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n° 51 – Janvier 2024
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La Lettre d’information en bref
- Focus sur la Loi de finances pour 2024
- Les principales évolutions législatives dans les domaines de la douane et des transports :
- Le bouclier tarifaire sur l’électricité est reconduit en 2024 ;
- Certains taux réduits d’accise sur l’énergie jugés nuisibles à l‘environnement sont progressivement supprimés ;
- La taxe incitative sur l’incorporation des biocarburants dans les transports (TIRUERT) est à nouveau alourdie et complexifiée ;
- Une taxe équivalente à la TIRUERT sera instaurée en 2026 dont l’objectif est la réduction de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre par les carburants utilisés pour les transports ;
- Une nouvelle taxe est créée à la charge des exploitants des infrastructures de transport longue distance ;
- La fiscalité écologique sur les déchets est modifiée pour traiter spécifiquement certains déchets faiblement radioactifs, exempter les déchets enfouis trop près de rivages et utiliser l’arme fiscale pour inciter les collectivités et opérateurs à respecter les objectifs régionaux de réductions des tonnages de déchets enfouis ;
- Les transferts de compétences de la Douane vers la Direction Générale des Finances Publiques se poursuivent ;
- La lutte contre la fraude à la TVA dans le e-commerce est accentuée.
- Par ailleurs, la Cour de cassation a rendu deux arrêts sur la portée des exonérations de l’octroi de mer en Martinique et sur le champ d’application de l’article 67 bis du Code des douanes concernant les enquêtes des agents des douanes.
- Pour sa part, la Cour de justice de l’Union européenne a validé le régime hongrois des sanctions douanières au regard du principe de proportionnalité.
La loi de finances 2023-1322 du 29 décembre 2023 a été publiée au JORF du 30 décembre après une décision du Conseil constitutionnel 2023-862 DC du 28 décembre 2023 qui a validé les dispositions relevant des matières douanières, des transports et de la fiscalité énergétique et environnementale suivies au cabinet.
Dans la continuité de la loi de finances précédente (cf. notre Lettre n° 45 novembre-décembre 2022), les débats en séance à l’Assemblée ont été inexistants en raison de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement d’emblée à chaque lecture du texte. Le Sénat a accompli un travail de qualité en commission et en séance publique en première lecture. Il s’est plaint que ses propositions en première lecture aient été très peu reprises par l’Assemblée. Le Sénat a rejeté le texte en bloc en nouvelle lecture comme il l’avait fait en 2022.
Les principales évolutions en matière de fiscalité sur les biens et services sont les suivantes. Le format de cette Lettre d’information interdit d’être exhaustif. (« LF » désigne les références définitives des articles de la loi de finances, « CD » le Code des douanes, « CGI » le Code général des impôts, « CIBS » le nouveau Code des impositions sur les biens et services, et « LPF » le Livre des Procédures Fiscales).
- L’article 92 LF reconduit le bouclier tarifaire sur l’électricité jusqu’au 31 janvier 2025.
Le taux est au minimum (1 €/MWh pour « les ménages et assimilés », 0,5 €/MWh pour les « autres consommations » des entreprises), pour un coût annuel de 8,9 Mds € (27 Mds € depuis 2022 …). Le Sénat a tenté de réduire le coût fiscal en cantonnant la minoration du taux de l’accise sur l’électricité aux « activités économiques » des ménages et assimilés.
Cependant, l’Assemblée a rétabli son texte en donnant compétence au Gouvernement pour fixer les tarifs de l’accise sur l’électricité par un arrêté, « sans que le montant toutes taxes comprises du tarif bleu applicable au 1er février 2024 ne puisse excéder de plus de 10 % celui applicable au 1er août 2023. Le renvoi à un arrêté permet de fixer les tarifs de l’accise en fonction de l’évolution des prix hors taxes. » (rapport en nouvelle lecture n° 1994 du 14 décembre 2023).
Par ailleurs le même article a autorisé le relèvement de l’accise sur le gaz naturel à usage combustible dans la limite de 8 €/MWh (soit un doublement du rendement représentant 1,9 Mds €), par voie d’arrêté, qui a été pris dès le 29 décembre 2023.
