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n° 57 – Mars – Mai 2025
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La Lettre d’information en bref
- La jurisprudence en droit des transports:
- La Cour d’appel de Versailles a jugé sur le fondement de la CMR que le transporteur routier était exonéré de sa responsabilité en cas de rayures sur des véhicules transportés, ceux-ci n’ayant pas été emballés.
- La jurisprudence en matière douanière:
- La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a examiné les conditions à satisfaire pour pouvoir bénéficier d’une remise des droits de douane dans le cadre de certificats d’origine préférentielle EUR-MED délivrés à tort.
- La CJUE a appliqué sa jurisprudence sur la protection du « principe de confiance légitime ».
- La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu une décision sur le classement tarifaire d’extraits aromatiques.
- En matière de fiscalité énergétique, la CJUE a maintenu une exonération du droit d’accise sur du gazole utilisé sur les fleuves dans l’Union européenne malgré sa teneur insuffisante en « traceur ».
- La CJUE a rappelé sa jurisprudence sur l’Etat membre compétent pour recouvrer des droits d’accise sur le tabac.
- La CJUE a rendu une décision importante sur les transferts internationaux de déchets.
- La Cour de cassation a écarté une question prioritaire de constitutionnalité contre les nouveaux textes organisant le droit de visite de l’administration des douanes et statué sur un dossier de retenue douanière concernant des biens culturels.
- La CJUE a rappelé sa jurisprudence sur l’application des règles de prescription prévues par l’article 3 du règlement n°2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 sur la protection des intérêts financiers de l’Union européenne
Par arrêt non spécialement motivé du 2 avril 2025 (n° 23-14.323), la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’administration des douanes contre la décision de la Cour d’appel de Paris du 9 janvier 2023.
Cette dernière avait retenu la position défendue par Vincent Courcelle-Labrousse, concernant le classement de microscopes que l’administration voulait classer au 8525 80 « caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes », mais qui relevaient en réalité du 9012 « microscopes autres qu’optiques »
Lors d’un transport sous CMR de véhicules neufs sur une remorque, leurs carrosseries ont été rayées visiblement à cause de frottements de branches d’arbres en cours de transport.
L’expéditeur a alors sollicité du transporteur le remboursement des factures du carrossier ayant remis les véhicules en état.
Le transporteur a opposé l’application de l’article 17.4. de la CMR aux termes duquel le transporteur est déchargé de sa responsabilité lorsque la perte ou l’avarie résulte des risques particuliers inhérents à (i) une absence de l’emballage pour les marchandises exposées par leur nature à des déchets ou avaries quand elles ne sont pas emballées et/ou (ii) à la nature de certaines marchandises exposées, par des causes inhérentes à cette nature même, à avarie, notamment par bris, rouille, détérioration interne et spontanée, déchet normal.
Dans un arrêt du 22 janvier 2025 (RG n°22/04409), la Cour d’appel de Versailles a jugé qu’il était établi que les rayures ont pu résulter, pendant le transport, de l’absence d’emballage des véhicules dont la carrosserie était exposée à de telles avaries de sorte que le transporteur était déchargé de sa responsabilité.
En l’espèce, l’expéditeur avait lui-même indiqué que les véhicules étaient arrivés endommagés visiblement à la suite de frottements de branches d’arbres.
Ainsi, alors que l’article 17.4 de la CMR stipule que le transporteur est déchargé de sa responsabilité lorsque l’avarie résulte des risques particuliers inhérents notamment à une absence de l’emballage, la Cour d’appel de Versailles s’est contentée du fait que ce risque particulier apparaisse comme une explication vraisemblable de l’avarie.
On notera qu’il s’agissait de véhicules transportés sur remorque, qui ne sont que très rarement emballés. Il apparaît que l’expéditeur aurait été mieux avisé de ne pas indiquer la cause possible des dommages…
Par un arrêt du 27 mars 2025 (C-351/24), la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur un litige en matière d’origine préférentielle dans le cadre de la convention régionale sur les règles d’origine préférentielle pan-euro-méditerranéenne du 26 mars 2012 (décision 2013/94/UE du Conseil).
Le litige opposait un importateur hongrois avec l’administration de ce pays concernant des mandarines fraîches qui avaient fait l’objet de plusieurs certificats d’origine préférentielle EUR-MED délivrés par les autorités douanières du Kosovo certifiant que les mandarines en question étaient d’origine turque. Pratiquant un contrôle a posteriori des déclarations d’importation, les autorités hongroises avaient constaté que, s’agissant d’un produit agricole, ces mandarines ne bénéficiaient pas de l’origine préférentielle dans le cadre de la convention régionale. En effet, cette préférence n’était pas prévue par l’accord d’union douanière entre l’Union européenne et la Turquie (limité aux produit industriels), de sorte que les certificats étaient incorrects et n’ouvraient droit à aucune préférence tarifaire dans l’Union.
