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n° 43 – Mai-Juin 2022
La Lettre d’information en bref
- Stéphane Le Roy est intervenu lors de la conférence de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF) sur les « Taxes énergétiques et environnementales : 2022 l’année de toutes les transitions ».
- Nicolas Godefroy a participé au 144ème congrès de l’INTA (International Trademark Association).
- La Cour de cassation rend un arrêt sur les droits des cautions en matière douanière et saisit la CJUE de deux questions préjudicielles importantes.
- La Cour de cassation publie une décision remarquable concernant la prescription.
- La CJUE statue dans deux affaires sur la valeur en douane concernant la possibilité d’invoquer des valeurs de marchandises importées figurant dans des bases de données nationales, en substitution de la valeur transactionnelle, ainsi que sur la notion de « liens » entre l’acheteur et le vendeur.
- La CJUE se prononce sur le classement tarifaire de « l’oléorésine de vanille » et de divers articles pour portes.
- La CJUE juge que l’extinction de la dette douanière par suite de la saisie de marchandise de fraude est sans effet sur l’exigibilité des droits d’accise sur les tabacs et la TVA à l’importation.
- La CJUE décide que les Etats membres ne sont pas tenus de rembourser des droits d’accise au titre de tabacs détruits sous surveillance douanière après leur mise à la consommation.
- La CJUE consacre le principe que le commissionnaire en douane dédouanant en « représentation indirecte », solidairement responsable des droits de douane avec l’importateur, ne subit cette solidarité concernant la TVA à l’importation, que si un texte national le prévoit explicitement.
- La CJUE complète sa jurisprudence sur le versement d’intérêts aux entreprises en cas de redressement jugé infondé.
- La chambre des recours de l’EUIPO statue sur le droit à la vulgarité pour dénommer une marque.
Stéphane Le Roy est intervenu lors de la conférence de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF) à la Maison du Barreau le 9 juin 2022 consacrée aux « Taxes énergétiques et environnementales : 2022 l’année de toutes transitions ». Il a pris la parole d’une part sur les limites et les conflits d’objectifs du « verdissement » de la fiscalité énergétique, d’autre part sur « la fiscalité environnementale : la transition vers un paradoxal dépérissement ? »
Dans le cadre de cette conférence, où intervenait un sous-directeur de la Direction de la Législation Fiscale, l’administration a été interpellée sur l’absence persistante des dispositions d’application du Code des impositions sur les biens et services qui est entré en vigueur le 1er janvier 2022.
Lorsque l’Union européenne a créé le Code des Douanes de l’Union (CDU – règlement 952/2013 du 9 octobre 2013) elle avait pourtant pris le soin d’attendre l’édiction des dispositions d’application (règlements 2446 et 2247/2015 et 341/2016) avant de faire entrer le tout en vigueur le 1er mai 2016.
L’administration dit vouloir bâtir des textes bien construits, durables et adaptés. Toutefois cet état des choses laisse les opérateurs dans une insécurité juridique regrettable.
Après deux années de suspension de la conférence internationale des praticiens en droits des marques (INTA), Nicolas Godefroy a participé au 144ème congrès annuel de l’INTA qui s’est tenu du 30 avril au 4 mai 2022 à Washington.
Par un arrêt du 25 mai 2022 (pourvoi 19-23.516), la chambre commerciale de la Cour de cassation a renvoyé deux questions préjudicielles à la Cour de Justice sur l’articulation des régimes de cautionnement en matière douanière avec les principes du CDU.
Une des principales innovations du Code des Douanes de l’Union a été de généraliser l’obligation du cautionnement des différentes opérations en douane. Ce faisant le législateur a complété un mouvement ancien qui était parti de la politique agricole commune pour s’étendre vers les droits d’accise (énergie et tabac-alcool). Le respect des droits des cautions, partant l’identification et la délimitation de ceux-ci, est donc d’un très grand intérêt pratique.
