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n° 42 – janvier-avril 2022
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- La Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions pour évaluer des droits de douane et de la TVA dus à la suite d’importations, à partir de moyennes statistiques de valeurs en douane déclarées pour d’autres importations de produits similaires.
- La Cour de cassation se prononce sur le classement tarifaire de chaussures de cyclisme.
- La CJUE statue sur la responsabilité fiscale d’un entrepositaire agréé polonais par rapport aux autorités fiscales tchèques concernant la fiscalité de l’énergie.
- La Cour de cassation valide une demande d’indemnisation à la suite d’une faute de l’administration des douanes.
- La Cour de cassation poursuit sa jurisprudence tendant à encadrer les pouvoirs que les agents des douanes tirent de l’article 60 du code des douanes (visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes).
- La Cour de cassation rend une décision de principe sur l’application de l’article 66 du code des douanes concernant l’accès par les agents des douanes aux locaux des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express.
Dans un arrêt retentissant rendu le 8 mars 2022 en « grande chambre » (avec tous les magistrats de la Cour), la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur un « recours en manquement » dirigé par la Commission européenne contre le Royaume-Uni concernant des importations antérieures au Brexit.
Il était en effet apparu que le Royaume-Uni avait été la porte d’entrée de très nombreuses importations faites avec des valeurs extrêmement sous-évaluées à destination d’importateurs qui étaient des coquilles vides.
A la suite d’une vaste enquête assortie d’une importante compilation des valeurs déclarées, l’Office de lutte antifraudes (OLAF), avait mis en place une méthode statistique dite « OLAF-JRC » permettant de détecter les importations ayant une valeur manifestement sous-évaluée, pouvant laisser présumer une fraude.
Toutefois, le Royaume-Uni n’avait pas diligenté les contrôles qui lui incombaient et avait entrepris tardivement de commencer à recouvrer des droits de douane ainsi que la TVA.
Il s’agissait d’importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine qui avaient fait l’objet de fraudes à grande échelle.
Dans cet arrêt de 85 pages, la CJUE a admis des valeurs pour chiffrer les droits dus à l’importation qui étaient donc dépourvues de tout lien avec les transactions.
La méthode « OLAF–JRC » a été jugée acceptable dès lors que « si la méthode OLAF-JRC est une méthode d’estimation des montants d’Etats de ressources propres [du budget de l’UE] essentiellement statistique qui ne vise pas à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées, conformément aux articles 70 et 74 du code des douanes de l’Union, eu égard à chaque déclaration en douane concernée, la Commission ne saurait être critiquée pour avoir utilisé une telle méthode statistique en vue de calculer les montants des pertes de ressources propres dans les circonstances de l’espèce » (point 442).
La CJUE a retenu le fait que les importations avaient eu lieu à très grande échelle et que le Royaume-Uni n’avait pas diligenté les contrôles qui lui incombaient. Toute vérification était impossible avec les méthodes secondaires prévues à l’article 74 du code des douanes de l’Union, « de telle sorte que seule une méthode statistique peut être utilisée pour estimer la valeur desdites marchandises » (point 443).
La CJUE a ainsi considéré que quand bien même cette méthode « OLAF-JRC » avait été initialement conçue comme un outil d’analyse, elle permettait le calcul des sommes dues par le Royaume-Uni à l’UE « (…) dès lors que ladite méthode comporte un prix seuil, à savoir le PMA permettant de déterminer les volumes des importations sous-évaluées, et un prix de référence, à savoir le PMC, permettant d’attribuer une valeur de remplacement à ces importations aux fins du calcul des droits de douane restant dus » (point 444)
La CJUE considère que l’Etat membre fautif ne peut pas reprocher à la Commission d’avoir utilisé des valeurs statistiques pour déterminer le montant de ressources propres pour l’Union.
Ainsi, la CJUE a entendu appliquer la méthode OLAF-JRC en vérifiant : « (…) que cette méthode se justifiait eu égard aux particularités des circonstances de l’espèce et qu’elle était suffisamment précise et fiable dès lors, notamment, qu’elle était fondée sur des critères qui ne sont ni arbitraires ni biaisés et qu’elle reposait sur une analyse objective et cohérente de l’ensemble des données pertinentes disponibles, de sorte à ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant de ces pertes ». (point 452)
La CJUE a simplement écarté des achats par de grandes enseignes commerciales effectués à des prix très bas qui correspondaient à des valeurs transactionnelles non frauduleuses.
