du « droit de visite » antérieurement à sa réforme opérée par la loi n°2023-610 du 18 juillet 2023 (cf. Lettre d’information n° 49 juillet-octobre 2023).
La Cour d’appel avait rejeté l’exception de nullité au motif que l’intéressé avait accepté de suivre les agents au bureau de douane et était resté dans les locaux pour procéder aux formalités de saisie de la somme découverte. Pour la Cour d’appel, l’audition « pouvait être effectuée dans les conditions prévues par l’article 67F du Code des douanes, notamment quant aux droits devant être notifiés, en l’occurrence ceux prévus par l’article 61-1 du Code de procédure pénale.
La Cour de cassation a censuré la décision au motif que « En effet, il résulte de ses constatations et des procès-verbaux de la procédure douanière que la personne contrôlée, invitée à suivre les agents des douanes dans leurs locaux, où elle a été maintenue à leur disposition, a fait l’objet d’une audition formelle sur sa situation personnelle, notamment financière, et sur l’origine des fonds transportés, audition à laquelle les agents des douanes ne pouvaient procéder, fût-ce en application de l’article 67 F du code des douanes, au cours de cette visite et qui a conduit à retenir l’intéressé au-delà du temps strictement nécessaire à la mise en œuvre du contrôle. » (point 12).
La jurisprudence avait déjà censuré ces procédés (13 juin 2019 pourvoi n°18-83.297 cf. notre Lettre d’information n° 30 janvier-août 2019, 18 mars 2020 pourvoi n° 19-84.372 cf. notre Lettre d’information n° 36 septembre-décembre 2020).
Toutefois, par une mesure de sauvetage dont la chambre criminelle est coutumière, il a été jugé que l’arrêt d’appel « n’encourt pas la censure dès lors que les juges pour retenir la culpabilité du prévenu se sont fondés sur d’autres éléments, soumis au débat contradictoire, notamment sur les constatations matérielles contenues dans les procès-verbaux et les déclarations sommaires effectuées par l’intéressé lors de la visite du véhicule. »
Par un arrêt du 14 mai 2025 (pourvoi n°23-86.694), la Chambre criminelle a statué sur trois points instructifs en contentieux pénal douanier.
- La Chambre criminelle a écarté l’argumentation du prévenu qui soutenait que la procédure douanière n’avait pas été contradictoire au stade de la rédaction de plusieurs procès-verbaux de notification de l’infraction des 12 juillet, 4 et 24 août 2010. Les juges avaient retenu que « la personne verbalisée a été mise en mesure d’apporter des éléments à l’appui de sa défense durant la phase d’audition, ainsi qu’à la fin de chaque procès-verbal dans une rubrique prévue à cet effet et que la représentante de la société a d’ailleurs formulé des observations dans chacun des procès-verbaux précités. » (point 10). Selon la Cour de cassation, la Cour d’appel « ne s’est pas fondée, pour juger que le principe du contradictoire avait été respecté s’agissant des procès-verbaux de 2010, sur le seul constat que des observations avaient été formulées, mais a, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, relevé que les prévenus ont en l’espèce été mis en mesure de faire connaître leur point de vue sur les exportations litigieuses dans un délai suffisant et en connaissance de cause. » (point 14). Les prévenus se plaignaient d’avoir manqué de temps et d’une connaissance complète des tenants et aboutissants de la position de la Douane.
Par ailleurs, les prévenus relevaient, concernant d’autres procès-verbaux d’infraction des 24 mai et 12 septembre 2011, que les fondements textuels des infractions avaient évolué au cours de la procédure d’enquête, sans que la société eût été appelée à présenter des observations sur les nouveaux fondements juridiques de la notification. Comme précédemment, la Cour d’appel avait retenu que la société avait pu faire part de ses observations. La Chambre criminelle a jugé :
« En deuxième lieu, dès lors qu’il n’est pas nécessaire que les qualifications retenues figurent dans le procès-verbal de notification d’infraction et que le principe du contradictoire impose uniquement que soient recueillies des observations sur les faits objet des poursuites, le moyen, qui critique les motifs de l’arrêt attaqué par lesquels celui-ci a écarté le grief tiré de ce que les textes d’incrimination figurant dans les courriers d’avis de résultat d’enquête adressés par les douanes aux prévenus différaient de ceux figurant dans les procès-verbaux de notification d’infraction de 2011, est inopérant. » (point 15)
Quand on connait la complexité pour ne pas dire le caractère abscons des textes douaniers, la discussion de la qualification juridique des faits est une étape essentielle et un droit pour le redevable.