La CJUE avait jugé que la caution n’est pas un codébiteur solidaire de la dette douanière pouvant se voir appliquer le délai de prescription triennal de l’article 221 du code des douanes communautaire (CDC) dans un arrêt du 20 mai 2021 (C-230/20).
Après avoir procédé à une analyse très fouillée la chambre commerciale a jugé nécessaire de saisir la CJUE des lacunes dans les droits de la caution sur deux points déterminants.
D’une part, la question a été posée si une dette douanière « non régulièrement communiquée au débiteur », faute d’avoir été « prise en compte » préalablement à sa notification, peut être exigée auprès de la caution.
D’autre part, la Cour de cassation a demandé à la CJUE de trancher si une procédure contradictoire doit être suivie contre la caution spécifiquement et quelle serait l’incidence ou pas, à l’égard de la caution, que cette procédure ait été suivie -ou non- contre le débiteur principal.
Depuis un arrêt Harth du 29 janvier 1998 (pourvoi 96-83.149), la chambre criminelle de la Cour de cassation, puis la chambre commerciale, retiennent que tout procès-verbal de douane interrompt la prescription pour ce qui concerne l’application de peines privatives de droits (pénales), des sanctions douanières (fiscales) et du recouvrement des droits et taxes encourus (« action civile »). Cette jurisprudence s’applique à tous les droits et taxes recouvrés par la Douane. Le délai de prescription de trois ou cinq ans repart à chaque « acte interruptif ».
Cette interruption est opposable à la personne destinataire de l’acte et à tout autre participant aux faits, même s’il n’a pas eu connaissance du procès-verbal en son temps….
Un entrepositaire agréé dans le secteur des contributions indirectes avait fait l’objet d’un contrôle de routine dans le cadre de l’article L 34 du Livre des Procédures Fiscales le 23 juin 2011. Des documents avaient été remis sur procès-verbal d’intervention ce jour-là, sans que l’administration n’ait des soupçons particuliers à ce stade, ni avant ni au moment du contrôle.
Ayant approfondi son enquête et décelé des infractions, elle avait notifié un procès-verbal d’infraction à l’entrepositaire le 10 septembre 2013 puis avait cité ce dernier devant le Tribunal correctionnel de Dijon. Le Tribunal avait jugé que le procès-verbal du 23 juin 2011 n’était pas interruptif de la prescription et que seuls les faits datant de moins de trois ans par rapport au procès-verbal de notification d’infraction étaient punissables.
La Cour d’appel de Dijon avait néanmoins réformé le jugement sur la base de la jurisprudence Harth. D’aucuns pouvaient s’attendre au rejet du pourvoi de l’entrepositaire agréé et à une énième application d’une jurisprudence extrêmement décriée car génératrice d’une insécurité juridique prolongée sinon perpétuelle.
Cependant, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu une décision remarquable le 11 mai 2022 (pourvoi 20-86.594, publiée au Bulletin).
D’abord le « chapeau » (motif de principe) est étonnant : « Vu l’article 7 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits :
8. Il résulte de ce texte que seul peut être regardé comme un acte d’instruction ou de poursuite le procès-verbal dressé par les agents de l’administration des douanes dans l’exercice de leurs attributions de police judiciaire et à l’effet de constater les infractions, à l’exclusion des actes de l’enquête administrative qui en ont constitué le prélude. »
Certains procès-verbaux ne seraient donc plus interruptifs si la Douane n’avait rien vu au premier coup d’œil.
L’arrêt comporte un exposé résumant la manière dont la Cour d’appel avait appliqué la jurisprudence Harth, qui démontre la rigueur protectrice de la jurisprudence.
La Cour de cassation censure ensuite l’arrêt : « En effet, le procès-verbal d’intervention établi par les agents des services des douanes, qui ne constatait aucune infraction, ni ne relatait aucun acte d’enquête portant sur une infraction préalablement révélée, n’était pas interruptif de prescription. » (point 14)
Par arrêt du 9 juin 2022 (C-187/21) la CJUE a statué sur plusieurs questions importantes concernant la remise en cause de la « valeur transactionnelle ».