La CJUE a validé le recours de la Commission, d’un enjeu de 2,5 milliards d’euros. Rendue dans le cadre des relations Commission / Etats membres, cette décision s’avère intéressante pour l’évaluation en douane.
Elle illustre en effet la complexité extrême de la reconstitution de valeurs à partir d’éléments statistiques et les biais et contestations qui peuvent en résulter.
Par deux arrêts du 9 février 2022 (pourvoi 20-14.796 et 20-14.228), la chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé deux décisions de la Cour d’appel de Paris qui avait suivi l’importateur.
La société avait classé des chaussures de cyclisme dont la semelle contenait plus de 60 % de carbone. Elle retenait la position 6405 de la Nomenclature, tandis que la douane invoquait une position 6404 plus taxée.
La Cour a validé le raisonnement suivi par la Cour d’appel qui avait considéré que ces chaussures de cyclisme (non faites pour la marche), caractérisaient un article composite et « qu’il est nécessaire, pour procéder au classement tarifaire d’un produit d’établir quelle est, parmi les matières qui le composent, celle qui lui donne son caractère essentiel, celui-ci pouvant ressortir de la nature de la matière constitutive ou des articles qui le composent, de leur volume, de leur quantité et de leur poids, de leur valeur ou de l’importance d’une des matières constitutives en vue de l’utilisation de ces produits » (point 7, citant un arrêt de la CJUE du 3 juin 2021 C-76/20 cf. Lettre d’information n° 39 – avril-juin 2021).
La Cour d’appel avait donc pu retenir « que le carbone confère à la chaussure sa caractéristique essentielle du fait de sa performance, de sa présence majoritaire dans sa composition et de sa valeur mais aussi du fait qu’il lui apporte une technologie avancée » (point 8).
Ces décisions sont bienvenues, dès lors que le classement des chaussures est toujours extrêmement complexe dans la mécanique tarifaire.
Par un arrêt du 24 mars 2022 (C-711/20) la CJUE a répondu à une question préjudicielle de la Cour administrative suprême tchèque dans le cadre d’un litige opposant l’administration tchèque à un entrepositaire agréé polonais.
Celui-ci avait expédié des produits pétroliers en suspension des droits d’accise polonais, à destination d’une société tchèque qui n’était pas entrepositaire agréé mais un « opérateur enregistré » pour détenir des produits soumis à accises.
Ces transports s’étaient déroulés sous l’empire de la directive 92/12/CE du 25 février 2012 désormais remplacée par la directive 2008/118/CE du 116 décembre 2008. A l’époque, les documents administratif d’accompagnement (DAA) étaient sur format papier, ce qui favorisait les fraudes.
Les principes n’ayant pas changé, l’arrêt présente un certain intérêt.
L’entrepositaire agréé expéditeur avait été abusé par ses donneurs d’ordre.
En effet, le destinataire prévu, qui figurait sur les DAA sur papier (établis par la société polonaise), n’était tout simplement pas informé qu’il devait recevoir ces marchandises.
Les DAA comportaient des faux cachets d’arrivée prétendument apposés par les autorités tchèques.
Ces autorités s’étaient donc adressées à l’expéditeur polonais pour lui demander de payer les droits d’accise au taux tchèque.
La juridiction suprême administrative tchèque avait interrogé la Cour de justice pour savoir si l’on était en présence d’une circulation de produits en suspension de droits d’accise relevant de la responsabilité fiscale de l’entrepositaire agréé expéditeur « dans une situation où, en raison d’un comportement frauduleux de tiers, le destinataire indiqué dans ce document d’accompagnement et dans cette garantie n’a pas connaissance que ces produits lui sont expédiés » (point 37).
La Cour de justice a rappelé « le rôle central » qui est conféré à l’entrepositaire agréé expéditeur.
Comme l’a déjà jugé la CJUE, l’entrepositaire encourt une responsabilité objective qui ne repose pas sur une faute prouvée ou présumée de l’entrepositaire mais, comme le rappelle la CJUE, « sur sa participation à une activité économique ». Il est ainsi « responsable pour l’ensemble des risques inhérents à ce régime notamment lorsqu’une irrégularité ou une infraction entrainant l’exigibilité des droits d’accises a été commise au cours de la circulation de ces produits » (point 43).
