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January – March 2021
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La lettre d’information en bref
- La Cour d’appel de Paris a confirmé une condamnation d’un artiste célèbre pour contrefaçon de droit d’auteur ;
- Nous rendons compte de l’actualité des transferts de compétence entre la Douane et la Direction générale des Finances publiques ;
- Certaines évolutions récentes du droit pénal douanier doivent être signalées ;
- La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision rejetant une demande de remboursement de droits de douane qui se sont avérés dus par suite d’une erreur que l’opérateur économique aurait pu éviter ;
- La CJUE a rendu une décision sur le lieu de la naissance de la dette de TVA à l’importation;
- La Cour de cassation a rendu une décision sur l’application de la procédure contradictoire préalable à la notification des redressements ;
- La Cour de cassation a rendu une décision en matière pénale concernant la portée de la rétroactivité de la loi pénale plus douce en matière douanière ;
- La CJUE a statué sur le classement tarifaire d’un tracteur remorqueur d’avions et d’un insecticide pour chats.
La Direction de la Législation Fiscale (DLF) poursuit ses concertations avec les opérateurs économiques. Certaines tendances commencent à se dessiner, en l’état des informations recueillies, évolutives :
- La déclaration et le paiement de l’ensemble des taxes transférées, actuellement recouvrées par l’administration des douanes, s’effectueraient par voie dématérialisée sur l’application dédiée à la TVA ; une adaptation des formulaires électroniques concernant la TVA est en cours.
- L’autoliquidation de la TVA à l’importation sera obligatoire sur les déclarations fiscales en 2022, et son paiement ne sera plus possible en douane sauf exceptions (par ex. les particuliers non assujettis). La mise en place de l’autoliquidation pose les problèmes de la vérification des données sur la base imposable, ainsi que la circulation des informations, entre les représentants en douane et la Douane au moment du dédouanement puis vers l’administration fiscale.
- Le « niveau déclaratif » fait l’objet de discussion (au niveau de l’entreprise identifiée par son SIREN, ou par établissements SIRET).
- En définitive, la DLF envisage une refonte de la législation sur les impôts sur la consommation ou proches (TVA et taxes sur l’énergie et l’environnement) sous forme d’un « code de la fiscalité indirecte ». Cette recodification, annoncée « à droit constant », serait destinée à simplifier les textes. Ses bases seront posées par une ordonnance dont le projet devrait être soumis au Conseil d’Etat et aux représentants des opérateurs économiques en juin 2021.
- Les informations sont encore très lacunaires concernant les contrôles et procédures de recouvrement ; il serait envisagé que les vérificateurs fiscaux intègrent la fiscalité énergétique dans les points à contrôler lorsqu’ils se déplaceraient dans une entreprise pour diligenter par exemple un contrôle de TVA.
- D’éventuels transferts d’agents des douanes à la Direction générale des finances, pour procéder à ces contrôles, semblent en cours de réflexion.
- Parmi les secteurs concernés, le secteur pétrolier devra être plus particulièrement suivi, en raison notamment de la grande spécificité de son processus déclaratif, qui court par périodes décadaires, et de la complexité des situations (transfert en 2024 à la DGFIP).
Nous poursuivons notre veille attentive de ces questions aux meilleures sources.
- Godin Associés est fréquemment interrogé sur la légalité de projets de campagnes de communication pouvant évoquer des œuvres existantes.S’il n’est pas inhabituel que des artistes plus ou moins connus ou leurs ayant-droits se prévalent d’une contrefaçon de leurs œuvres par des publicitaires et annonceurs, l’inverse est plus rare.Toutefois, c’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Paris (Pôle 5, Chambre 1, 23 février 2021, RG 19/09059) a confirmé la condamnation de l’artiste Jeff Koons et du Centre Pompidou pour contrefaçon de droits d’auteur.
