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n° 45 -Novembre-Décembre 2022
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La Lettre d’information en bref
- Les évolutions majeures après la discussion du projet de loi de finances pour 2023 (sous réserve de la décision à venir du Conseil constitutionnel) sont les suivantes en matières douanière et de fiscalité énergétique et environnementale :
- Prolongation du « bouclier fiscal » sur l’électricité en 2023 ;
- Accroissement du tarif et des objectifs de la TIRUERT (taxe sur les biocarburants) et extension des produits éligibles ;
- Augmentation de la fiscalité sur le carburéacteur et les essences d’aviation ;
- Exemption de la taxe générale sur les activités polluantes sur les déchets pour certains résidus de traitement de terres et boues ;
- Aménagement du transfert du recouvrement de la fiscalité sur les produits pétroliers à la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) ;
- Transfert à la DGFIP du recouvrement des amendes douanières prononcées par une juridiction et des droits et taxes connexes ;
- Habilitation au Gouvernement pour réformer par ordonnance l’article 60 du Code des douanes déclaré inconstitutionnel.
- La CJUE rend un arrêt, qui aura une incidence en matière de fiscalité environnementale, concernant la définition de ce qu’est un « sous-produit » et les règles du « statut de fin de déchet ».
- La CJUE valide le régime polonais d’exonération de l’alcool éthylique pour des médicaments dans le cadre du régime suspensif de droits d’accise qui avait été rendu obligatoire dans ce pays pour cet usage.
- La CJUE rend une décision sur le classement tarifaire des antennes pour des appareils de routage.
La discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 est achevée. L’Assemblée Nationale a adopté le texte en « lecture définitive » le 17 décembre 2022.
Les débats en séance à l’Assemblée ont été considérablement raccourcis en raison de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement à chaque lecture du texte. Toutefois, le Gouvernement a accepté en « nouvelle lecture » de reprendre une partie des amendements et nouveaux dispositifs proposés par le Sénat.
Sous réserve des décisions à venir du Conseil constitutionnel (saisi le 19 décembre 2022), les principales évolutions en matière de fiscalité sur les biens et services, suivie au cabinet, sont les suivantes (« LF » désigne les références définitives des articles de la loi de finances, « CD » le Code des douanes, « CGI » le Code général des impôts, « CIBS » le nouveau Code des impositions sur les biens et services, et « LPF » le Livre des Procédures Fiscales). Le format de cette Lettre d’information interdit d’être exhaustif.
La fiscalité de l’énergie et la transition énergétique
- L’article 64 LF reconduit le bouclier tarifaire sur l’électricité.
- L’article 65 LF comporte un important dispositif public pour inciter les particuliers et les entreprises à faire évoluer leurs consommations énergétiques.
Concernant la fiscalité énergétique les tarifs réduits d’accises sur la consommation de charbon sont progressivement augmentés afin d’en décourager l’utilisation.
- L’article 67 LF renforce l’incitation fiscale à l’utilisation de l’énergie renouvelable dans les transports en augmentant considérablement le tarif en cas de non-respect des obligations d’incorporation des biocarburants dans les essences et dans le gazole. De plus, les exigences quantitatives d’incorporation sont augmentées.
Le rapport du Sénat en première lecture constate que, compte tenu de la flambée des prix internationaux du biocarburant, il devenait en 2022 plus incitatif de payer la TIRUERT que d’incorporer les biocarburants, ceux-ci étant alors massivement exportés vers l’étranger.
La forte augmentation de la TIRUERT a donc répondu à cette dérive, pour que la France tienne ses engagements en matière d’incorporation d’énergie renouvelable dans les énergies utilisées pour les transports.
Dans le cadre des travaux parlementaires, un amendement en première lecture a pris en compte dans le calcul de la TIRUERT à partir du 1er janvier 2024 de l’hydrogène « bas carbone » à condition qu’il soit produit par électrolyse de l’eau.
L’hydrogène « bas carbone » doit être distingué de l’hydrogène renouvelable. Il s’agit en effet d’hydrogène produit à partir d’électricité nucléaire « dont le procédé de production engendre des émissions inférieures ou égales au seuil retenu pour la qualification d’hydrogène renouvelable …».