Les autorités hongroises avaient purement et simplement invalidé les certificats, sans demander aux autorités kosovares, si les certificats étaient ou non effectivement applicables.
L’importateur critiquait cette façon de procéder considérant que le système de coopération administrative imposait la consultation des autorités kosovares avant toute action en redressement de l’administration hongroise.
L’importateur hongrois avait demandé la remise du paiement des droits de douane mis en recouvrement. Il soutenait à cet égard que ce certificat incorrect caractérisait une « erreur des autorités compétentes elles-mêmes » ouvrant droit au remboursement ou à la remise des droits de douane dans le cadre de l’article 119 du Code des douanes de l’Union.
La CJUE n’a pas suivi l’importateur. Elle a jugé que le système de coopération administrative impose de consulter les autorités du pays d’exportation, qui ont seuls qualité pour certifier l’origine préférentielle du produit exporté, qu’en cas de « doutes fondés ».
Or, dès lors que, par principe, ce produit agricole ne pouvait pas bénéficier d’un certificat EUR-MED dans le cadre d’une origine turque, il n’y existait aucun « doute fondé » mais une certitude de ce que ces certificats étaient incorrects.
Par conséquent, la Cour de justice a jugé que la convention régionale n’imposait pas de consulter les autorités kosovares.
Concernant la remise des droits de douane, les autorités hongroises opposaient à l’importateur que quand bien même une erreur avait été commise au Kosovo, l’importateur hongrois était expérimenté en commerce international et pouvait donc déceler cette erreur. Le caractère décelable d’une erreur des autorités est une condition excluant toute remise ou remboursement. Le Tribunal hongrois qui avait saisi la Cour de justice avait maladroitement fait un lien entre la nécessité ou non de consulter l’autorité du pays d’exportation et le bien-fondé d’une remise.
La Cour de justice a écarté tout lien. D’une part, elle a constaté que « l’obligation d’engager une telle procédure [auprès des autorités d’exportation] fait défaut lorsque ces autorités douanières sont en mesure de constater d’emblée, sans qu’aucune investigation soit nécessaire, que la preuve de l’origine est incorrecte. » (point 33).
D’autre part, la CJUE a jugé que l’article 119 a pour seul objet de « protéger la confiance légitime du débiteur et de fixer les conditions auxquelles les erreurs commises par les autorités douanières créent une condition légitime dans son chef. » (point 37). La CJUE a souligné que l’article 119 paragraphe 3 1er alinéa du Code des douanes de l’Union n’a pas « pour objet de définir les conditions dans lesquelles la coopération administrative entre les autorités douanières concernées doivent être mises en œuvre. »
Cette disposition de l’article 119 paragraphe 3 est importante puisqu’elle crée une présomption légale qu’une erreur concernant l’émission d’un certificat d’origine préférentielle est réputée non décelable par l’importateur communautaire.
Ayant ainsi recadré le débat concernant la portée de l’article 119, la CJUE a fait une incise dans son raisonnement au point 40 : « À toutes fins utiles, il convient de relever que, lorsqu’un certificat de circulation des marchandises, qui est délivré par les autorités d’un pays ou territoire situé hors du territoire douanier de l’Union en rapport avec le traitement préférentiel des marchandises, en dehors d’un système de coopération administrative, se révèle incorrect, la présomption légale instituée à l’article 119, paragraphe 3, premier alinéa, du code des douanes, en vertu de laquelle la délivrance d’un tel certificat est réputée constituer une erreur qui n’était pas raisonnablement décelable par le débiteur, ne trouve pas à s’appliquer et il convient alors de vérifier si, dans les faits, ce débiteur aurait pu ou non raisonnablement déceler cette erreur, comme le prévoit l’article 119, paragraphe 1, de ce code. »
Cette précision est critiquable.
Si l’on comprend la Cour de justice, les mots « en dehors d’un système de coopération administrative » viseraient donc le cas de l’émission d’un certificat pour un produit qui, par nature, n’avait pas droit à ce certificat EUR-MED pour l’origine considérée.
Pourtant, il n’est pas contestable que les autorités kosovares ont agi dans le cadre d’un système de coopération administrative puisqu’elles sont liées à la convention régionale pan-euro-méditerranéenne. Elles en ont simplement fait une application erronée.
En jouant ainsi sur les mots, la Cour de justice renvoie le malheureux importateur à l’application de l’article 119 paragraphe 1 du Code des douanes de l’Union qui subordonne l’admission d’une « erreur des autorités compétentes elles-mêmes » à plusieurs preuves cumulatives, dont notamment le fait que l’erreur n’ait pas pu être décelable par l’importateur.
Ainsi, au sein même de la problématique de « l’origine préférentielle », on pourrait sortir de la présomption légale favorable, instaurée par l’article 119 paragraphe 3 pour retomber sur l’article 119 paragraphe 1 qui est plus strict.
Cette façon de procéder apparaît extrêmement critiquable dès lors qu’en réalité, l’article 119 paragraphe 1 est la codification de la jurisprudence de la Cour de justice qui avait admis la possibilité d’une erreur des autorités compétentes dans les hypothèses autres que l’origine préférentielle des marchandises.