- Le publicitaire Franck Davidovici est l’auteur d’une photographie dénommée «Fait d’hiver», réalisée en 1985 pour la société de prêt-à-porter Naf-Naf, et publiée pendant plusieurs mois dans différents magazines de presse féminine.Elle mettait en scène une femme allongée dans la neige, accompagnée d’un cochon penché au-dessus d’elle avec un tonnelet de chien « Saint-Bernard » autour du cou :En 1988, Jeff Koons a créé la sculpture suivante, également intitulée « Fait d’hiver » :
En 2014, la sculpture a été exposée lors d’une rétrospective sur Jeff Koons organisée par le Centre Pompidou, à Paris, et reproduite dans des ouvrages relatifs à la rétrospective. L’autorisation de M. Davidovici n’a pas été recherchée. Son nom et son œuvre sont demeurées dans l’ombre.M. Davidovici a donc poursuivi M. Koons et sa société, Jeff Koons LLC, en contrefaçon de droit d’auteur. Naf-Naf n’est pas partie dans cette affaire, n’étant pas titulaire des droits d’auteur. - Sur le fond, le droit d’auteur ne protège pas des idées ou des concepts. C’est leur expression sous une forme d’œuvre qui est protégée, à la condition que cette œuvre soit « originale ».La photographie de M. Davidovici a été jugée originale. De fait, la représentation dans les deux œuvres d’un cochon portant un tonnelet de Saint-Bernard, le groin orienté vers la chevelure d’une jeune femme allongée dans la neige, n’est pas courante. L’ajout de deux pingouins, figurants, dans la sculpture n’a pas été jugé suffisant pour gommer ces ressemblances.L’originalité et la ressemblance étant manifestes, il a fallu à l’artiste déployer d’autres arguments.
- La Cour a tout d’abord considéré que l’action menée par M. Davidovici n’était pas prescrite.Le délai de prescription était de cinq ans à compter du jour où M. Davidovici a connu ou aurait dû connaître les faits.La sculpture « Fait d’hiver » avait été exposée brièvement en France en 1995, et apparaissait sur le site Internet de Jeff Koons (accessible au public français). La Cour estime cependant qu’« il ne peut être exigé de M. Davidovici une veille de la diffusion des œuvres de Jeff Koons, y compris sur son site Internet ». Il avait donc pu ignorer l’existence de la sculpture litigieuse avant 2014.
- Jeff Koons a tenté d’écarter la qualification de contrefaçon en expliquant que sa sculpture était une « parodie » laquelle constitue une exception au droit d’auteur. Un auteur ne peut en effet interdire une œuvre parodique, c’est-à-dire qui évoque sans confusion une œuvre existante, et qui constitue une manifestation d’humour ou une raillerie.Toutefois, M. Koons n’avait jamais fait part d’une telle intention parodique, et la photographie réalisée en 1985 était « incontestablement oubliée ou inconnue du public »lors de la rétrospective Jeff Koons de 2014, de sorte que le public n’a pu percevoir une dimension parodique.
- Jeff Koons a également souligné qu’il bénéficiait d’une liberté d’expression artistique, véhiculant selon lui un message différent de celui d’un photographe publicitaire qui ne pourrait se prévaloir que d’intérêts financiers.Cette liberté d’expression est néanmoins limitée par la loi, dès lors que l’œuvre en cause adapte ou transforme une œuvre préexistante sans le consentement de son auteur. Pour la Cour, aucune circonstance ne justifiait que M. Koons, qui occupe « une toute première place sur le marché de l’art », se soit abstenu d’obtenir le consentement de M. Davidovici.
Incidemment, la Cour a relevé que Jeff Koons est un « commercial hors pair », dont une œuvre a notamment été vendue à un prix record de 91,1 millions de dollars, et que sa démarche artistique « n’é[tait]pas dénuée de caractère commercial ».
- Jeff Koons, sa société ainsi que le Centre Pompidou, sont condamnés ensemble à 380 000 euros de dommages et intérêts. La condamnation du Centre est limitée à 20% des sommes allouées.Cette condamnation, qui n’est pas la première pour Jeff Koons, montre les limites de l’« art de l’appropriation » dont se prévaut cet artiste.
La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a eu des incidences en matière douanière (en vigueur depuis le 1er janvier 2021).