L’hydrogène renouvelable est, quant à lui, produit uniquement à partir de sources d’énergies renouvelables (éolien, solaire, etc.).
Par ailleurs, l’accent est mis également sur l’intégration des carburéacteurs durables dans la TIRUERT de manière à créer une filière française de production de biocarburant pour l’aviation de source durable. Les sénateurs relèvent que la TIRUERT ne réalise pas son caractère incitatif dès lors qu’il n’y a pas suffisamment d’offre disponible pour que les compagnies aériennes puissent l’incorporer en lieu et place du carburéacteur fossile.
- A l’article 68 LF, un amendement introduit en première lecture a autorisé « l’utilisation comme carburant d’huiles alimentaires usagées valorisées ».
Cela conduit essentiellement à légaliser l’utilisation de l’huile de friture usagée comme carburant et de la soumettre à l’accise.
En première lecture, le Sénat avait proposé de restreindre cet usage comme carburant aux « flottes captives », en attendant de mieux connaître l’impact global de ce nouvel emploi.
Toutefois, le Gouvernement, dans le cadre de la nouvelle lecture du texte a préféré revenir au texte adopté en première lecture.
- L’article 70 LF prévoit que le tarif de l’accise sur l’essence d’aviation (AVGAS) et le carburéacteur (JET A1) sera aligné sur celui de l’essence routière, de manière à ne plus favoriser l’aviation d’affaires (non commerciale) ou de tourisme privé. Ce secteur relevait de tarifs d’accise moindres que ceux appliqués aux transports routiers.
Le Sénat a accepté cette évolution qui aura lieu en deux étapes, les 1er janvier 2023 et 1er janvier 2024. Le Sénat a rappelé que l’enjeu principal est de favoriser le développement des carburants d’aviation durables dont la filière de production française se fait attendre.
- L’article 71 LF introduit un dispositif de « bornage », à savoir une limitation temporelle dans l’application de certains taux réduits au 31 décembre 2026. Il porte notamment sur l’accise afférente aux produits consommés pour la mise au point ou l’essai de moteurs (article L. 312-69 CIBS) et les usages du charbon pour la valorisation de la biomasse (article L. 312-78 CIBS).
Cette technique de bornage ne signifie pas que ces taux réduits ou exonérations vont disparaitre. La survenue de la date obligera le Parlement à réexaminer leur bien-fondé.
Fiscalité environnementale
La taxe générale sur les activités polluantes concernant les déchets (TGAP) a été modifiée par l’article 69 LF, à la faveur d’un amendement introduit en première lecture à l’Assemblée.
Une exemption a été créée (nouveau 1 septdecies du II de l’article 266 sexies CD) pour les résidus réceptionnés par des installations de stockage de déchets dangereux, à condition que ces résidus soient issus d’un traitement de boues, terres ou sédiments pollués et que l’opération de traitement soit réalisée sur la même emprise foncière.
L’objectif de la mesure est d’inciter à ce que des terres excavées, boues et sédiments pollués puissent être réutilisés après dépollution et que les résidus dangereux soient stockés dans des conditions fiscales incitatives.
Ce texte s’inscrit ainsi dans la promotion d’une « valorisation matière » des déchets. Pour bénéficier de l’exemption, plus de 70 % des déchets traités par l’installation en amont du stockage doivent faire l’objet d’une « valorisation matière ». Cela reste un dispositif très strict.
Les suites des transferts de compétences entre administrations et de l’adaptation des règles de procédure
- L’article 80 LF comporte plusieurs dispositions dont la plus notable consiste dans la mise en œuvre de règles spécifiques pour le transfert de la fiscalité sur les produits pétroliers.
Le « rapport Gardette » qui avait préconisé le transfert de nombreuses « missions fiscales » de la DGDDI à la DGFIP, n’avait pas inclus la fiscalité pétrolière en raison de la complexité du suivi physique. Adoptant une méthode inverse, le Gouvernement avait prévu un « banal » transfert de cette fiscalité aligné sur les solutions retenues pour le gaz ou l’électricité.
Le constat a été quelque peu tardif que seule la Douane était outillée pour gérer ces produits. Un dispositif, qui reste à préciser, permettra d’organiser un contrôle physique des produits par la Douane et le recouvrement par la DGFIP.
