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April – June 2021
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La lettre d’information en bref
Confirmation du caractère consultatif et non décisionnel de l’intervention des services de la Commission européenne, si un Etat membre leur demande de vérifier si les « conditions économiques » d’un secteur permettent d’accorder une autorisation de perfectionnement actif (CJUE) ;
La suspension de la prescription pendant le délai de réponse de 30 jours, accordé au redevable en cas d’exercice du « droit d’être entendu », s’applique à une dette douanière née avant le 1er mai 2016 et non encore prescrite à cette date (CJUE) ;
Une caution ne doit pas être qualifiée de débiteur de la dette douanière et un « délai de prescription raisonnable » doit être respecté lorsque l’administration poursuit une caution afin d’assurer le recouvrement d’une dette douanière (CJUE) ;
Une caution est fondée à se prévaloir de l’irrégularité de la procédure de notification d’un avis de mise en recouvrement au débiteur principal (Cour de cassation) ;
Validation d’un règlement de la Commission fixant les critères de détermination de l’origine non préférentielle de panneaux solaires (CJUE) ;
Refus d’ajouter à l’assiette des droits de douane un montant de coûts de transports exposés jusqu’à la frontière extérieure de l’Union européenne (CJUE) ;
Trois décisions en matière de classement tarifaire (planches de bois à la position 4409, solution aqueuse obtenue par décomposition thermique du dextrose au 3824, gobelets en bambou à la position 4419) (CJUE) ;
L’invalidation d’un redressement n’emporte pas nécessairement la nullité du procès-verbal de notification d’infraction et de redressement au regard des termes limitatifs de l’article 338 du code des douanes (Cour de cassation).
Le litige portait sur une demande d’autorisation de perfectionnement actif en vue de la transformation dans l’UE de produits « d’acier électronique à grains orientés » originaires du Japon. Une société avait sollicité le bénéfice de cette autorisation à la douane des Pays-Bas.
Les autorités néerlandaises avaient interrogé les services de la Commission pour vérifier si les « conditions économiques » du secteur économique concerné permettaient à l’importateur d’obtenir cette autorisation. La réglementation douanière permet aux Etats membres de saisir la Commission à cette fin, voire le leur impose dans certains cas complexes.
Une réponse positive avait été faite, de sorte que la société avait obtenu son autorisation. Les sociétés concurrentes du demandeur dans l’Union avaient attaqué la supposée « décision » de la Commission.
Le problème se posait de savoir si l’intervention des services de la Commission caractérisait une décision « faisant grief » qui serait attaquable devant le Tribunal de l’Union européenne.
Celui-ci avait répondu par la négative et rejeté le recours.
Les autorités néerlandaises s’étaient dites tenues d’accorder l’autorisation dès lors que la Commission avait considéré que les « conditions économiques » étaient satisfaites.
Les sociétés opéraient une distinction entre l’examen préalable par le groupe d’experts qui avait rendu un avis indiscutablement consultatif et ce que les sociétés qualifiaient de « décision » prise par la Commission à la suite de cet avis, qui revêtait une valeur normative liant l’Etat membre, selon elles.
Le Tribunal de l’UE puis, sur pourvoi, la CJUE ont validé la défense de la Commission, à savoir que les règles prévues à l’article 211 § 4 et 6 du Code des douanes de l’Union (règlement 952/2013 du 9 octobre 2013 le « CDU), concernant l’examen des « conditions économiques », confèrent uniquement un rôle consultatif à la Commission au service des Etats membres, à toutes les étapes.
L’article 259 du règlement d’exécution du CDU n° 2015/2447 du 24 novembre 2015 aboutit à une solution identique.
Ainsi, selon la CJUE, « les conclusions auxquelles la Commission parvient à l’issue de l’examen des conditions économiques constituent une simple mesure intermédiaire, visant à préparer la décision finale des autorités douanières sur la demande d’autorisation de perfectionnement actif » (point 64).