La mise en œuvre du règlement n° 2017/1939 du 12 octobre 2017 créant le Parquet européen, prévoit des « signalements » par la Douane au Procureur français qui en avise le Parquet européen. Si les faits entrent bien dans le champ des compétences du Parquet européen, à savoir la protection des intérêts financiers de l’UE, et s’il décide de se saisir de l’enquête, la Douane perd son pouvoir d’initiative. Elle doit suivre les instructions du Parquet européen qui conduit les investigations (nouvel art. 344-21 du Code des douanes). Dans ce cas, l’action fiscale (pour obtenir du juge pénal des amendes douanières) est exercée par le Parquet européen.
La Douane perd son pouvoir de transaction, sauf si le Parquet admet « le principe d’une transaction » (nouvel art. 344-3). La Douane exerce seulement « l’action en recouvrement » de la dette douanière, sur la base des éléments communiqués par le Parquet européen via son délégué national.
La loi ratifie l’ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne au moyen du droit pénal.
Son article 3 crée un nouvel article 414-2 du Code des douanes qui est donc désormais applicable.
Ce texte est important car il introduit pour la première fois l’élément intentionnel en droit pénal douanier.
Une des particularités du droit douanier est que l’intention coupable est présumée en cas de commission de contraventions ou de délits douaniers. Cependant, le prévenu peut rapporter la preuve de sa « bonne foi », alors qu’en matière pénale « de droit commun », la preuve de l’intention, à l’instar de l’élément matériel de l’infraction, incombe à la partie poursuivante.
Ce délit se rapporte « à des marchandises qui ne sont pas mentionnées à l’article 414 » et s’applique essentiellement aux infractions qui ont causé un préjudice financier à l’UE. D’autres infractions comme les transferts de déchets transfrontaliers restent prévues par l’article 414 (initial) et relèvent encore des principes traditionnels du droit douanier.
Ce nouvel article vise la « contrebande ainsi que tout fait d’importation ou d’exportation sans déclaration » et « tout fait intentionnel de fausse déclaration, d’utilisation d’un document faux, inexact ou incomplet ou de non-communication d’un document, ayant pour but ou pour résultat, en tout ou partie, d’obtenir un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage financier attachés à l’importation ou à l’exportation ». Le texte ne répute plus la marchandise de « prohibée » selon les éléments de qualification parfois complexes. L’article 414 originel sanctionne les infractions sur les « marchandises prohibées » au sens commun de ce terme (par ex. les contrefaçons).
La clé de l’application de ce texte est donc l’intentionnalité. En cas d’absence d’intention l’article 412 du Code des douanes s’applique (contravention de troisième classe).
Lors de l’examen de la loi de 2020, la rapporteure du projet a proposé par amendement, qui a été accepté puis validé, de tirer toutes les conséquences de l’article 414-2. La loi du 24 décembre 2020 est donc allée au-delà d’une simple ratification de l’ordonnance.
D’une part, il a été décidé de supprimer les § 3°, 4° et 6° de l’article 426 du Code des douanes qui s’appliquaient surtout aux dossiers d’« origine préférentielle » (la qualification de marchandise prohibée renvoyant antérieurement à l’article 414 en raison de la présence de faux certificats d’origine).
D’autre part, le législateur a modifié la contravention douanière de seconde classe prévue à l’article 411 du Code des douanes.
Cette modification a conduit à modifier le § 1 et supprimer les incriminations spécifiques en matière de fiscalité énergétique nationale et des octrois de mer (article 411 § 2 g) et h).
L’article 414-2 est sanctionné par « cinq ans d’emprisonnement et […] une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet de fraude ». S’y ajoute « la confiscation de l’objet de fraude, […] la confiscation des moyens de transport, […] la confiscation des objets servant à masquer la fraude, de la confiscation des biens ayants servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, […] la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction. »
Les peines sont portées à « dix ans d’emprisonnement et [à] une amende pouvant aller jusqu’à dix fois la valeur de l’objet de la fraude lorsqu’ils [les délits] sont commis en bande organisée. »
Diverses dispositions de coordination sont introduites également dans le Code des douanes pour que les pouvoirs des enquêteurs douaniers puissent s’appliquer à la recherche des infractions couvertes par l’article 414-2.
Signalons également que les articles 415 et 415-1 du Code des douanes concernant le « blanchiment douanier » sont étendus au blanchiment du produit des « délits d’origine » « portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE ».