La Douane hongroise reprochait à un importateur de déclarer des « valeurs anormalement faibles » et avait écarté celles-ci en recourant à des valeurs de substitution, (article 30 § 2 a) et b) du CDC) tirées de bases informatiques de données sur les importations.
La CJUE n’a pas écarté le recours à ces bases de données, qui devient courant, mais a rappelé d’une part que l’article 30 du CDC (désormais article 74 § 2 du CDU) a prévu un ordre pour rechercher des valeurs de substitutions désormais appelées « méthodes secondaires de détermination ». D’autre part, elle a souligné que les textes ne permettent pas de retenir n’importe quelle valeur au motif que le code de nomenclature trouvé dans la base serait identique à celui de la marchandise contrôlée.
Il faut ainsi tenir compte du « niveau commercial auquel ces marchandises identiques sont vendues, à la quantité vendue ainsi qu’à la personne les ayant produites » (point 36). La même vérification est à faire dans un second temps s’il n’y a pas de « marchandise identique » dans la base, concernant les « marchandises similaires » avec la même exigence.
Pour ce faire, l’administration doit donc consulter la base qu’elle gère et alimente. Elle n’a pas d’obligation d’interroger les autres Etats membres ni la Commission européenne, si la base nationale fournit les données nécessaires. La CJUE fonde sa décision à la fois sur les contraintes du travail administratif, mais aussi sur le fait que les données des bases des autres Etats membres sont soit confidentielles ou peu accessibles, soit excessivement agrégées.
Dans ces cas, ces valeurs ne sauraient être visées dans une décision de redressement comme un élément de motivation valable (point 39).
Sur le plan des principes, ces bases des autres Etats membres et de l’Union ne devraient pas être utilisées. Cependant, rien n’interdit à l’Etat membre concerné de faire une demande d’assistance administrative pour compléter son information (point 56).
Dans cet arrêt riche d’enseignements, la CJUE avait aussi été interrogée sur le point de savoir si la notion de « marchandise identique » pouvait inclure d’autres importations effectuées par le même importateur.
La Cour a répondu par l’affirmative (point 60). Pour exclure ces valeurs, l’administration doit les contester à leur tour sur la base des articles 78 du CDC et 181 bis des Dispositions d’Application du code des douanes communautaire, ce dernier instaurant une procédure contradictoire préalable propre à la valeur en douane (point 63).
Lorsque l’importateur a dédouané dans un autre Etat membre, l’administration peut exclure ces valeurs en motivant sa décision « par référence à des éléments affectant le caractère plausible des valeurs transactionnelles en question. » (point 64)
Enfin, la CJUE a précisé sa jurisprudence sur la période à retenir. L’article 30 du CDC vise des marchandises identiques ou similaires exportées « au même moment ou à peu près au même moment » que la marchandise à évaluer.
La CJUE a validé la pratique nationale consistant à retenir les données enregistrées 45 jours avant et 45 jours après le dédouanement en litige (point 71).
Une plage plus large peut être retenue à défaut d’opérations pertinentes dans cette période de 90 jours, à condition que « pendant cette période plus longue, les pratiques commerciales et les conditions de marché qui affectent les prix des marchandises à évaluer soient restées substantiellement les mêmes » (p 72).
Cette décision est importante, face à une tentation croissante de remettre en cause les valeurs transactionnelles, grand acquis de la refonte des règles du GATT en 1979 (« Tokyo Round » / règlement 1224/80), au profit d’un outil statistique qui comporte des « biais » et peut méconnaitre les réalités économiques et commerciales.
Un autre arrêt de la CJUE du 9 juin 2022 (C-599/20) statue sur l’interprétation de l’article 143 des Dispositions d’Application du Code des douanes communautaire qui liste les cas dans lesquels l’acheteur et le vendeur sont réputés être « liés », ce qui permet à la Douane d’écarter la valeur transactionnelle et de rechercher une valeur de substitution.