Faut-il rappeler que la première décision de la Cour de justice qui avait statué sur le caractère raisonnablement décelable de l’erreur et fixé trois conditions devenues classiques (la nature de l’erreur, l’expérience professionnelle de l’opérateur concerné et la diligence dont il a fait preuve) portait sur un litige de perfectionnement actif ? Il s’agissait de l’arrêt Hauptzollamt Giessen contre Deutsche Fernsprecher GmbH du 26 juin 1990 (affaire C-75/89).
La CJUE aurait été mieux inspirée de ne pas compliquer à nouveau la compréhension des mécanismes de l’origine préférentielle qui peuvent s’avérer redoutables en cas d’irrégularité.
Ces questions sont suffisamment complexes dans la pratique pour les opérateurs pour que l’on puisse admettre à leur bénéfice que la délivrance de certificats inapplicables ne peut pas conduire à ce qu’ils soient redressés.
La décision de la Cour de justice destinée à protéger la sécurité juridique des opérateurs, crée une nouvelle incertitude sur l’application des règles d’origine préférentielle.
Dans un arrêt du 16 janvier 2025 (C-376/23), rendu aux conclusions de madame l’avocate générale Juliane Kokott, la CJUE a rendu une décision qui semble favorable pour un opérateur logisticien et stockeur dans le port de Riga en Lettonie qui était agréé pour exploiter un entrepôt de stockage situé dans la zone franche de ce port. Cet opérateur n’était pas chargé de procéder aux déclarations douanières concomitantes à la sortie des marchandises.
L’administration douanière lettonne avait mis en place une pratique qui consistait à ce que la lettre de voiture internationale CMR, sous le couvert duquel la marchandise sortait de l’entrepôt en question, fût contrôlée par un agent des douanes du port qui mentionnait le statut de la marchandise sous une lettre « C » (pour « communautaire ») et cet agent signait la lettre CMR. Ce document était mis dans les registres de l’opérateur comme preuve de l’apurement du régime de la zone franche.
Toutefois, l’administration s’était départie de ce qui était une « pratique administrative constante » suivie manifestement depuis des années. Elle avait considéré que ce document ne prouvait pas que la marchandise était sortie régulièrement du régime de la zone franche pour être placée sous un nouveau régime douanier (mise en libre pratique, réexportation, etc…).
Pour l’essentiel, la Cour de justice a validé les conclusions du 11 juillet 2024 qui commençaient par une citation de Tchekhov « On doit se fier aux gens et les croire, sinon la vie est impossible ».
L’exploitant de l’entrepôt situé dans la zone franche avait construit un système d’écritures sur une trame qui avait été approuvée par les autorités avec un contenu qui avait été également validé par celles-ci. Certes, le numéro d’une déclaration en douane immatriculée par son numéro MRN (pour Master Reference Number / Numéro de Référence Maître) faisait défaut.
Cependant, l’avocate générale, suivie par la Cour, avait constaté que l’article 178 du règlement délégué 2446/2015 du 28 juillet 2015, applicable, n’imposait pas la référence à cette déclaration. Cette référence n’était d’ailleurs pas toujours possible compte tenu de l’informatisation en cours du système.
L’article 178 permettait à l’administration de retenir d’autres preuves pour l’apurement du statut de zone franche. L’administration ne semblait avoir adopté aucune mesure expressément dérogatoire à l’article 178. En revanche, elle était indiscutablement intervenue pour certifier le statut communautaire de cette marchandise.
La Cour, suivant l’avocate générale, considère que « Certes en tant que professionnel, le titulaire doit faire preuve d’un minimum de vigilance. Toutefois, pour autant qu’il ne soit pas manifeste, pour tout professionnel, à la lecture d’une lettre de voiture, que l’indication que celle-ci mentionne fût douteuse, ce que, dans l’affaire en cause au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier en tenant compte de la circonstance que la mention relative au statut des marchandises concernées figurant sur les lettres de voitures CMR était en outre certifiée par le cachet de la douane et signée par un agent des douanes, il ne saurait être reproché au titulaire de ne pas avoir vérifié l’exactitude de cette mention » (point 58).
Envisageant ensuite que les autorités n’aient adopté aucun acte dérogatoire particulier pour alléger les obligations probatoires de l’exploitant de l’entrepôt en zone franche, la CJUE a examiné à titre subsidiaire si cet opérateur pouvait avoir une « confiance légitime » dans la conformité de ses écritures aux obligations qui découlent de l’article 178 du règlement délégué.