- L’article 94 LF s’attache à revaloriser et rapprocher des taux de droit commun certains taux d’accise réduits sur l’énergie, correspondant à des utilisations jugées préjudiciables à l’environnement. Le « gazole non routier » sera porté par paliers au taux normal d’ici 2030, soit un triplement du tarif. Le « gazole agricole » fera l’objet d’augmentations graduelles (de 6,71 € à 23,81 €/MWh en 2030), assorties de mesures d’accompagnement en faveur de la décarbonation des exploitations (notamment le mécanisme dit de « déduction pour épargne de précaution » et des « avances de remboursement » d’une fraction de l’accise).
Il est difficile de trouver des substitutions aux carburants fossiles, très efficaces, eu égard aux besoins de puissance des engins de BTP ou agricoles.
Des réductions de taux d’accise sur les produits pétroliers peu utilisées par les entreprises grandes consommatrices d’énergie sont supprimées en 2024 (art. L.312-75 CIBS). Il s’agit d’opérateurs relevant du « système des quotas d’échange de gaz à effet de serre des installations fixes » (« SEQE-IF»), ainsi que les entreprises exposées à la concurrence internationale dont les activités sont similaires mais situées dans des installations hors SEQE.
Le tarif nul de l’accise sur l’énergie sera supprimé en 2027 concernant les combustibles utilisés dans les secteurs de la construction navale et aéronautique (art. L.312-69 CIBS). Il en ira de même de l’avantage pour le charbon utilisé pour la valorisation de la biomasse.
- L’article 95 LF renforce l’incitation fiscale à l’utilisation de l’énergie renouvelable dans les transports en augmentant de nouveau considérablement le tarif de la taxe incitative à l’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports ou « TIRUERT » en cas de non-respect des obligations d’incorporation des biocarburants dans les essences et dans le gazole.
La TIRUERT sera alourdie en 2025 : les pourcentages de biocarburant à incorporer seront augmentés et rendus de plus en plus sélectifs en faveur de biocarburants les plus avancés (à base d’algues notamment), ainsi que des graisses et huiles de cuisson usagées ou encore des produits issus des « égouts pauvres » des sucreries.
Les carburéacteurs ne bénéficieront plus du « double comptage » d’énergie renouvelable durable incorporée. Le taux de la TIRUERT en cas d’incorporations insuffisantes est porté de 168 à 280 € / hl. Le Gouvernement a toutefois maintenu le taux d’incorporation à un niveau plus faible que pour les carburants routiers (2 % au lieu de 10,5% dans la « filière essence » et 9,4% dans la « filière gazole »).
Les travaux parlementaires sur la TIRUERT sont le reflet du constat des praticiens et opérateurs depuis une dizaine d’années, à savoir la sophistication sans limite du mécanisme qui empile les biocarburants ayant des provenances de plus en plus improbables et des régimes de comptage très complexes. L’ensemble est structuré par la directive « RED II » (directive 2008/2001 du 11 décembre 2018 révisée par une directive 2023/2413 du 18 octobre 2023 JOUE du 31 octobre 2023 dans le cadre du plan communautaire « Fit for 55 »).
Eu égard au niveau vertigineux des taux de la TIRUERT (140 €/hl, soit deux à trois fois l’accise sur l’essence ou le gazole… déjà acquittée), le moindre faux pas est fatal.
- A l’article 105 LF, le Gouvernement a accepté un amendement d’une députée qui crée une « TIRUERT carbone», à savoir une « taxe incitative relative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les transports ». La taxe sera assise sur les émissions de gaz à effet de serre anticipées, ce pour chaque carburant (gazole et essence) mis à la consommation. Son taux s’élèvera à 100 € par tonne de CO2 « non évitée » en 2025. Les émissions seront calculées par rapport à une « cible nationale » de réduction annuelle (5 % en 2026).
La taxe serait nulle en cas de réduction de l’intensité d’émission de GES supérieure ou égale au pourcentage national cible.
Pour y parvenir, on examinera le contenu dudit carburant en biocarburant, biogaz renouvelable, en électricité renouvelable utilisée pour les bornes de recharge, en hydrogène renouvelable ou en hydrogène bas carbone, tous certifiés « durables ».