Par ailleurs, les articles 80 LF et 95 LF organisent le transfert du recouvrement des amendes, pénalités et confiscations en valeur relevant du Code des douanes « lorsqu’elles sont prononcées par une juridiction » pénale, aux comptables de la DGFIP. Un nouvel article 345-0 bis CD est adopté.
Les droits et taxes liés à ces amendes « prononcés » par ces juridictions pénales en même temps que ces amendes seront également recouvrées par la DGFIP (nouveau F du IV de l’article 130 de la loi de finances pour 2022). Les jugements pénaux prononcés après le 1er avril 2023, s’ils deviennent définitifs, seront donc exécutés par les comptables de la DGFIP.
Le VI de l’article 80 LF procède également à la ratification de l’ordonnance 2021-1843 du 22 décembre 2021 qui a créé le CIBS, en trois lignes.
Le Sénat s’était opposé à cette ratification à la sauvette. Il a renouvelé son opposition qui n’a pas été entendue par le Gouvernement dans le cadre de la nouvelle lecture.
Ainsi, cette ordonnance est ratifiée et le CIBS a une valeur législative, mais toujours aucun texte d’application.
Enfin, le Sénat a suivi l’Assemblée pour permettre à un redevable d’imputer une dette ou une créance afférente à différentes impositions sur une dette ou une créance de TVA, de manière à éviter de procéder à des demandes de remboursements chronophages (art. L.171-1 CIBS). Un décret est à suivre.
- Au titre des modifications des règles de procédure, l’article 81 LF recrée un article 65 bis A CD.
Adopté à la suite d’un amendement en première lecture à l’Assemblée, l’objectif est de « moderniser » le droit de communication que l’administration des douanes tire de l’article 65 CD.
Il s’agit d’instaurer un droit de communication « non nominatif » constituant « un moyen d’investigation adapté, en particulier pour la détection de la fraude opérée au moyen d’Internet ».
Il s’agirait donc de demander notamment la liste des clients, des fournisseurs et des utilisateurs même si ces personnes ne sont pas identifiées.
Ce procédé existe déjà en matière fiscale (article L 81 LPF) et de sécurité sociale (art. L.114-1 et R. 114-35 du code de la sécurité sociale).
Ce droit de communication portera sur des informations qui concernent des personnes désignées sous forme d’un pseudonyme, ce qui est fréquent pour le commerce électronique.
Le Sénat a noté qu’il s’agissait là d’une extension notable du droit de communication de l’administration, qui ne s’étend pas toutefois aux opérateurs de télécommunication.
Cependant, il a validé le mécanisme en constatant que les conditions de ce droit de communication seront fixées par un décret en Conseil d’Etat après avis de la Commission Nationale de l’Informatique et des libertés (CNIL) pour apporter toute garantie de la protection des données personnelles.
- L’article 82 LF, issu d’un amendement en première lecture à l’Assemblée a modifié l’article 343 bis CD pour faciliter la communication par l’autorité judiciaire de toute information à l’administration des douanes à l’occasion de « toute procédure judiciaire», lorsqu’il s’agit d’une information « de nature à faire présumer une infraction commise en matière douanière ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre le recouvrement de droits et taxes prévu » par le CD.
Le Sénat avait proposé de faire obligation à la douane d’informer en retour le ministère public sur le résultat des enquêtes faites à la suite de ses communications.
L’Assemblée a refusé en nouvelle lecture de faire évoluer son texte.
- L’article 93 LF, issu d’un amendement en première lecture à l’Assemblée nationale, voté par le Sénat, introduit dans le régime des « contributions indirectes » une possibilité de détruire les marchandises saisies dès lors qu’elles ne peuvent pas être vendues aux enchères ou qu’elles courent un risque de détérioration (nouvel article L. 245-A LPF).
Une ordonnance sera rendue en ce sens par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire.
L’ordonnance sera notifiée au propriétaire des biens s’il est connu avec possibilité d’un recours.
- Enfin l’article 98 LF, introduit par un amendement déposé par le Gouvernement en première lecture à l’assemblée, confère une habilitation au Gouvernement pour modifier l’article 60 CD à la suite de sa déclaration d’inconstitutionnalité par la décision QPC 2022-1020 du 22 septembre 2022 du Conseil constitutionnel (voir notre Lettre d’information n° 44).