La Cour de justice a eu ainsi l’occasion de revenir sur sa jurisprudence sur le principe de confiance légitime qui est propre au droit communautaire mais trop souvent écarté tant ses conditions d’application sont strictes. La Cour rappelle que « le principe de protection de la confiance légitime fait partie de l’ordre juridique de l’Union et s’impose à toute autorité nationale chargée d’appliquer le droit de l’Union » (point 64) donc aux douanes (point 65). La protection de la confiance légitime repose sur les principes suivants : « le droit de se prévaloir dudit principe appartient, en tant que corollaire du principe de sécurité juridique, à tout particulier se trouvant dans une situation dans laquelle une administration a fait naître dans son chef des espérances fondées. Sont susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration… » (point 65).
En revanche, la CJUE rappelle au même point 65 que « le comportement d’une autorité nationale chargée d’appliquer le droit de l’Union, qui est en contradiction avec une disposition de ce droit ou avec le droit national pris en application de ce dernier, ne saurait fonder, dans le chef d’un opérateur économique, une confiance légitime. »
Or, dès l’instant que l’article 178 paragraphe 3 ne prévoyait aucune modalité précise, le contrôle de la lettre CMR avec l’indication du statut « C » de la marchandise et la signature d’un agent avec le cachet douanier n’était pas en soi un mode de preuve contraire au droit communautaire.
L’opérateur pouvait donc avoir une confiance légitime dans la conformité de ses écritures et la régularité de son apurement de la zone franche dès lors notamment que « les autorités douanières ont, par le passé, indiqué au titulaire de manière précise, inconditionnelle et concordante que l’inclusion, dans ses écritures, des données permettant d’identifier une lettre de voiture CMR portant cette indication, suffisait pour considérer que celui-ci avait satisfait à ses obligations au titre dudit article. » (point 67).
Enfin se posait une problématique de procédure intéressante dès lors qu’une procédure de sanction s’était déroulée devant une juridiction pénale lettone et que le même opérateur concernant les mêmes faits avait été relaxé au motif que son comportement n’était pas contraire aux droits communautaire et letton. La question se posait si cette décision définitive pouvait être considérée comme ayant autorité de chose jugée et s’avérer opposable à l’administration.
Des règles nationales, telles que le principe de l’autorité de la chose jugée, peuvent être appliquées à des litiges impliquant le droit communautaire, à condition que ces règles soient celles applicables aux litiges purement nationaux d’une part (principe d’équivalence), et qu’elles ne rendent pas excessivement difficile l’invocation des règles communautaires (principe d’effectivité).
A cet égard, la CJUE indique au point 79 que « le principe d’effectivité ne saurait faire obstacle au respect de l’autorité de la chose jugée dont serait revêtue une décision de justice devenue définitive, à condition que ce respect ne produise pas d’effets à l’égard de litiges autres que ceux mettant en cause la légalité d’une même décision administrative ou de la qualification juridique des faits concernant les mêmes opérations douanières. »
Ainsi, la Cour de justice « borde » sa jurisprudence pour éviter des invalidations de décisions de manière sérielle. La décision de la juridiction pénale concernant cet opérateur ne pourrait donc avoir un effet (de manière très subsidiaire) que dans la procédure administrative concernant les mêmes faits, à condition que le droit letton « prévoit une règle selon laquelle les juridictions administratives sont liées par les décisions des juridictions pénales. » (point 79).
Cette décision est extrêmement intéressante pour illustrer les conditions dans lesquelles une pratique constante de l’administration peut lui être opposée, lorsque le droit communautaire laisse des marges d’action aux Etats membres.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 2 avril 2025 (pourvoi 23-22.094) concernant le classement tarifaire d’extraits aromatiques. Le classement au sein de la nomenclature du Système Harmonisé mondial (six premiers numéros du code de nomenclature douanière, en l’occurrence 3302 10) n’était pas contesté, en revanche, le classement dans la Nomenclature Combinée de l’UE, qui ajoute deux chiffres, faisait l’objet d’un litige. La société revendiquait la position 3302 10 40, tandis que l’administration opposait la position 3302 10 10 assortie d’un taux de droit de douane plus élevé.
Une société suisse avait fabriqué des extraits aromatiques dénommés « Flavor Keys » sous quatre formules différentes destinés à aromatiser quatre types de vodkas distinctes produites en France par la société Bacardi.
Compte tenu de la « spécialisation » de chaque formule d’extrait aromatique par rapport à une boisson déterminée, la Douane avait considéré que la sous-position 3302 10 10 incluant les « préparations contenant tous les agents aromatisants qui caractérisent une boisson » était bel et bien applicable. La société prétendait que les vodkas dans lesquelles les produits litigieux devaient être incorporés présentaient elles-mêmes des agents aromatisants complémentaires.
Par conséquent, la société importatrice contestait l’application de la position 3302 10 10 au regard de son terme « tous » et avait retenu la position résiduelle 3302 10 40.
Les juges du fond et la Cour de cassation n’ont pas suivi la société. Il a été tenu compte du procédé de fabrication utilisé et du fait que les vodkas ne sont pas des agents aromatisants pouvant relever de la position 3302 mais des alcools classés à la position 2208. Il a ainsi été jugé que les « Flavor Keys » étaient bien des « préparations contenant tous les agents aromatisants qui caractérisent » les vodkas dans lesquelles ces agents devaient être incorporés.