Il n’en reste pas moins que l’article 410 s’applique en toute circonstance à titre résiduel (contravention de 1ère classe), ce qui fait que la caractéristique du droit douanier que toute irrégularité est une infraction pénale demeure, avec des conséquences contestables sur la prescription.
Par un arrêt du 3 février 2021 (aff. C-92/20) la CJUE s’est prononcée sur une demande de remboursement fondée sur l’article 239 du code des douanes communautaire. Ce texte dit « clause d’équité » permet le remboursement ou la remise des droits de douane en présence d’une « situation particulière » et en l’absence de « manœuvre ou négligence manifeste » du demandeur.
Il s’agissait d’une importation d’un produit pour fabriquer un médicament qui avait d’abord fait l’objet d’une déclaration de mise en libre pratique avec paiement des droits.
Le bureau de douane avait accordé un régime d’autorisation de perfectionnement actif avec rétroactivité et accordé le remboursement des droits de douane initialement perçus.
Toutefois par suite d’une erreur, l’opérateur économique fabriquant le médicament avait oublié de noter dans son informatique que la marchandise était sous le régime du perfectionnement actif et, partant, devait être présentée en douane au moment de l’apurement dudit régime.
La société avait donc régularisé une exportation normale de ses produits considérés comme « communautaires ». Invoquant une « soustraction à la surveillance douanière » la douane avait obtenu le paiement des droits de douane correspondants.
La société a sollicité le remboursement dans le cadre de l’article 239 du code de douanes en soulignant qu’elle était en présence d’une situation particulière. Appliquant sa jurisprudence traditionnelle, la CJUE a écarté cette argumentation.
Une situation particulière impose en effet que l’opérateur se trouve dans une « situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité ». Tel n’était pas le cas puisqu’il s’agissait simplement d’une erreur d’informatique que l’opérateur aurait pu éviter s’il avait intégré dans son ordinateur l’autorisation de perfectionnement actif rétroactive qu’il avait pourtant obtenue.
Un arrêt du 3 mars 2021 (C-7/20) de la CJUE constitue une décision intéressante sur le lieu de naissance de la TVA.
Il s’agissait d’un véhicule qu’un résident en Allemagne avait acheté en Turquie et introduit dans l’Union européenne par la Bulgarie où il l’avait conduit jusqu’en Allemagne. Le véhicule avait été utilisé par son propriétaire dans cet Etat membre.
L’administration allemande s’est aperçue de cette situation et avait refusé de régulariser une admission temporaire du véhicule, le propriétaire étant un résident communautaire.
L’administration considérait que les droits de douane et la TVA allemande étaient dus.
Dès lors que le véhicule n’avait pas été déclaré en douane en Bulgarie lors de sa première entrée dans l’Union européenne, on aurait pu en déduire que la TVA bulgare était applicable, la dette douanière ayant pris naissance dans ce pays.
Toutefois, la Cour de justice n’a pas retenu cette solution.
Elle a en effet considéré que le véhicule est « entré dans le circuit économique de l’Union en Allemagne ».
Dans le cadre de la jurisprudence désormais bien établie dans laquelle la CJUE examine le lieu dans lequel le produit est entré dans le « circuit économique », elle a donc jugé que l’Allemagne était bien en droit de réclamer la TVA (voir nos Lettres d’information n° 24 et 30 commentant les décisions précédentes).
Par un arrêt du 10 février 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation (pourvoi n° 18-24.433) a rendu un arrêt dans un dossier suivi au cabinet sur la procédure contradictoire.
Dans cette affaire, un commissionnaire en douane avait placé un moteur d’hélicoptère sous perfectionnement actif pour le compte de son client. Le moteur n’avait pas été réexporté dans le délai prescrit. L’administration avait donc constaté le non-respect des règles du perfectionnement actif. Le commissionnaire avait fourni une garantie partielle pour l’opération (5% des droits de douane). Toutefois, l’administration lui demandait l’intégralité du montant des droits et taxes en jeu.
Or, l’administration n’avait communiqué que pendant la procédure judiciaire, et non lors de la phase contradictoire, la véritable base juridique sur laquelle elle fondait sa demande, à savoir l’annexe II § 2 de l’arrêté du 12 avril 2013 portant « règlement du cautionnement » des droits et taxes.