La CJUE a retenu que cette recherche est dérogatoire au principe de base et que la notion de « lien » doit être appliquée de manière non extensive. Dans l’affaire « au principal », l’acheteur travaillait manifestement dans une grande confiance avec le vendeur de sorte qu’aucune des clauses et garanties habituelles sur les plans contractuels ou financiers n’était appliquée. La Douane de Lituanie y voyait la preuve d’un lien entre des « associés de fait ».
La CJUE n’a pas vu dans les faits une association de droit, qui seule ferait présumer un « lien » au sens de l’article 143. Elle n’a pas non plus décelé un contrôle de fait permettant au vendeur d’exercer un « pouvoir de contrainte ou d’orientation » (point 40). Elle a relevé tout au plus un « lien de confiance étroit » sans conséquence juridique.
La CJUE a répondu à une seconde question, subsidiaire, sur l’application de la méthode de « dernier recours » prévu par l’article 31 du code des douanes communautaire. En effet, les marchandises étaient très hétérogènes et déclarées sous un seul code TARIC. La Douane n’avait pas pu appliquer les règles de l’article 30 précité.
La CJUE a validé le recours à une base de données nationale pour appliquer la valeur des marchandises vendues par le même vendeur relevant du même code TARIC (point 54), bien que les marchandises n’étaient pas « similaires ».
La CJUE a rendu deux décisions en matière de classement tarifaire des marchandises :
Par un arrêt du 7 avril 2022 (C-668/20), la Cour a classé une « oléorésine de vanille » (85 % d’éthanol, 10 % d’eau et 0,5 % de vanilline) sous la position 1302 19 05 de la nomenclature combinée. Ce produit est obtenu en diluant dans l’eau et l’éthanol un produit intermédiaire lui-même extrait de gousses de vanille.
Cette décision a qualifié le produit ainsi classé « d’arôme » au regard des droits d’accise. L’éthanol est exonéré de ces droits « à condition, que cette oléorésine de vanille « constitue un ingrédient qui apporte un goût ou une odeur spécifique à un produit déterminé ».
Par un arrêt du 28 avril 2022 (C-73/21), la CJUE s’est prononcée sur la classement d’éléments pour portes intérieures (chambranles, panneaux seuils, moulures), importés non montés. L’importateur souhaitait classer le tout à la position 4418 comme des articles incomplets ayant déjà les caractéristiques essentielles du produit fini, sur la base de la règle générale d’interprétation du tarif 2 a). La CJUE a considéré que les règles tarifaires permettent de classer chaque partie de ces portes comme un article complet sous cette position 4418.
En revanche, La Cour a subordonné le recours à la règle 2a) à la preuve que les marchandises ont subi des « ouvraisons les rendant exclusivement utilisables en tant que telles et qu’elles présentent ainsi les caractéristiques essentielles des articles finis » (point 40). A défaut, ces articles relèveraient des positions 4411 ou 4412.
Des contrebandiers biélorusses avaient jeté 6000 paquets de cigarettes au-dessus de la frontière entre la Biélorussie et la Lituanie, toutefois leurs complices lituaniens avaient été capturés par la Douane.
Celle-ci avait décidé que l’article 124 § 1 e) du CDU permettait de considérer la dette douanière comme éteinte, dès lors qu’au sens de cette disposition, les marchandises avaient été « saisies et simultanément ou ultérieurement confisquées. »
Par un arrêt du 7 avril 2022 (C-489/20), la CJUE a tranché le point de savoir si cette extinction s’étendait à la TVA à l’importation et aux droits d’accise lituaniens, ce que soutenaient les prévenus lituaniens.
La CJUE a répondu par la négative, en raison de l’autonomie entre le CDU et la directive 2008/118/CE sur les accises, laquelle ne prévoit pas que l’extinction de la dette douanière emporte celle des droits d’accise. Les cigarettes avaient de fait été mises à la consommation dès leur entrée en Lituanie (point 42). La même solution s’est imposée concernant la TVA à l’importation (point 49).