Un arrêt du 13 mars 2025 de la CJUE (C-137/23) a statué sur une exonération facultative prévue par la directive n° 2003/96/CE du 27 octobre 2003 (directive sur la taxation de l’énergie).
Dans le cadre de l’article 15 paragraphe 1f, les Etats « peuvent appliquer sous contrôle fiscal des exonérations totales ou partielles ou des réductions du niveau de taxation. / f aux produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation, comme carburant ou combustible pour la navigation sur les voies navigables intérieures (y compris la pêche), autre que la navigation de plaisance prévue et l’électricité, électricité produite à bord des bateaux. »
Un batelier néerlandais qui exploitait un bateau-citerne, bénéficiaire de l’exonération accordée par les Pays-Bas dans le cadre de l’article 15 § 1 f), avait fait l’objet d’un contrôle par l’administration néerlandaise.
Il était apparu que le gazole qu’il utilisait pour la propulsion de son navire sur une voie navigable intérieure de l’Union (aux Pays-Bas) n’était pas convenablement tracé. En effet, le droit néerlandais imposait l’utilisation du traceur /marqueur « Solvent Yellow 124 » qui permet de tracer le gazole bénéficiant d’exonérations. Ce traceur est utilisé partout dans l’Union. Le produit avait bien été traité avec le « Solvent Yellow 124 » mais avec une quantité qui était insuffisante par rapport au minimum requis par la réglementation communautaire. L’administration prétendait donc supprimer l’exonération.
La Cour de justice n’a pas suivi la Douane néerlandaise, relevant « qu’il ressortait du dossier que d’une part, il est établi que ledit gazole est utilisé à une telle fin [sur une voie navigable intérieure de l’Union] et, d’autre part, il n’y a aucun indice de nature à éveiller des soupçons quant à l’existence d’une fraude, d’un abus ou d’une évasion fiscale. » (point 51)
Il était en effet acquis aux débats que, d’une part, le carburant avait été utilisé sur des voies navigables intérieures et, d’autre part, que le fournisseur du gazole était agréé pour vendre ce carburant pour cet usage et, partant, avait incorporé le traceur « Solvent Yellow 124 » à cette fin. Toute la difficulté était que l’incorporation avaient été effectuée dans des quantités insuffisantes. La CJUE rappelle que « le marquage fiscale du gazole et du pétrole lampant constitue, certes une mesure destinée à assurer le bon fonctionnement du régime de taxation harmonisé des produits énergétiques établi par la directive 2003/96 en permettant aux autorités fiscales des Etats membres de veiller à ce que ces huiles minérales soient taxées en fonction de leur utilisation réelle. » (point 66)
La Cour de justice a rappelé que « l’économie générale de cette directive repose sur le principe selon lequel les produits énergétiques sont taxés en fonction de leur utilisation réelle » (point 56).
Elle considère que ce principe s’applique également aux exonérations facultatives telles que celles prévues par l’article 15 paragraphe 1f.
Nous avons déjà commenté ce principe à plusieurs reprises dans nos Lettres, à savoir la jurisprudence Roz Swit du 2 juin 2016 (C-418/14) et ses suites notamment les arrêts du 7 novembre 2019 (C-68/18 cf. notre Lettre d’information n° 31 – septembre-décembre 2019) et 22 décembre 2022 (C-553/21 cf. notre Lettre d’information n°46 – janvier-février 2023).
En réalité, la solution de ce litige s’imposait puisque le produit avait bel et bien été tracé avec le « Solvent Yellow 124 ». Ainsi, un contrôle permettait de déterminer immédiatement qu’il s’agissait d’un produit bénéficiant de ce qu’on dénomme en France, un régime privilégié.
Cette jurisprudence bienvenue est donc l’illustration du fait que le formalisme douanier peut se heurter au principe de l’utilisation réelle du produit qui peut être prouvée par différents moyens.
Le point important à vérifier est que le contrôle douanier ne soit pas compromis et surtout qu’aucun indice de fraude ou d’abus ne soit constaté.
Par une ordonnance du 4 octobre 2024 (C-214/24), la Cour de justice a rappelé les principes qui s’appliquent lorsque des produits du tabac ont transité irrégulièrement auprès de plusieurs Etats membres avant d’être découverts dans un dernier Etat. La question se posait de savoir si les Etats de transit pouvaient éventuellement prélever les droits d’accise du chef d’un transport dans leur territoire à des fins commerciales sans avoir mis en place les documents nécessaires.
Il s’agissait de transport de cargaisons de tabac entre la Lituanie et le Royaume-Uni en passant par l’Allemagne. Les marchandises avaient été découvertes au Royaume-Uni dans une situation irrégulière par les autorités douanières britanniques. La Douane allemande entendait recouvrer les accises, toutefois sa demande a été rejetée.