Le Sénat considérait que ce dispositif était intéressant mais inabouti et avait voté sa suppression. L’Assemblée a rétabli son texte, reportant son entrée en vigueur de 2025 à 2026.
Il est probable que ce dispositif sera encore plus difficile à comprendre et à appliquer (de manière juridiquement sécurisée) que celui sur les biocarburants durables (la TIRUERT précitée), pour les opérateurs des dépôts pétroliers qui réalisent l’essentiel des mises à la consommation et doivent justifier à cette étape de la « durabilité » des incorporations effectuées.
La taxe générale sur les activités polluantes concernant les déchets (TGAP) a été modifiée.
- L’article 102 LF assujettit les déchets (peu) radioactifs métalliques provenant de centrales nucléaires à la TGAP déchets pour inciter à leur recyclage dans le cadre d’un projet pilote « Technocentre ». Le taux augmentera de 200 €/ T en 2024 à 400 €/T à partir de 2027.Les déchets résiduels après valorisation dans ce centre seraient exonérés. La taxe annuelle sur les installations nucléaires de base serait réduite corrélativement. Ce texte résulte d’un amendement introduit en première lecture à l’Assemblée, que le Sénat a entériné.
- L’article 103 LF exempte de la TGAP déchets les quantités extraites de décharges « historiques » mal gérées et surtout situées trop près de la mer.
Comme le note le rapport du Sénat, l’article « ajoute à la liste des exemptions de TGAP du II de l’article 266 sexies du code des douanes les réceptions de déchets en provenance d’un dépôt de déchets situé à moins de 100 mètres du trait de côte dans une zone soumise à érosion, ou dans une zone de submersion marine potentielle. » Ce texte résulte d’un amendement introduit en première lecture à l’Assemblée, que le Sénat a accepté.
- L’article 104 LF sur la TGAP déchets prévoit une majoration des tarifs applicables en 2025 pour la composante de la TGAP portant sur les déchets non dangereux.
- Cette majoration de 5 à 10 € / T a été introduite en toute dernière minute le 14 décembre au stade de la nouvelle lecture à l’Assemblée, par un amendement du Gouvernement. La majoration vise « la fraction de déchets excédant les objectifs de réduction de mise en décharge fixés par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV)». Selon l’amendement, cet objectif est mal respecté et « la présente mesure crée donc une incitation fiscale au respect de cet objectif de la LTECV. »
- Le même article 104 LF prolonge d’un an les taux réduits de la TGAP (« réfactions») applicables dans certains DOM. Ainsi, en 2024, ces réfactions demeureront de 35 % à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe et de 75 % en Guyane et à Mayotte. Les Sénateurs proposaient des exonérations de TGAP pendant plusieurs années dans ces DOM, qui ont été jugées excessives.
- Pour être complet, l’article 97 LF a renforcé le système de taxe sur les immatriculations de véhicules mis en œuvre par la loi de finances pour 2021 (cf. notre Lettre d’information n°37) et désormais prévu par le CIBS (divers « malus »). L’article intitulé « Renforcement du caractère incitatif à la transition énergétique de la fiscalité applicable aux véhicules» poursuit le triple objectif de supprimer des contournements de la taxe par les pick-ups, dont la définition est élargie et précisée, de renforcer au fil des ans les taux du « malus CO2 » pour les véhicules de tourisme des particuliers et de procéder au « verdissement » de la taxation des flottes d’entreprise en augmentant progressivement le barème de la taxe annuelle sur les émissions de A l’instar des précédentes interventions législatives dans ce secteur, le dispositif est pour le moins profus et complexe.
- L’article 111 LF poursuit l’œuvre de transfert des compétences (cf. nos Lettres d’information n° 32 janvier 2020, n° 37 janvier 2021, n° 38 janvier-mars 2021, n° 41 novembre-décembre 2021, n° 45 novembre-décembre 2022). Le texte porte d’abord sur le domaine du tabac-alcool. Le texte prévoit le transfert du recouvrement à la DGFIP des taxes annexes frappant les produits tabac-alcool, à savoir la cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques (CSS) et le droit de licence pour le tabac. Le texte précise les modalités de transfert relatives à la taxe « PREMIX » sur les mélanges de boissons alcooliques et boissons sucrées. Cette extension concernera également la cotisation finançant le régime d’allocations viagères des gérants de débits de tabac.