Au visa du principe du respect du droit de la défense, la Cour rappelle sa jurisprudence : « Les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts peuvent être mis en mesure de faire connaitre utilement leur point de vue quant aux éléments de droit et de fait sur lesquels l’administration entend fonder sa décision ».
La Cour de cassation a constaté que l’administration « n’avait pas communiqué au moment de la phase contradictoire de la procédure l’intégralité des fondements légaux du redressement … », dès lors qu’il résultait du procès-verbal que pour l’administration, la société ayant cautionné 5 % des droits et sollicité l’imputation de son crédit d’opérations diverses à hauteur de ce montant « …était devenue le principal obligé dans le cadre de l’opération de classement en perfectionnement actif en application de l’annexe 2 § 2 de l’arrêté du 12 avril 2013 » pour toute la dette de droits et TVA.
L’arrêt de la Cour d’appel, qui avait validé le redressement, a été cassé et l’affaire renvoyée.
Par un arrêt du 17 février 2021 (pourvoi n° 19-86.479), la chambre criminelle de la Cour de cassation a fait une application pour le moins minimaliste, mais pas inhabituelle, du principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce.
Il s’agissait d’importations de chaussures dans le cadre du « régime 42 », à savoir une importation en Belgique suivie d’une livraison immédiate en France. Cependant, la TVA n’avait pas été régularisée à l’arrivée en France.
L’administration avait poursuivi divers intervenants à titre d’« intéressés à la fraude » pour obtenir le paiement solidaire d’une amende douanière et la confiscation de la marchandise.
L’administration avait fait citer ces personnes du chef du délit de contrebande se rapportant à des marchandises fortement taxées, ce avant l’abrogation de cette qualification par la loi 2016-1918 du 29 décembre 2016.
Une première cassation s’en était suivie, notamment du chef de la non-application de la règle de « rétroactivité de la loi pénale plus douce ».
La Cour d’appel de renvoi avait fait complètement bénéficier les personnes poursuivies de ce principe de la procédure pénale et relaxé les prévenus. L’administration, ayant fait un pourvoi, a obtenu satisfaction par l’arrêt du 17 février 2021.
Au visa notamment de l’article 388 du code de procédure pénale, la Cour de cassation rappelle d’abord que « le juge correctionnel, qui n’est pas lié par la qualification donnée à la prévention, ne peut prononcer une décision de relaxe qu’autant qu’il a vérifié que les faits dont il est saisi ne sont consécutifs d’aucune infraction » (point 16).
La Cour en déduit que « si l’abrogation d’une loi pénale entraine l’extinction de l’action publique fondée sur l’infraction incriminée par cette loi, il n’existe pas d’obstacle qui interdise de rechercher si d’autres infractions pénales ne subsistent pas qui soient susceptibles de poursuites » (point 17).
Ayant constaté que la contrebande de marchandises non prohibées demeurait punie par l’article 412 du code des douanes (contravention douanière de troisième classe), la Cour de cassation a considéré qu’une condamnation aurait dû être prononcée.
La Cour d’appel avait motivé sa décision de relaxe par le fait que les prévenus étaient poursuivis comme « intéressés à la fraude » dans le cadre de l’article 399 du code des douanes, qui ne s’applique qu’aux délits douaniers et non aux contraventions.
La Cour de cassation a écarté cette motivation en jugeant, d’une part, que le détenteur des marchandises de fraude est réputé responsable de la fraude (article 392 du code des douanes) et, d’autre part, que les commissionnaires agréés sont également pénalement responsables des opérations en douane effectuées par leurs soins dans le cadre de l’article 396 (point 25).
Par conséquent, l’arrêt a été cassé.
Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 février 2021 (20-81.282, publié au Bulletin), renforce la sévérité de la jurisprudence concernant la bonne foi du « détenteur ». Aux termes de l’article 392 du Code des douanes, le « détenteur de marchandise de fraude est réputé responsable de la fraude ». La Cour en déduit depuis longtemps que le détenteur « ne peut combattre cette présomption qu’en rapportant la preuve des diligences effectuées pour s’assurer de la nature de la marchandise transportée afin d’établir sa bonne foi. »
Le « standard de jurisprudence » n’est pas nouveau, mais son application à l’espèce est maximaliste.