La CJUE a rappelé les principes qu’elle avait consacrés dans un arrêt Prankl du 5 mars 2015 (C-175/14) rendu sous l’empire de la directive 92/12/CE du 25 février 1992. La question était posée dans le cadre de la directive qui lui avait succédé, n° 2008/118/CE du 16 décembre 2008.
La CJUE a rappelé que la mise en consommation des produits soumis à accises ne peut avoir lieu qu’une seule fois, de sorte que la perception des accises s’opère dans l’Etat membre dans lequel le produit concerné est destiné à être consommé.
La CJUE a donc jugé que les articles 7 et 33 de la directive 2008/118/CE doivent être interprétés en ce sens que « l’accise sur des produits du tabac, irrégulièrement importés sur le territoire d’un Etat membre, puis transportés à des fins commerciales vers un autre Etat membre, en transitant par plusieurs Etats membres, sans avoir été placés sous un régime de suspension de droits, ne peut être prélevée que par un seul Etat membre, à savoir l’Etat membre de destination vers lequel ils ont été transportés à l’exclusion des Etats membres de transit. » (point 44)
Dans un autre dossier, concernant cette fois des palettes de bière, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu une décision le 12 mars 2025 (pourvoi n°23-22.447). La Cour a jugé que les droits d’accise pouvaient être mis à la charge d’un entrepositaire agréé français concernant des bières qui avaient été livrées irrégulièrement en France depuis l’Allemagne.
Il ressortait de plusieurs contrôles douaniers effectués entre 2016 et 2018, que les opérations en question étaient irrégulières et que les droits d’accise n’étaient pas acquittés lors de l’arrivée en France des marchandises. Un des stockeurs ne détenait aucune comptabilité-matières et ne disposait pas du statut « d’entrepositaire agréé accise». Le demandeur à la cassation était gérant d’une société mais était également le gérant de la société en infraction et selon l’administration avait facilité la fraude.
Selon la Cour de cassation, il n’y avait donc aucune double imposition des droits d’accise en France et en Allemagne et le demandeur aurait dû avoir conscience de la sortie irrégulière des marchandises du régime de suspension de droits. Son pourvoi a donc été rejeté.
Un arrêt du 21 janvier 2025 de la CJUE (C-188/23) mérite d’être signalé dès lors qu’il a été rendu en grande chambre, c’est-à-dire par une assemblée collégiale de tous les présidents de chambres de la Cour de justice de l’Union européenne.
Il s’agissait d’une affaire importante concernant un grand porte-conteneurs qui avait subi un dévastateur incendie en cours de navigation océanique. Le navire avait été remorqué tant bien que mal dans un port allemand. Il avait été déchargé. Tous les déchets qui pouvaient faire l’objet d’un enlèvement avaient été retirés, notamment les eaux d’arrosage de l’incendie mélangées de boues et de résidus de déchets en tous genres (contenus des conteneurs). Ces déchets avaient fait l’objet d’un envoi pour retraitement au Danemark.
Il restait environ 24 000 tonnes de déchets qui avaient littéralement fondu et étaient collés à la carcasse du bateau qui devait partir en Roumanie pour un démantèlement. La société qui exploitait le navire considérait qu’elle n’était tenue de procéder à aucune notification pour le transfert de ces déchets vers la Roumanie. Sous la pression de l’administration allemande, l’exploitant avait dû s’y résoudre, avec des délais et frais importants. Il engageait la responsabilité de l’administration allemande pour lui avoir imposé cette procédure, fautivement selon l’exploitant.
L’exploitant du navire entendait ainsi faire l’application d’une disposition, à savoir l’article 1° paragraphe 3b du règlement n°1013/2006 du 14 juin 2006 concernant les transferts transfrontaliers de déchets.
L’exploitant du navire considérait qu’au sens de cette disposition, les déchets restant à bord du navire étaient bel et bien exclus du champ d’application du règlement en tant que « déchets produits à bord de véhicules, de trains, d’avions et de navires, jusqu’à ce que ces déchets soient débarqués en vue de leur valorisation et élimination. » Les autorités allemandes considéraient au contraire que les déchets étaient déjà matérialisés au moment de l’arrivée du bateau en Allemagne, de sorte que leur transfert de l’Allemagne vers la Roumanie devait faire l’objet d’une (lourde) procédure spécifique de notification dans le cadre du règlement n°1013/2006.
La Cour de justice avait rendu un premier arrêt du 16 mars 2019 (C-689/17) qui n’avait pas tranché tous les problèmes.
La Cour de justice a jugé que cette exception au champ d’application du règlement n°1013/2006 devait s’avérer d’interprétation stricte pour permettre l’application la plus large dans l’Union européenne de la Convention de Bâle qui est la réglementation internationale en matière de transferts de déchets.
La CJUE a notamment considéré qu’au stade où en était la société après avoir retiré une partie des déchets du navire, son exploitant avait une parfaite compréhension et connaissance de l’état des déchets et pouvait donc satisfaire aux exigences de la procédure de notification.