Les exonérations de droits d’accise accordées par exemple à la fabrication d’arômes sont désormais reproduites également concernant la cotisation de sécurité sociale (CSS).
La loi de finances pour 2024 s’attaque également au transfert et à la rationalisation de petites taxes en matière de transport maritime ou aérien de passagers, soit vers la DGFIP soit vers la direction générale de l’aviation civile. A terme le recouvrement de toutes ces taxes sera assuré par la DGFIP selon le rapport n° 128 du Sénat.
Les « restes à recouvrer » au titre des contentieux sur ces cotisations transférées sont également remis aux comptables de la DGFIP (modification de l’art. 130 LF pour 2022, cf. notre Lettre d’information n° 41 novembre-décembre 2021).
Les « restes à recouvrer » afférents aux taxes précédemment transférées ont été remis aux comptables de la DGFIP le 13 septembre 2023 (décret 2023-865 du 11 septembre 2023).
Le régime des bouilleurs de cru a également été simplifié en prévoyant une exonération de l’accise sur les alcools des bouilleurs de cru particuliers produisant moins de 50 litres d’alcool pur pendant la campagne de distillation, pour leur consommation propre, sur le terrain qu’ils ont le droit de cultiver. De plus le bouilleur peut céder au propriétaire du terrain où les fruits ont été cultivés 50 litres d’alcool pur au lieu de 10 litres, sans que cela soit une vente. Le Sénat a étrillé en vain les justifications techniques avancées face à un texte qui lui apparaissait constituer une augmentation pure et simple des franchises des bouilleurs de cru, peu justifiable au regard des impératifs de santé publique. Le plafond de production annuelle par bénéficiaire passe de 10 à 50 litres d’alcool pur.
- Enfin le VII de l’article 111 LF prolonge de deux ans l’habilitation au Gouvernement pour poursuivre la recodification, supposée « à droit constant » (ce que le Sénat conteste à juste titre), de diverses impositions dans le CIBS, dont la TVA, la TGAP, l’octroi de mer, diverses taxes dans des domaines très variés. Selon le rapport à l’Assemblée n° 1745 il s’agit des domaines de « l’alimentation, agriculture, pêche, culture, environnement, numérique-communication-, paris et jeux de hasard, santé, finance ».
Cependant, les dispositions réglementaires au titre de la première « tranche » de recodification (ordonnance 2021-1843 du 22 décembre 2021) n’ont toujours pas été publiées (voir notre Lettre d’information n° 45).
En revanche, indépendamment de la loi de finances pour 2024, une seconde ordonnance de recodification 2023-1210 du 20 décembre 2023 a été publiée au JORF le 21 décembre.
Le rapport introductif d’usage présenté au Président de la République indique les contours de cette tranche de recodification :
« – les règles régissant la garantie des métaux sont déplacées du CGI vers le code de commerce ;
– celles régissant le régime économique des tabacs manufacturés et le commerce de l’alcool sont déplacées du CGI vers le code de la santé publique, dans des subdivisions dédiées à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, qui comprennent d’ores et déjà des dispositions ayant le même objet et contrôlées dans les mêmes conditions par la DGDDI ;
– celles régissant les pratiques du secteur agricole en matière de fabrication d’alcool à partir de leur production (régime dit « des alambics ») sont déplacées du CGI vers le code rural et de la pêche maritime. Il en est de même des dispositions transposant le cadre européen en matière de cultures et de pratiques œnologiques ;
– les règles régissant la mise à la carburation des produits énergétiques sont transférées du code des douanes vers le code de l’énergie. »
Cette recodification comportera quelques aménagements techniques des textes, notamment sur les modalités des autorisations des carburants Le tout entrera en vigueur dans 18 mois.
Pour être complet à ce stade, et sur ces transferts, deux décrets ont été publiés le 29 décembre 2023 (application immédiate au 1er janvier 2024).