En première lecture, le Sénat avait proposé lui-même un nouveau texte pour l’article 60 du code des douanes qui a été refusé par l’Assemblée laquelle est revenue au texte initial.
Le droit de la TVA
Enfin la loi de finances contient des modifications concernant les règles de TVA, dont les deux suivantes :
- L’article 88 LF, adopté à la suite d’un amendement déposé en première lecture à l’Assemblée modifie l’article L10 BA LPF pour étendre les cas d’invalidation d’un numéro de TVA intracommunautaire d’un opérateur, lorsque l’administration a rassemblé des « indices concordants indiquant que ce numéro est utilisé par un opérateur identifié qui savait ou ne pouvait ignorer être impliqué dans une fraude visant à ne pas reverser la TVA due en France ou dans l’Union européenne », dans les cas de « carrousel ».
Plusieurs types de manquements aboutissent à cette décision qui est précédée par un « droit d’être entendu ».
Dans son rapport en première lecture, le Sénat a rappelé toutes ses investigations concernant la lutte contre la fraude fiscale dans l’Union européenne. Il souhaitait rendre ce dispositif un peu plus contraignant pour l’administration de manière à donner toute garantie aux intéressés et éviter toute remise en question par la Commission et la CJUE. Ces suggestions ont été jugées superfétatoires par l’Assemblée qui a maintenu le texte adopté en première lecture.
- L’article 86 LF procède à plusieurs « ajustements techniques » dans le cadre du régime fiscal suspensif prévu par l’article 277 A du CGI pour adapter la gestion de ce régime aux différents changements et transferts de compétence intervenus au profit de la DGFIP.
Ainsi les quatre articles concernant les matières relevant de l’expertise du Cabinet, présentés à ce titre dans notre Lettre d’information n° 44, sont passés à quinze. Les onze autres ont été adoptés à la suite d’amendements présentés en première lecture à l’Assemblée Nationale, qui n’ont jamais été discutés en séance publique devant celle-ci.
En revanche les travaux du Sénat conservent leur qualité habituelle, sans être toujours suivis d’effets.
Par une décision du 17 novembre 2022 (C-238/21), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a statué sur un renvoi préjudiciel par un juge autrichien qui était saisi d’une demande par une entreprise de travaux publics.
Celle-ci avait fait l’objet de demandes d’agriculteurs de leur fournir certains matériaux d’excavation très particuliers pour améliorer les qualités agricoles de leurs champs.
La société avait pu trouver un chantier propice et avait donc fourni les agriculteurs.
Toutefois, elle avait demandé, en vain, que ses matériaux perdent leur statut de déchets, étant précisé qu’il s’agissait de déchets de la plus haute qualité, n’étant nullement contaminés.
La CJUE a d’abord examiné si l’on pouvait considérer qu’il s’agirait de « sous-produits ».
Le « sous-produit » est défini depuis la jurisprudence de la CJUE Palin Granit du 18 avril 2002 (C-9/00), comme étant une substance ou une matière issue d’un processus de production dont la réutilisation est certaine, qui peut être utilisée directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes, qui a été produite en faisant partie intégrante d’un processus de production et dont l’utilisation ultérieure est légale et n’aura aucune incidence nocive sur l’environnement.
Cette jurisprudence a été codifiée sous l’article 5 de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008.
La CJUE rappelle sa jurisprudence en la matière et les éléments extrêmement complexes de son application.
Comme la CJUE l’a souvent énoncé, la différence entre les déchets et les « sous-produits » est ténue.
Si le producteur de la substance a une intention ou l’obligation de s’en « défaire », il existe un risque d’abandon et de rejet dans la nature ou d’une élimination sauvage. C’est alors un déchet.
Dans cette affaire, la Cour retient plutôt que l’entreprise de travaux publics avait fait l’objet d’une « commande » des agriculteurs, de sorte qu’elle avait un débouché qui existait avant même que les matériaux ne soient excavés.
La CJUE tend donc à conclure que ces matières seraient des « sous-produits » (points 51 à 59), sous réserve d’ultimes vérifications à effectuer par le juge national.