En effet, il s’agissait non pas d’un conducteur de camion, comme dans d’autres précédents, mais du passager qui ignorait la présence de résine de cannabis dans des caisses en bois placées dans la remorque du camion. Il était établi que le passager n’avait eu aucun contact avec le chef de la bande incriminée.
Il était précisé que « les caisses en bois dissimulant la résine de cannabis [avaient] été chargées dans la remorque avant la date à laquelle il avait participé au reste du chargement. »
La Cour d’appel avait jugé qu’il ne pouvait être « fait grief au prévenu, non initié au trafic de stupéfiants, d’avoir manqué de lucidité sur les comportements suspects du conducteur et de son chef, s’agissant de son unique voyage. »
La Cour de cassation a été inflexible et a cassé la décision, dès lors que le passager, jugé comme « détenteur » de la marchandise, était tenu d’établir « …sa bonne foi en rapportant la preuve des diligences effectuées pour s’assurer de la nature des marchandises transportées ».
- Par un arrêt du 25 février 2021 (C-772/19), la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur le classement tarifaire de remorqueur d’avions.Une société autrichienne avait demandé un Renseignement Tarifaire Contraignant pour le classement d’un puissant tracteur servant comme remorqueur d’avions sur un aéroport, permettant de remorquer des aéronefs pesant jusqu’à 54,432 kg avec des treuils et divers dispositifs de traction et/ou de levage.Selon le demandeur, la position 8705 90 80 de la Nomenclature Combinée douanière devait être appliquée, s’agissant d’un véhicule automobile à usage spécial, autres que ceux conçus pour le transport des personnes ou des marchandises.L’administration autrichienne avait considéré pour sa part que ce produit relevait de la position 8701 92 90 en tant que tracteurs « autres » que ceux agricoles ou forestiers.Il s’est avéré dans le cadre des débats devant la Cour de justice qu’il s’agissait essentiellement d’un problème linguistique concernant la rédaction de la position 8705 du tarif douanier en langue allemande.En effet, il ressortait des autres versions linguistiques que la position 8705 ne portait que sur des dépanneuses, notamment en cas de pannes de véhicules, ce qui n’était pas le cas des avions concernés (points 24-26).
La Cour de justice a donc appliqué la position 8701 considérant qu’elle était la plus spécifique puisqu’elle visait nommément les « tracteurs », tandis que la position 8705 serait plus générale, dès lors que « elle renvoie, plus largement, aux véhicules à usages spéciaux autres que ceux spécialement conçus pour le transport de personnes ou de marchandises » (point 31).
Le recours à la position 8701 a donc été validé par la CJUE.
- Par un arrêt du 10 mars 2021 (C-941/19), la CJUE s’est prononcée sur le classement tarifaire d’un médicament à usage vétérinaire pour traiter les chats contre les infestations par les puces et les tiques. Ce produit est appliqué par voie cutanée locale avec des pipettes.Selon l’importateur, qui avait vainement demandé un renseignement tarifaire contraignant sous la position 3004 de la nomenclature, il s’agissait bien d’un médicament. Aux yeux de l’administration, c’était un produit chimique relevant du chapitre 38.La CJUE a jugé que ce produit n’a que des effets externes sur le chat, en tuant des parasites. Il ne présente pas un « profil prophylactique ou thérapeutique nettement défini, dont l’effet se concentre sur des fonctions précises de l’organisme de l’animal », ce qui conditionne le classement dans le chapitre 30 (point 31).De plus, une note explicative du système harmonisé (applicable au niveau mondial) classe les insecticides à la position 3808.La CJUE a également validé une application par analogie d’un règlement n° 455/2007 du 25 avril 2007 classant un produit comportant la même molécule (le fipronil) sous la position 3808 (points 39 à 44).En définitive, l’effet « secondaire » de prévention de diverses maladies apporté par l’application externe du produit a été jugé sans incidence sur le classement (point 35). Il en a été de même de la qualification de ce produit comme étant un « médicament » dans la nomenclature pharmaceutique (point 38). Le classement sous la position 3808 a donc été retenu.