Ainsi, l’exception dans le règlement résulterait simplement d’une situation transitoire dans laquelle un opérateur de navire ne connaît pas exactement quels sont les déchets qu’il peut avoir à bord et ce, notamment, en cas d’une situation d’urgence. C’est apparemment sur cette base que la Cour de justice avait raisonné dans le cadre de son arrêt de 2019.
Au regard des principes de protection de l’environnement poursuivis par la convention de Bâle et le règlement n°1013/2006, la Cour relève « l’importance de réduire le mouvement de déchets dangereux au minimum compatible avec une gestion efficace et écologiquement rationnelle desdits déchets ». (point 63)
La Cour insiste sur le fait que la procédure de notification avec consentement préalable du pays de destination permettait une analyse complète de la situation au départ et à l’arrivée et un parfait suivi.
En définitive, la généralisation de l’obligation de procéder à cette notification « a pour conséquence de dissiper toute incertitude quant à la nécessité de déclencher ladite procédure en ce qui concerne ce transfert. » (point 69)
Concernant l’aspect (supposé) bénéfique de cette notification, « le responsable du navire ayant débarqué une partie des déchets devra opter pour un transfert des déchets restés sur ce navire qui réponde au mieux aux exigences de protection de l’environnement et de la santé humaine, telles qu’imposées par ce règlement. » (point 60)
Ainsi, paraissant revenir sur son premier arrêt, au regard de l’évolution du litige, la CJUE juge qu’ « il peut être présumé que, à la suite du débarquement d’une partie de la masse globale des déchets produits sur le Flaminia [le navire incendié] le responsable de celui-ci était raisonnablement en mesure de disposer des informations concernant la quantité et la nature des déchets restant sur ce navire, en vue d’organiser la gestion écologiquement rationnelle de ceux-ci et d’assurer que leurs mouvements soient réduits au minimum compatible avec une telle gestion. »
Il est permis de penser que l’action en responsabilité ne prospérera pas en Allemagne.
Pour les praticiens de la fiscalité écologique et de la surveillance des prohibitions affectant les transferts internationaux de déchets, cet arrêt illustre l’importance que les administrations et les juridictions attachent au suivi de ces flux sensibles.
La Cour de cassation a rendu deux décisions concernant les prérogatives douanières.
Par un arrêt du 2 avril 2025 (pourvoi n°25-90.001), la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté une question prioritaire de constitutionalité contre les nouveaux textes résultant de la loi ayant réformé le droit de visite, n° 2023-610 du 18 juillet 2023 (cf. notre Lettre d’informations n°49 juillet-octobre 2023 et notre article à l’AJ Pénal dans un cahier spécial sur cette loi, octobre 2023). Le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la constitution le 1° de l’article 60-1 nouveau, par sa décision n° 2024-1124 QPC du 28 février 2025.
Par ailleurs, la question critiquait les articles 60 et 61 nouveaux.
L’article 60 renvoie aux articles 60-1 à 60-10 du Code concernant les conditions d’exercice du droit de visite, sans statuer lui-même sur les modalités de ce droit.
L’article 61 impose aux conducteurs de moyens de transport de se soumettre aux injonctions des agents des douanes.
La Cour de cassation rappelle que « les prérogatives prévues par cet article [61] ne peuvent être mises en œuvre que lorsque les agents des douanes disposent dans les conditions prévues par les articles 60-1 et suivants du Code des douanes, d’un droit de visite. » La Cour de cassation en déduit que « les articles contestés ne définissent donc pas par eux-mêmes les conditions auxquelles est soumis l’exercice du droit de visite des agents des douanes. » (point 11)
Dans un autre litige, par un arrêt du 2 avril 2025 (pourvoi n°24-80.999 publié au Bulletin), la chambre criminelle a validé une procédure de retenue douanière en cassant un arrêt d’appel qui était favorable au prévenu.
Il s’agissait d’un contrôle à la circulation d’une personne qui se présentait comme étant un numismate sur laquelle avait été trouvé 40 pièces de monnaie ancienne. Selon la Douane, il s’agissait du produit d’une fouille avec un détecteur à métaux.
L’administration avait mis la personne en retenue douanière, diligenté une visite domiciliaire et fait intervenir à distance un ingénieur de la DRAC d’Ile-de-France (direction régionale des Affaires Culturelles) qui avait considéré qu’il s’agissait d’un « bien culturel » sujet à restrictions notamment au regard du Code des douanes, sans avoir vu la marchandise autrement que sur photos.
La Cour d’appel avait relaxé le prévenu au motif que les pièces de monnaies ne constituent pas des « biens culturels par nature ». La Cour de cassation a toutefois retenu que le prévenu n’avait donné aucune indication sur les moyens par lesquels il s’était procuré ces pièces.