La CJUE a également répondu à une demande subsidiaire de la juridiction autrichienne sur le point de savoir si cette substance a perdu le statut de « déchet », à supposer qu’elle l’ait acquis à un moment donné.
Sur ce point, l’arrêt du 17 novembre 2022 est intéressant car il s’agit de la première application de l’article 6 § 1 de la directive 2008/98/CE qui a prévu ce qui est communément dénommé « le statut de fin de déchets », lorsqu’ils ont subi une opération de valorisation ou de recyclage.
Il existe plusieurs conditions, notamment que la substance puisse être utilisée pour des fins spécifiques, qu’il y ait une demande ou un marché pour ce faire et que la substance remplisse des exigences techniques pour satisfaire à l’utilisation spécifique ou respecter les normes de la législation applicable aux produits (non-déchets).
Enfin, il ne doit pas y avoir d’effet global nocif pour l’environnement ou la santé humaine.
Toutefois, il s’avère que la législation autrichienne a transposé cette disposition de manière très restrictive, notamment lorsqu’il s’agit de matériaux d’excavation.
Il faudrait en particulier justifier d’exigences formelles « telles que des obligations en matière de relevés et de documents, qui seraient dépourvues de pertinence aux fins de la protection de l’environnement » (point 64).
La CJUE rappelle que ce statut de fin des déchets peut être obtenu à la suite d’une opération de « valorisation » qui « peut simplement consister à contrôler le déchet pour vérifier s’il répond au critère déterminant à partir de quel moment un déchet cesse de l’être » (point 66).
Ces opérations de valorisation incluent les opérations de « préparation en vue du réemploi », définies comme « toute opération de contrôle, de nettoyage ou de réparation » (point 67).
En conséquence, s’il n’y avait pas d’autre opération de prétraitement à réaliser, ce qui était exclu pour ces produits qui étaient de la plus haute qualité et d’une parfaite propreté, il suffisait de faire une opération de contrôle pour que la valorisation soit considérée comme satisfaite (point 68).
La CJUE a considéré que les critères formels retenus par la législation autrichienne pouvaient poser des difficultés dès lors que leur caractère trop strict risquait d’entraver l’atteinte des objectifs de la directive 2008/98/CE que des matériaux de réemploi viennent se substituer à des matériaux « neufs » (points 71-72).
Il appartiendra donc au juge national de vérifier si les « critères formels » s’avèrent trop restrictifs et risquent d’entraver l’atteinte des objectifs de la directive tendant à la réutilisation des déchets. Dans l’affirmative, le droit autrichien devra être écarté et les produits devront être considérés comme des non-déchets.
Les décisions de la CJUE en matière de droit des déchets et des notions connexes sont toujours extrêmement intéressantes et bienvenues dans les affaires de fiscalité environnementale qui s’articulent souvent autour de la définition comme « déchet » des substances assujetties à la taxe générale sur les activités polluantes « composante déchets ». La TGAP demeure transitoirement régie par le Code des douanes, toutefois sa gestion incombe désormais à la DGFIP depuis 2021.
Dans un arrêt du 24 novembre 2022 (C-166/21), la CJUE a rejeté un recours en manquement diligenté par la Commission européenne contre la Pologne concernant le fonctionnement de son régime d’accise.
La Commission reprochait à la Pologne d’avoir manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 27 § 1 d) de la directive 92/83/CEE du 19 octobre 1992. Selon la Commission, la Pologne avait privé de l’exonération de droit d’accise, obligatoire pour l’alcool éthylique utilisé pour la fabrication de médicaments, les importateurs qui n’optaient pas pour un régime de suspension de droits d’accises, rendu obligatoire pour ce flux.
La Pologne avait en effet conditionné le bénéfice de l’exonération au placement préalable de la marchandise entrée dans ce pays sous un régime de suspension de droits.
La Commission estimait que la Pologne aurait dû prévoir une entrée de ces produits sous un statut « en acquitté » (droits d’accise payé dans l’Etat membre de départ), suivie du paiement des droits d’accise en Pologne, avant d’accorder le remboursement systématique du droit d’accise polonais, sur justification d’emploi dans un médicament.
La CJUE a rejeté le recours de la Commission.