La Cour confirme que l’entrepositaire agréé expéditeur reste redevable du paiement des droits d’accise en toute circonstance, donc en l’occurrence.
La question se posait plutôt de savoir quelle autorité fiscale pouvait réclamer les droits à la société polonaise (l’autorité tchèque car elle avait constaté les faits dans son pays, ou l’autorité polonaise puisque l’entrepositaire relevait de sa juridiction).
La Cour de justice rappelle les règles de répartition des compétences territoriales entre Etats membres pour le recouvrement des droits d’accises.
La CJUE retient d’abord que lorsque « une faute commise par des tiers est la cause principale de l’expédition de produits soumis à accise par l’entrepositaire agréé, le moment du commencement de la circulation en régime suspensif peut coïncider avec la commission d’une irrégularité ou d’une infraction entrainant la mise à la consommation de ces produits et l’exigibilité de l’accise » (point 50).
La CJUE rappelle le principe que l’Etat dans lequel l’infraction a été commise doit être réputé compétent.
Toutefois « L’Etat membre où cette infraction ou cette irrégularité est constatée peut devenir compétent (…) pour recouvrer l’accise même si ladite infraction ou ladite irrégularité n’a pas été commise dans cet Etat membre, s’il n’est pas possible d’établir le lieu où elle a été commise » (point 52).
La Cour conclut que la présomption qu’un produit placé sous un régime suspensif d’accise circule sous ce régime – quand bien même l’opération serait d’emblée frauduleuse – persiste « aussi longtemps que ce fait ou qu’une autre irrégularité ou infraction n’a pas été constatée par les autorités compétentes d’un Etat membre concerné ».
En l’occurrence, la République tchèque, ayant constaté une infraction, serait donc compétente.
Le problème suivant se posait de l’impact d’une irrégularité dans la garantie. En l’occurrence, celle-ci avait été souscrite pour ce transport. Le nom du destinataire supposé y figurait mais non sa qualité.
Or, la garantie était censée couvrir une circulation entre deux entrepôts fiscaux. La juridiction tchèque s’interrogeait donc sur le point de savoir si cette garantie était valable.
La Cour de justice a répondu par l’affirmative en considérant que les autorités de départ n’étaient pas tenues de vérifier les termes de la garantie mais seulement son existence.
Cette garantie, étant valable, conforte le fait que les produits circulaient bien sous un régime suspensif d’accise (point 62), à la charge de l’entrepositaire agréé expéditeur.
Enfin, se posait la question de la régularité du document administratif d’accompagnement et notamment de son visa préalable par les autorités de départ avant l’expédition.
La Cour de justice a confirmé que la directive ne prévoyait pas, à l’époque, le visa de ce document au départ. La procédure du « document administratif électronique » (DAE) a été mise en place en 2008, dès lors que le système de 1992 encourageait les fraudes.
La Cour de justice a considéré qu’elle ne pouvait pas exiger un contrôle plus important par l’administration.
Toutefois la Cour de justice consacre le principe, qui est strict pour les entreprises expéditrices, à savoir « qu’il suffit en principe que l’entrepositaire agréé expéditeur ait effectué les formalités nécessaires relatives à l’établissement d’un document d’accompagnement et procédé à la constitution de la garantie obligatoire et que les produits soumis à accises aient quitté l’entrepôt fiscal, ne fut-ce que formellement, à destination d’une personne autorisée au sens des articles 15 et 16 » de la directive 92/12/CE.
Ainsi, la Cour de justice a dit pour droit que la directive de 1992 « doit être interprétée en ce sens qu’une expédition, par un entrepositaire agréé, de produits soumis à accise, sous couvert d’un document d’accompagnement et d’une garantie obligatoire, constitue une circulation des produits en suspension de droits d’accises, au sens de l’article 4, sous c), de celle-ci, nonobstant le fait que, en raison d’un comportement frauduleux de tiers, le destinataire indiqué dans ce document d’accompagnement et dans cette garantie n’a pas connaissance que ces produits lui sont expédiés, aussi longtemps que ce fait ou une autre irrégularité ou infraction n’a pas été constaté par les autorités compétentes de l’État membre concerné ».
Cette décision permet à l’administration tchèque de réclamer les droits d’accise (fiscalité pétrolière) à la société polonaise.