Le décret 2023-1294 du 28 décembre 2023 maintient la compétence de la DGDDI en matière de suivi et de gestion de certaines réglementations économiques. Le délai pour actionner la garantie bancaire en cas de non-paiement des droits et taxes à l’échéance passe de 15 à 45 jours francs. Ce résumé est limité aux points principaux.
Le décret 2023-1295 du 28 décembre 2023 fixe l’obligation de télédéclaration et de télérèglement des accises sur les alcools et les tabacs et taxes assimilées, dont le recouvrement est transféré à la DGFIP à compter du 1er janvier 2024. Il détermine la compétence de la DGDDI en matière d’assiette et de remboursement de ces prélèvements. Il précise la compétence des comptables de la DGFIP et de la DGDDI pour émettre, le cas échéant, l’avis de mise en recouvrement et étend la compétence du comptable public de la DGE en matière de recouvrement des prélèvements sur les alcools et les tabacs.
Ces décrets vont sans doute permettre d’y voir plus clair dans le transfert de la fiscalité sur les tabac-alcool, où la Douane / DGGDI continuera à intervenir aux côtés de la DGFIP.
L’article 112 LF se caractérise par un assemblage de dispositions hétéroclites concernant la TVA :
- Les « drospshippers » sont désormais assujettis à la TVA. Il s’agit d’intermédiaires qui achètent un bien situé hors de l’UE et le revendent en ligne en France, sans jamais en disposer physiquement ni apparaitre en douane, car le transport est géré par le fournisseur tiers. Ce procédé commercial pose des problèmes car la valeur de la vente à assujettir aux droits est la « dernière vente » conclue par le « dropshipper » au consommateur avant l’entrée de la marchandise dans le territoire douanier de l’Union et non pas l’achat dans le pays tiers. Les sous-évaluations sont nombreuses, ou simplement des erreurs sont commises en retenant la vente faite par le fournisseur tiers au « dropshipper ». Ces intermédiaires ne seront pas redevables s’ils s’assurent de ce que la TVA est payée en France par un redevable identifié localement.
- Les § 2, 4 et 5 de l’article 293 A CGI sont réécrits pour identifier plus précisément les redevables de la TVA lors de l’importation de biens faisant l’objet de ventes à distance (e-commerce). Cette disposition est importante pour les représentants en douane qui sont solidairement tenus au paiement de la TVA en « représentation indirecte » (dédouanement en son nom propre mais pour le compte d’autrui). Aux termes du second alinéa du 4 de l’art. 293 A, ils pouvaient y échapper concernant le e-commerce en justifiant de la transmission à leurs clients des données pour le paiement de la TVA. Cette obligation est généralisée et n’est plus un cas dérogatoire à la solidarité du représentant en douane opérant en représentation indirecte.
Selon le rapport de l’Assemblée (n° 1745), ce texte « modifie le 4 de l’article 293 A du CGI afin d’instaurer une obligation, pour le représentant en douane, de transmettre au redevable de la TVA à l’importation, ou de lui rendre accessible par voie électronique, au plus tard lors de la réception des marchandises par le destinataire, l’information de la base imposable et les documents nécessaires pour l’exercice du droit à déduction. En conséquence, une solidarité systématique du représentant en douane pour le paiement de la TVA à l’importation est également instaurée. » Après examen, il n’y a pas de changement dans les principes qui découlent du droit communautaire et de l’art. 293 A CGI existant depuis 1993 sur la responsabilité du représentant en douane qui dédouane en « représentation directe » (au nom et pour le compte d’autrui). Cependant, il conviendra d’être attentif à la lecture de ce texte par les administrations (Douane et DGFIP) dans ce contexte de complexification et de renforcement des dispositions fiscales et sur la portée de cette obligation d‘informer le client.
- La TVA payée à tort à la Douane pourra être compensée avec celle due à la DGFIP, ce qui comble un vide juridique ancien.
- Les enquêtes sur les sites internet et réseaux sociaux sont renforcées et pourront désormais comporter une inscription par l’enquêteur (sous pseudonyme) sur un site ou réseau social pour y collecter les informations (art. L.10-0 AD LPF).