Elle a fait droit à l’argumentaire de la Pologne qui affirmait que l’exigence de placer la marchandise sous un régime suspensif de droits d’accise permettait de garantir une application correcte et directe de l’exonération et d’éviter toute fraude, évasion ou abus.
La Pologne soutenait que la directive 92/83/CEE « ne subordonne pas le bénéfice de l’exonération au recours à un régime de suspension de droits, elle ne l’interdit pas non plus » (point 29).
La Pologne avait introduit son régime afin d’éviter des fraudes et irrégularités qui sont très fréquentes en la matière dans cet Etat membre.
La Pologne insistait sur la simplicité du contrôle des entrepositaires agréés détenant ces produits en régime suspensif, de manière bien plus efficace que si ces alcools circulaient en régime « acquitté » et sans aucun contrôle administratif (point 33).
La Commission reprochait à la Pologne de créer une condition au bénéfice de l’exonération qui remettrait en cause le caractère inconditionnel que la CJUE a déjà reconnu à cette exonération dans un arrêt Répertoire Culinaire du 9 décembre 2010
(C-163/09).
Pour la Commission, la Pologne n’aurait pu agir ainsi que si elle avait fait état « d’un ensemble d’éléments concrets objectifs et vérifiables étayant l’existence d’un risque sérieux de fraude, d’évasion ou d’abus en cas de non-application du régime de suspension de droits à l’alcool éthylique destiné à la fabrication de médicaments … » (point 47).
Toutefois, la Cour a jugé que la condition d’avoir recours à un régime de suspension de droits est « en tant que telle, conforme aux exigences visées à l’article 27 § 1 de la directive 92/83. Il s’ensuit que cette condition est de nature à assurer l’application correcte et directe de l’exonération prévue au point d) de cette disposition ainsi qu’à éviter des fraudes, des évasions ou des abus. » (point 50).
La CJUE a également indiqué que la directive 92/83/CEE n’imposait pas aux Etats membres d’appliquer des exonérations par voie de remboursements (points 54 à 61).
La Commission soutenait enfin que le régime de suspension de droits était plus contraignant et plus onéreux pour les opérateurs que le régime de demande de remboursement.
La CJUE a critiqué la méthode retenue par la Commission, dès lors que celle-ci s’appuyait sur une simple répétition de principe dépourvue du moindre commencement de preuve, ce qui n’est pas admissible dans le cadre d’un recours en manquement.
Ainsi, le recours de la Commission a-t-il été rejeté.
Par un arrêt du 20 octobre 2022 (C-542/21), la CJUE a statué sur le classement d’antennes pour appareils de routage.
Une société lettone avait importé ces articles en 2013 et 2014 sous la position 8517 70 11 de la Nomenclature Combinée relative « aux antennes destinées aux appareils de radiotéléphonie et de radiotélégraphie » au bénéfice d’un droit de douane nul.
Toutefois, l’administration des douanes lettone avait redressé ces importations et considéré qu’elles devaient être classées ailleurs que dans la position 8517 70 11. Elle avait retenu le position résiduelle 8517 70 19.
Ces antennes pour appareils de routage étaient configurées pour être utilisées dans des réseaux locaux (LAN) et/ou dans des réseaux étendus (WAN).
La juridiction lettone avait bien noté que les appareils de routage étaient classés dans la position 8517 62 00 de la Nomenclature Combinée.
Toutefois, elle avait interrogé la Cour sur le point de savoir si l’on pouvait classer les parties de ces appareils avec les appareils eux-mêmes et s’il fallait, subsidiairement, classer ces antennes dans une position dédiée aux « parties ».
La CJUE a validé la position de la douane. Elle a d’emblée jugé, dès lors qu’il existait une position 8517 70 relative aux parties, que les antennes ne pouvaient pas être dédouanées à la position dont relevaient les appareils de routage (8517 62).
La CJUE a ensuite exclu que ces antennes pouvaient relever de la position 8517 70 11, dès lors qu’elles n’étaient pas destinées aux appareils de radiotéléphonie et de radiotélégraphie qui, dans la position 8517, ne comprennent pas les appareils de routage (point 29).
La lecture des notes explicatives avait convaincu également la CJUE de ce qu’il s’agissait de famille de produits bien différents.
C’est donc la position résiduelle 8517 70 19 qui a été retenue par la CJUE.