Cette procédure concernait des opérations d’exportation sous couvert de licence. Les irrégularités ne donnaient pas lieu à taxation, en revanche les faits étaient punissables pénalement (comme toute irrégularité douanière).
La procédure préalable contradictoire en cas de taxation dite « droit d’être entendu » (prévue par les articles 67A et suivants du Code des douanes) n’avait donc pas été appliquée, faute de droits en jeu. Le caractère contradictoire de la procédure reposait sur ces déclarations dans la case au pied de chaque procès-verbal de constat / d’audition intitulée « déclaration de la personne intéressée ».
À la majeure différence de la procédure existant désormais dans le cadre d’une taxation potentielle, la Cour de cassation n’a jamais imposé à l’administration, dans les dossiers uniquement passibles de poursuites pénales, la mise en œuvre d’une procédure contradictoire analogue au « droit d’être entendu » en trois étapes (avis de résultat d’enquête / de contrôle, observations du redevable, réponse aux observations dans une « position définitive de l’administration »). La jurisprudence en la matière s’avère peu contraignante pour l’administration.
Nous avions commenté un arrêt du 9 novembre 2022 (pourvoi 21-85.747) de la chambre criminelle dans laquelle celle-ci avait théorisé les raisons pour lesquelles elle considérait qu’une procédure contradictoire préalable ne s’imposait pas dans les affaires non passibles de droits et taxes
(Vincent Courcelle-Labrousse
Dalloz AJ Pénal janvier 2023 pp.40-41
Droit de communication et pouvoir général d’audition : non
Principe du contradictoire : oui, mais
Autorité du civil sur le pénal : non
Rétroactivité in mitius : non plus).
- la Cour de cassation revient sur les critères de la « bonne foi » des prévenus, qui est un fait justificatif imposant la relaxe, à condition d’en reconnaître l’application.
Il s’agissait en l’occurrence de l’utilisation de licences d’exportation qui avaient été accordées à une société du même groupe mais utilisées par une autre filiale gérée par les prévenus.
L’administration avait considéré que les exportations étaient irrégulières, dès lors qu’elles étaient effectuées sous couvert d’une licence délivrée à une entité juridique autre que l’exportateur. Des discussions apparemment transparentes avaient eu lieu avec un fonctionnaire de la Commission européenne qui avait fourni une réponse confirmative, que la Cour d’appel avait écartée comme étant « insuffisante à établir la bonne foi des prévenus ».
La Cour d’appel, approuvée par la Chambre criminelle a ainsi retenu que « la preuve de la bonne foi résulte, en matière douanière, des diligences qui auraient pu être effectuées par les sociétés et dirigeants pour s’assurer effectivement de la régularité des exportations et que le nombre d’infractions particulièrement important et les sommes en cause montrent qu’il ne s’agit pas simplement de quiproquos mais de négligences exclusives de la bonne foi. » (point 22)
Cette décision illustre la sévérité de la jurisprudence sur la notion de « bonne foi » qui devient très difficile à faire prévaloir (entre autres, 7 septembre 2022 pourvoi 21-85.236 publié au Bulletin, cf. Lettre d’information n° 44 juillet-octobre 2022, 5 avril 2023 pourvoi 22-83.427, cf. Lettre d’information n° 48 mai-juin 2023).
- La Chambre criminelle accueille un moyen, soulevé cette fois par l’administration des douanes. En effet, la Cour d’appel avait accordé le bénéfice du sursis pour les amendes douanières qu’elle avait infligées aux prévenus.
Or, au visa de l’article 369 du Code des douanes, la Chambre criminelle énonce qu’« il résulte de ce texte que les amendes douanières ne peuvent être assorties du sursis. ». La cassation a donc été prononcée (point 26), mais limitée aux peines.
Cette solution est critiquable. La Cour tire profit du « caractère mixte » (à la fois pénal et indemnitaire) des sanctions douanières, qui résulte d’une jurisprudence aussi ancienne que l’administration des douanes.
Elle refuse aux prévenus le bénéfice d’une mesure qui permet aux juges du fond de tenir compte de l’ensemble des circonstances. Le sursis accorde aux prévenus une chance de se relever. De plus, les sanctions douanières sont souvent beaucoup plus élevées que les amendes encourues dans le cadre du Code pénal pour les qualifications « de droit commun ».