La chambre criminelle a fait table rase de la motivation favorable de la Cour d’appel :
« 23. D’une part, un avis émis par un ingénieur de la Drac, à la vue de photographies de pièces de monnaie venant d’être saisies, qualifiant celles-ci de biens culturels au sens du code des douanes, associé au fait que la personne transportant ces pièces ne peut justifier de leur origine, caractérise, au sens de l’article 323-1 du code des douanes, le délit de détention de biens culturels sans justificatif d’origine en flagrance.
D’autre part, en cas de retenue douanière pour un transport de biens culturels sans justificatif d’origine faisant suite à une interpellation sur la voie publique, le seul constat de ce que les biens avaient déjà été saisis et inventoriés au moment du placement en retenue douanière ne saurait suffire à exclure la nécessité d’autres actes d’enquête douanière. »
On constatera qu’il n’y avait, dans cette affaire, strictement aucune dimension frontalière puisque la DRAC saisie était celle d’Ile-de-France et que le prévenu avait été contrôlé alors qu’il circulait au volant de son véhicule.
Dans un arrêt important rendu en grande chambre le 8 avril 2025 (C-292/23), la CJUE a encadré le contrôle juridictionnel des actes du délégué du Parquet européen lorsque celui-ci cite des personnes à comparaître comme témoins dans le cadre d’une procédure pénale.
Vincent Courcelle-Labrousse publiera prochainement un article sur cette décision à l’AJ Pénal.
Souvent complexe, le droit communautaire se caractérise pourtant par une véritable « pépite » extrêmement stable dans le temps et qui a donné lieu à des jurisprudences fécondes, à savoir le règlement n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 portant sur la protection des intérêts financiers des communautés.
L’article 3 de ce règlement comporte des règles précises en matière de prescription, à savoir un délai de quatre ans qui peut être interrompu par des « actes de poursuite et d’instruction » avec un délai butoir dénommé dans la jurisprudence « délai de prescription absolu » au-delà duquel le recouvrement ne peut plus être exercé.
Nous avons déjà souvent commenté les décisions sur ce régime (cf. dernièrement notre Lettre d’information n° 55 novembre-décembre 2024).
Dans un arrêt du 6 février 2025 (C-42/24) rendu dans un dossier en matière de politique agricole commune en Grèce, dans lequel l’administration grecque demandait le reversement d’une aide accordée par le Fonds Européen d’Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA), la CJUE a rappelé sa jurisprudence sur le calcul de ce délai et notamment la possibilité pour les Etats membres de retenir un délai plus long.
Au visa de son arrêt du 2 mars 2017 (C-584/15), dans une affaire qui avait été gagnée à l’époque par le Cabinet, la Cour de justice a rappelé que les Etats membres peuvent retenir un délai plus long mais qui ne doit pas être excessif.
Le délai de prescription trentenaire retenu jusqu’en 2008 par la France, sur la base de l’ancien article 2262 du Code civil abrogé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, était disproportionné. Le délai de cinq ans français, prévu par l’article 2224 du Code civil résultant de la loi de 2008, avait alors été considéré comme étant acceptable.
En revanche, l’arrêt du 6 février 2025 porte sur le point de départ de la prescription. L’article 3 paragraphe 1 du règlement retient que ce point de départ est la date à laquelle l’irrégularité a été commise.
La Cour de justice a refusé de valider le droit grec en tant qu’il avait prévu que le point de départ de la prescription était la date à laquelle l’administration avait constaté l’irrégularité. La CJUE considère qu’« admettre que le délai de prescription prévu à l’article 3 paragraphe 1, 1° et 2° alinéas du règlement n° 2988/95 ne commence à courir qu’à compter du moment où l’administration a constaté ces irrégularités pourrait encourager une certaine inertie des autorités nationales. » (point 31)
La Cour rappelle que « le principe de sécurité juridique s’oppose en principe, à ce que les autorités publiques puissent faire indéfiniment usage de leurs pouvoirs pour remédier à une situation illégale. » (point 32). La Cour de justice considère qu’un point de départ dépendant de la seule date de constatation des autorités douanières conduirait à « vider de toute portée » « le délai de prescription absolu égale au double du délai de prescription prévu à l’article 3 paragraphe 1, 1° alinéa de ce règlement. »
La Cour de justice a rappelé par ailleurs la solution de son arrêt du 2 mars 2017 : si un Etat membre choisit, comme il peut le faire, d’appliquer un délai plus long que le délai de quatre ans « le délai de prescription absolu prévu à l’article 3 paragraphe 1 alinéa 4° de ce règlement expire, en tout état de cause, le jour où un délai égale au double de ce délai de prescription plus long arrive à expiration. »
Cet arrêt rappelle la fécondité de la jurisprudence de la Cour de justice sur ce règlement n°2988/95. Il y a déjà eu des cas d’application de cette jurisprudence à la matière douanière (dernièrement l’arrêt du 5 décembre 2024 C-506/23 commenté à notre Lettre n° 55 précitée). D’ailleurs, l’article 103 du Code des douanes de l’Union prévoit lui-même un délai de cinq ans qui peut être au maximum de dix ans et donc retient un système de « délai absolu ».