- Pour les prestations de services électroniques, une procédure de « mise en conformité fiscale » est créée (art L.80 P LPF) contre les plateformes en ligne situées hors de l’UE qui fraudent la TVA. Les acteurs locaux (moteurs de recherches, sites de comparateurs en ligne, etc.) recevront des injonctions de déréférencer les récalcitrants.
Cette mesure durera 4 mois (renouvelable une fois), assortie d’une amende de 500 € par jour de retard dans l’exécution de cette injonction (art. 1788 bis CGI).
- Le mécanisme d’autoliquidation de la TVA est étendu aux opérations de cessions de « garanties d’origine » et de certificats similaires prévus dans le code de l’énergie, pour lutter contre les fraudes « carrousel ».
- Un mécanisme de « mandataire fiscal » est mis en œuvre pour simplifier et formaliser les « représentations ponctuelles » ou autres recours à des « mandataires » lorsqu’une société non établie dans l’UE n’est pas tenue de s’identifier en France (réécriture de l’art. 286 ter A et nouvel art. 289 A bis CGI).
- Enfin un régime générique de sanctions des fraudes aux aides publiques (40 ou 80 % de majoration en sus de l’aide reversée) est créé dans le code des relations entre le public et l’administration (nouvel art. L.115 et modification des art. L.552-3, L.562-3 et L.572-1).
L’article 100 LF crée une nouvelle taxe pour financer notamment les travaux de régénération du système ferroviaire et la transition écologique des transports, en sus des innombrables taxes (affectées ou non) pesant sur les opérateurs des différents modes de transport. Des art. L.425-1 à L.425-20 sont insérés dans le CIBS à cet effet. Elle sera due par les exploitants des « infrastructures de transport longue distance ».
Il s’agit de tous modes de transports interurbains et de flux « dont l’origine et la destination ne sont pas compris dans le ressort d’une même autorité organisatrice de la mobilité (AOM) »).
Les redevables ont un chiffre d’affaires supérieur à 120 M € et une rentabilité de plus de 10 %. Il s ’agira des grandes sociétés concessionnaires d’autoroute et les grands aéroports. La taxe (au taux de 4,6%) sera affectée à l’agence de financement des infrastructures de transports (AFIT-F). Son rendement serait de 600 M €/an.
Cette nouvelle taxe a été attaquée devant le Conseil constitutionnel par des parlementaires qui critiquaient « l’imprécision de la notion d’ ‘infrastructures de transport de longue distance’ » dont ils déduisaient que « cette taxe ne serait pas fondée sur un critère objectif permettant de déterminer la catégorie d’opérateurs qui y sont assujettis. » Le Conseil a toutefois jugé dans sa décision 2023-862 DC précitée (points 69 à 75) que le législateur a suffisamment défini cette notion à l’art. L.425-4 CIBS. Le Conseil a ajouté que cette taxe ne méconnaissait pas non plus le principe d’égalité devant les charges publiques.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 20 décembre 2023 (pourvoi 22-11.730) en matière d’octroi de mer. Des objectifs de développement de l’activité de production locale conduisent les conseils départementaux des DOM à accorder des exonérations d’octroi de mer pour l’importation de certaines matières premières, en l’occurrence des éléments pour fabriquer des meubles de cuisine.
La Douane avait redressé des importations au motif qu’il s’agissait de meubles déjà fabriqués hors du DOM et prêts à être posés.
La délibération du conseil départemental subordonnait l’exonération au fait que l’activité principale exercée (APE) dans le cadre de la nomenclature des activités françaises (NAF) relevait de la section C de la NAF correspondant à la fabrication de meubles. La Douane avait constaté que la société posait également des meubles de cuisine, activité relevant de la section F non éligible à l’exonération. La Cour d’appel avait motivé l’annulation du redressement par la circonstance que la société employait un ouvrier qualifié pour fabriquer des meubles de cuisine et disposait du matériel idoine et que la Douane ne prouvait pas que les importations étaient des meubles.
Cette motivation a été jugée insuffisante par la Cour de cassation. La charge de la preuve semble reposer sur l’entreprise pour démontrer que les matières importées ont « spécifiquement concouru » à la fabrication de meubles comme le prétendait l’administration.