Par un arrêt du 19 janvier 2022 (pourvoi n° 19-17.189) la chambre commerciale de la Cour de cassation a renforcé la jurisprudence sur la responsabilité de l’administration des douanes.
Cette jurisprudence est rare, pourtant, il est possible d’engager la responsabilité de l’administration en cas de faute.
Depuis un arrêt KRUPA du Conseil d’Etat du 25 mars 2011, il n’est plus exigé qu’une faute lourde des services fiscaux ou douaniers soit retenue. Une faute simple suffit.
Le débat se situe le plus souvent sur le terrain du lien direct de causalité qui doit exister entre la faute et le préjudice.
Tel était le cas dans une affaire opposant une société qui vendait des armes qu’elle importait. L’administration des douanes avait considéré que deux modèles n’étaient pas conformes aux normes.
Elle les avait donc saisis pendant deux ans, puis il s’était avéré que sa position était erronée.
La société avait tenté de concevoir et vendre un modèle de substitution qui n’avait pas remporté le succès escompté.
Pendant ce temps, les parts de ce marché en pleine expansion avaient été prises par des concurrents impliquant d’importantes et durables pertes de chiffres d’affaires pour la société plaignante.
La Cour valide la position de la Cour d’appel pour avoir retenu que « les saisies litigieuses ont directement et immédiatement empêché la vente en France des produits commercialisés par la société et qu’elles ont eu une incidence directe sur le développement de ses parts de marché, l’obligeant à mettre en œuvre une stratégie pour compenser ses pertes, en attendant la levée du risque de saisie résultant de la position erronée des douanes quant à la conformité du modèle. Il retient encore que les pertes en cause sont attestées par les bilans produits pour le marché français sur la période considérée et des attestations de deux distributeurs de la société » (point 6).
La Cour de cassation a jugé que « La Cour d’appel, qui a caractérisé la réalité du préjudice invoqué par la société et le lien de causalité entre ce préjudice et la faute, non contestée de l’administration des douanes, a pu retenir, sans méconnaitre l’objet du litige que celle-ci était responsable du préjudice subi en raison de la saisie chez ses distributeurs des exemplaires des modèles arme à blanc de la société, ce préjudice pouvant résulter des actions entreprises par cette dernière pour limiter ses pertes ».
Deux décisions récentes illustrent le développement de la jurisprudence sur l’article 60 du Code des douanes (droit de visite des marchandises, moyens de transport et des personnes) que nous avons déjà commenté dans nos Lettres d’information (cf. les n° 17 – novembre -décembre 2015, n°30 – janvier-aout 2019 et n° 36 -septembre-décembre 2020).
- Dans un arrêt du 26 janvier 2022 publié au Bulletin (pourvoi n° 21-84.228), la chambre criminelle de la Cour de cassation a invalidé des poursuites en matière de « blanchiment douanier ».
Une personne avait été trouvée porteuse d’une somme de 100 000 € en billets de 500 € cachés …dans son entrejambe, après une « fouille à corps ».
La chambre de l’instruction avait considéré qu’il y avait une présomption de délit douanier de blanchiment, qu’elle imputait à la personne contrôlée, laquelle avait pu de ce chef être placée en retenue douanière, et, partant, faire l’objet des mesures coercitives alors applicables.
Cependant la Cour de cassation a rappelé que « L’article 415-1 du code des douanes n’ayant pas institué une présomption de constitution du délit douanier de blanchiment, mais uniquement un renversement partiel de la charge de la preuve de l’infraction concernant l’origine des fonds, les juges ne pouvaient déduire l’existence d’un flagrant délit de blanchiment douanier des seules conditions de transport des sommes d’argent découvertes en possession de la personne contrôlées, sans relever au préalable la présence d’indices permettant de présumer la réalisation d’une opération financière avec l’étranger ».
La Cour de cassation a ajouté que « Les seuls faits relevés, à savoir le transport d’une importante somme d’argent en espèces dissimulée au niveau de l’entrejambe entre la gare de [localité 2] et la gare de [localité 1] à [localité 3] (lieux anonymisés par « Légifrance ») qui ne permettent pas de caractériser une telle opération, ne pouvait révéler l’existence d’un délit douanier prévu d’une peine d’emprisonnement ».