Par un arrêt du 9 juin 2022 (C-55/21), la CJUE a statué sur une question préjudicielle concernant des produits du tabac
Un entrepositaire agréé bulgare sollicitait le remboursement de droits d’accise bulgares sur des tabacs détruits sous surveillance douanière qui avaient fait l’objet d’une mise à la consommation dans un premier temps.
La Douane bulgare refusait le remboursement arguant que la mise à la consommation y faisait obstacle et opposait l’article 11 de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 (régime général d’accise) et l’article 17 de la directive 2011/64/UE du 21 juin 2011 (structure des taux de droits d’accise sur les tabacs manufacturés) transposés en droit bulgare.
La CJUE a jugé qu’« il découle d’une lecture combinée de ces deux dispositions, d’une part, qu’elles prévoient uniquement une faculté en ce qui concerne le remboursement des droits d’accise sur certaines catégories de produits et, d’autre part, qu’elles laissent aux États membres une large marge d’appréciation en ce qui concerne le pouvoir de définir les situations, les conditions et les formalités auxquelles sont subordonnés ces remboursements, y compris dans une situation où les produits, munis de marques fiscales, sont détruits sous surveillance administrative, postérieurement à leur mise à la consommation. » (point 49). La CJUE justifie cette latitude par la lutte contre les risques de fraude.
La CJUE distingue donc entre les cas de pertes et destructions de tabac en régime suspensif chez un entrepositaire agréé (article 7 de la directive de 2008, point 59 de l’arrêt) et des cas de mise à la consommation dans le pays en cause qui sont définitifs, sauf s’il est prouvé que les produits n’ont pas été consommés dans ce pays (point 60).
La Cour a dit pour droit que les articles 11 et 17 des directives précitées « doivent être interprétés en ce sens que ces dispositions n’imposent pas aux États membres de prévoir le remboursement des droits d’accise pour des produits soumis à accise, y compris du tabac manufacturé, détruits sous surveillance douanière, qui ont été déjà mis à la consommation. »
Par un arrêt du 12 mai 2022 (C-714/20), la CJUE a tranché un point sur les conséquences de la « représentation indirecte ». Ce mode de représentation fait que le commissionnaire en douane dédouane en son nom propre et pour le compte de l’importateur. En vertu de l’article 77 du Code des Douanes de l’Union, il est ainsi codébiteur des droits de douane. En droit français, cette responsabilité s’étend à la TVA (article 293 A § 4 du code général des impôts).
Le droit italien n’ayant apparemment pas prévu cette extension de façon formelle, un commissionnaire en douane contestait son obligation à la dette de TVA.
Après avoir rappelé que la TVA à l’importation n’est pas assimilable à un droit à l’importation (points 38-51), la CJUE a examiné l’article 201 de la directive TVA 2006/112/CE du 28 novembre 2006. Elle a constaté que les Etats membres étaient libres de désigner plusieurs codébiteurs et qu’il leur appartenait de faire le nécessaire dans leur droit interne « par des dispositions nationales suffisamment claires et précises, dans le respect du principe de sécurité juridique » (point 62).
La CJUE a dit pour droit que l’article 201 « doit être interprété en ce sens que la responsabilité du représentant en douane indirect au titre du paiement de la TVA à l’importation, solidairement avec celle de l’importateur, ne peut pas être retenue en l’absence de dispositions nationales le désignant ou le reconnaissant, de manière explicite et non équivoque, comme étant redevable de cette taxe ».
Par un arrêt du 28 avril 2022 portant sur trois affaires jointes (C-415/20, C-419/20 et C-427/20), la CJUE a confirmé sa jurisprudence (cf. notre Lettre d’information n° 23 mars-mai 2017) sur le fait qu’en cas de redressement infondé, l’administration doit payer des intérêts. La CJUE a jugé qu’il en va ainsi lorsque des restitutions à l’exportation ont été refusées et qu’une sanction pécuniaire a été infligée (une des trois espèces).