Le Code des douanes voit se déployer depuis une vingtaine d’années une armada de pouvoirs d’enquêtes empilant des articles « bis » au fil des ans, brouillant l’articulation des uns avec les autres.
En l’occurrence, l’article 67 bis CD § I créé en 2004 permet à des « agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes » de « procéder sur l’ensemble du territoire national » à des « surveillances de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d’être les auteurs d’un délit douanier ou d’y avoir participé comme complices ou intéressés à la fraudes », à la condition préalable d’ « en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat ». Cette disposition est résiduelle puisqu’elle s’applique « sans préjudice de l’application des dispositions des articles 60, 61, 62, 63, 63 bis, 63 ter et 64 » du code des douanes.
Un important trafic de tabac en contrebande avait été démantelé après plusieurs jours de surveillance. Les personnes interpellées avaient obtenu l’annulation de la procédure par une chambre de l’instruction sur le fondement de l’article 67 bis § I car le procureur n’avait pas été informé de la surveillance.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé l’arrêt par décision du 13 décembre 2023 (pourvoi 23-83.893 publié au Bulletin). Elle a jugé que l’article 67 bis § I était inapplicable dans le cas où les douaniers avaient diligenté cette surveillance dans leur circonscription de rattachement et n’avaient pas une compétence nationale. Apparemment il s’agissait d’un service régional d‘enquêtes.
La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision intéressante le 23 novembre 2023 (C-653/22) sur la proportionnalité des sanctions en cas d’irrégularité douanière.
L’article 42 du Code des Douanes de l’Union impose aux Etats membres de prévoir des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives ».
La Hongrie a mis en œuvre ce principe en prévoyant une sanction administrative de 50 % du montant des droits de douane éludés (dit « manque à gagner » dans la décision), en sus desdits droits.
Ce montant peut être porté à 200 % en cas de « falsification ou destruction de livres et de registres ». Il peut être ramené à 25 % si le redevable demande la modification de la déclaration, dans le sens souhaité par l’administration, après la date du début d’un contrôle différé et avant toute « communication » de la dette douanière constatée. Certains cas sont même exempts d’amende.
Une société hongroise ayant importé une marchandise frappée par des droits antidumping s’était vu notifier l’amende de 50 % dont elle contestait la conformité au principe général du droit communautaire de proportionnalité. Le juge fiscal hongrois avait posé une question préjudicielle à la CJUE.
A titre liminaire, il sera observé que ce type de sanctions administratives de 50 % et 200 % a été retenu par la politique agricole commune pour les restitutions à l’exportation depuis 1994 (avec un soutien constant de la CJUE), sans cette souplesse de 25 %, bienvenue, que le droit hongrois adopte en droit douanier.
Ainsi « étagées », ces sanctions avaient de bonne chances d’être jugées non contraires au droit communautaire.
La CJUE a effectivement validé ce dispositif. Elle considère que l’article 42 du CDU s’applique à toute irrégularité fût-elle non intentionnelle, notamment un manquement au principe consacré par l’article 15 du même CDU de fournir (en substance) des renseignements exacts et complets et des documents authentiques, exacts et valides à l’appui de la déclaration d’importation (points 29-30).
La CJUE a jugé que cette sanction était effective et dissuasive, dès lors qu’une « telle sanction est susceptible d’encourager les opérateurs économiques de l’Union à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer qu’ils disposent d’informations correctes sur les marchandises qu’ils importent et que les renseignements qu’ils fournissent dans les déclarations en douane sont exacts et complets. »
La Cour a jugé ensuite ce dispositif proportionné, d’abord dans sa structuration : le taux de 50 % lui a semblé « pas excessif » (point 36) et l’amende est fonction de la valeur en douane (point 35). Enfin, la Cour a retenu que le droit hongrois « permet aux autorités de tenir compte, de manière significative, du comportement de l’opérateur concerné » (point 37). Ces règles « distinguent suffisamment les cas dans lesquels l’opérateur concerné est de bonne foi de ceux dans lesquels il ne l’est pas » (point 38).
Nous suivons les tentatives d’harmonisation des sanctions au niveau communautaire et la recodification du Code des douanes national qui est en cours.