Sur cette base, la Cour de cassation a invalidé la « fouille à corps » aux visas des articles 60 et 323-7 du code des douanes, dont il se déduit « …que la visite des personnes à laquelle les agents des douanes peuvent procéder en application du premier [de ces textes, l’article 60], qui peut consister en la palpation ou la fouille de leurs vêtements et de leurs bagages, ne saurait inclure une fouille à corps, impliquant le retrait des vêtements, qui ne peut être mis en œuvre, aux termes [de l’article 323-7 renvoyant à l’article 63-7 du code de procédure pénale] qu’en cas de retenue douanière ».
La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la chambre de l’instruction en constatant qu’« il résulte du procès-verbal relatant le déroulement de cette mesure [de fouille] dans un local prévu à cet effet, offrant toutes les garanties de discrétion, d’hygiène et de sécurité, que les agents des douanes ont procédé à une fouille à corps, dépassant les prérogatives dont ils bénéficient dans le cadre d’un contrôle fondé sur l’article 60 du code des douanes, alors que la personne concernée ne se trouvait pas en retenue douanière, les conditions de celle-ci n’étant, par ailleurs pas réunies ».
- Dans une seconde décision du 23 février 2022 (pourvoi n° 21-85.050), la chambre criminelle a encore encadré les prérogatives de la douane concernant les opérations de visite.
Observant un véhicule vide dans un parking autoroutier, des agents des douanes avaient décelé des objets suspects à travers les vitres. Avec l’accord de leur hiérarchie, ils avaient cassé la vitre du véhicule et constaté des délits. La régularité du contrôle était contestée.
La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 60 du code des douanes « les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes » (point 6).
Cependant, elle consacre le principe qu’« en l’absence de toute garantie posée par la loi visant à s’assurer de l’authentification des recherches et découvertes effectuées, ces dispositions ne sauraient être interprétées comme autorisant les agents des douanes à procéder à la visite d’un véhicule stationné sur la voie publique dans un lieu accessible au public, libre de tout occupant ».
La Cour d’appel avait soigneusement motivé sa décision pour montrer que les prérogatives ainsi exercées par l’administration des douanes n’étaient pas sans contrôle juridictionnel ni sans limite et avait relevé notamment que les agents des douanes avaient été autorisés par leur hiérarchie à procéder ainsi.
Toutefois l’ensemble de la motivation a été censurée.
Par un arrêt du 26 janvier 2022 (pourvoi 21-80.170, publié au Bulletin), la chambre criminelle a rendu une décision de principe sur l’interprétation de l’article 66 du code des douanes dans sa rédaction issue d’une loi du 11 mars 2014.
En l’occurrence, les agents des douanes avaient, sur le fondement de cette disposition, procédé à la visite des locaux de deux sociétés importantes de fret express, au cours de laquelle ils avaient découvert des colis comprenant des marchandises contrefaisantes.
Le destinataire de ces colis avait été poursuivi du chef d’importation de marchandises contrefaisantes et détention de telles marchandises sans document justificatif régulier.
Le prévenu reprochait à l’administration d’avoir procédé à sa visite alors que les procès-verbaux ne mentionnaient pas l’existence d’une « information préalable permettant d’établir que les locaux des sociétés renfermaient ou étaient susceptibles de renfermer des envois contenant des marchandises relevant d’une infraction au code des douanes ».
Ce moyen avait été accueilli par le premier juge mais rejeté par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait retenu que « les services des douanes, dans le cadre de leur action de police administrative, peuvent contrôler en application de l’article 66 du code des douanes tout colis présent dans les locaux des services postaux en vue de la recherche d’éventuelles infractions, sans qu’ils n’aient, avant d’accéder aux locaux, connaissance de la présence d’envois litigieux ou n’aient à caractériser en quoi l’ouverture de tel colis serait nécessaire du fait de tel indice. Il relève qu’en l’espèce, l’examen réalisé était conforme à ce pouvoir de contrôle général. » (point 8).
La Cour de cassation a suivi la Cour d’appel.
La chambre criminelle s’est référée à la teneur des travaux parlementaires, lors de la modification de l’article 66 par la loi du 11 mars 2014. Elle a ensuite mis la disposition en perspective avec les autres textes du code des douanes accordant un pouvoir de visite à l’administration.
La Cour de cassation en a conclu que « L’article 66 du code des douanes édicte un droit de contrôle général au profit des services des douanes sur tout colis, n’excluant que les lettres contenant des correspondances ».
La procédure a donc été validée.