Dans un point de principe (69), la CJUE rappelle que « les principes du droit de l’Union relatifs aux droits des administrés d’obtenir le remboursement des sommes d’argent dont le paiement leur a été imposé par un État membre en violation du droit de l’Union ainsi que le versement d’intérêts sur ces sommes d’argent doivent être interprétés en ce sens qu’ils trouvent de manière générale et sans préjudice des modalités d’exercice de ces droits dans un cas d’espèce donné, à s’appliquer lorsqu’il résulte d’une décision de la Cour ou d’une décision d’une juridiction nationale que le paiement de restitutions à l’exportation, d’une sanction pécuniaire, de droits antidumping ou de droits à l’importation a été, selon le cas, refusé ou imposé par une autorité nationale sur le fondement soit d’une interprétation erronée du droit de l’Union, soit d’une application erronée de ce droit »
Elle a aussi consacré le principe que le point de départ des intérêts est la date à laquelle l’intéressé a été privé de la somme en litige, et non la date de l’introduction d’un recours judiciaire (point 77).
Enfin, il est loisible aux Etats membres de subordonner le remboursement à l’engagement d’un recours « pour autant que cela n’aboutisse pas à rendre excessivement difficile l’exercice des droits que les administrés tirent du droit de l’Union. » (point 84)
Une marque se doit d’être distinctive c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être descriptive ou présenter un caractère essentiellement laudatif et ne doit pas porter atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs.
Par une décision du 3 février 2022, la 5ème chambre de recours de l’EUIPO a partiellement annulé la décision d’un examinateur rejetant une demande de marque internationale « FUCKING AWESOME », pour désigner notamment en classes 9, 18, 25 et 28 des articles de lunetterie, des sacs, des vêtements et des skateboards.
L’examinateur avait rejeté cette demande de marque sur le double fondement de l’absence de caractère distinctif (art. 7 (1) (b) du RMUE) et, dans la mesure où elle comprend le terme « Fucking », de l’atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs (art. 7 (1) (f) du RMUE).
A la suite du recours formé contre ce refus, la chambre des recours a tout d’abord considéré que les termes « FUCKING AWESOME », pris dans leur ensemble, seront compris par le public concerné comme signifiant « très ou extrêmement excellent ou exceptionnel ». A ce titre, elle fait valoir que le terme « AWESOME » sera perçu par une partie significative du public anglophone au sein de l’Union européenne comme désignant quelque chose de très positif, d’exceptionnel et que le terme « FUCKING » est un « intensificateur vulgaire » qui ne fait que renforcer le sens de l’expression « AWESOME ». Ainsi, selon la chambre des recours, le signe a pour fonction unique d’attirer l’attention du consommateur par le message familier fort que les produits sont exceptionnels, incroyables, étonnants et qu’ils répondront aux attentes des consommateurs. Le public pertinent percevra donc ce signe comme un message promotionnel et laudatif et non pas comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.
La chambre des recours conclut que la marque « FUCKING AWESOME » est dépourvue de tout caractère distinctif.
Concernant le second motif de refus, la chambre des recours rappelle que les signes contenant un langage manifestement profane, obscène consistant en des insultes raciales et culturelles manifestement malveillantes n’ont pas leur place dans les registres de marques.
Contrairement à l’examinateur qui avait considéré que le signe litigieux était offensant, la chambre des recours a jugé que l’expression « FUCKING AWESOME » ne s’adressait à aucun groupe ou aucune personne déterminée et ne serait pas perçue comme étant offensante mais simplement comme une promotion « légèrement vulgaire » des produits en question. L’expression « FUCKING AWESOME » serait donc plus élogieuse qu’offensante et pourrait être considérée comme vulgaire mais non contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs au sens de l’article 7.(1) (f) du RMUE.
Cette position semble rejoindre la pratique de l’INPI, en témoigne l’existence de marques contenant le terme « putain », telles que la marque « Putain de Bière Cévenole » n° 4196731 déposée en 2015 ou encore la marque « Putain de start-up » n° 4723497 déposée en janvier 2021. En revanche, une marque « PUTAIN DE GUERRIERES » déposée en 2020 a totalement été rejetée par l’INPI, probablement car elle pouvait être considérée comme insultant les femmes fortes et combatives.