La CJUE a jugé, au visa d’un arrêt Friesland Coberco du 11 mai 2006 (C-11/05 point 28-29), que « L’obligation pour l’autorité douanière compétente de transmettre, dans certaines circonstances, le dossier à la Commission, n’implique pas l’obligation pour cette autorité de suivre les conclusions formulées par cette institution » (point 67).
La CJUE relève qu’est sans importance, sous l’empire du CDU, que les « conclusions » concernant le respect des conditions économiques soient désormais émises par la Commission et non plus par un Comité comme c’était le cas sous l’empire du code des douanes communautaire de 1992 (règlement 2913/92 du 2 octobre 1992, le CDC).
Au terme d’une analyse des règles de « comitologie » sur la prise des décisions de perfectionnement actif, la CJUE a jugé que l’intervention de la Commission ne caractérisait pas un acte « faisant grief » pouvant rendre recevable la requête des concurrents devant le Tribunal de l’Union européenne.
Même si la Cour a raison dans son articulation des règles, la grande technicité de ces « conclusions » fait que le dossier se joue devant les services communautaires. L’Etat membre suit généralement l’analyse bruxelloise. Il aurait été instructif que la Cour entre dans les arcanes des cénacles d’experts.
Dans un arrêt du 3 juin 2021 (aff. C-39/20), la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur les conditions d’application dans le temps de l’article 103, paragraphe 3 b) du CDU et sur l’article 124 du même code concernant les cas d’extinction de la dette douanière.
Les faits portaient sur une importation de porcelaines déclarées originaires du Bangladesh du 4 juillet 2013.
Les certificats d’origine préférentielle, permettant d’avoir un droit de douane nul, s’étaient avérés faux.
Le 1er juin 2016, la douane néerlandaise avait offert un « droit d’être entendu » à l’importateur, assorti d’un délai de réponse de 30 jours, dans le cadre de la nouvelle règlementation résultant de l’article 22 § 6 du CDU.
La dette douanière avait été notifiée le 18 juillet 2016 à la société importatrice.
Selon l’importateur, le délai de 3 ans prévu par l’article 221 du CDC, encore applicable en 2013, était échu depuis le 5 juillet 2016.
Toutefois, l’article 103 § 3 du CDU prévoit désormais une suspension du délai de prescription en cas de communication des motifs du redressement envisagé, égale au délai laissé au redevable pour présenter ses observations (30 jours au plus).
La question était de savoir si cette suspension pouvait s’appliquer à une dette née antérieurement au 1er mai 2016, date d’entrée en vigueur du CDU.
La CJUE a d’abord jugé que l’ouverture du droit d’être entendu est une modalité procédurale qui doit s’appliquer à toutes les situations juridiques pouvant encore faire l’objet d’un redressement.
Ainsi, c’est à bon droit que les autorités néerlandaises avaient émis le 1er juin 2016 un avis de résultat de contrôle, postérieurement donc à la date d’entrée en vigueur du CDU le 1er mai 2016.
Quant au délai de suspension de 30 jours, il est considéré comme une règle de fond qui est devenue applicable à une dette principale, qui n’était encore ni prescrite ni éteinte (point 37), ce dont la CJUE déduit que « La situation juridique de [l’importateur] au regard de la prescription de sa dette douanière n’était pas définitivement acquise, nonobstant la circonstance que cette dette était née sous l’empire du code des douanes communautaire » (point 38). La CJUE conclut que « L’article 103 paragraphe 3 sous b) du code des douanes de l’Union pouvait s’appliquer aux effets futurs de la situation de [l’importateur] que constituent la prescription et l’extinction de sa dette douanière » (point 39).
Après un examen des travaux préparatoires du CDU, la CJUE relève qu’il n’y a aucune raison de considérer que ce délai de suspension ne devrait s’appliquer qu’aux dettes douanières nées après l’entrée en vigueur du CDU.
La CJUE estime cette solution conforme aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique (point 48).
Par conséquent, la procédure suivie par les autorités néerlandaises a semblé valide dès lors que la dette douanière n’était pas prescrite.
Par un arrêt du 20 mai 2021 (C-230/20), la CJUE a statué sur la qualification de la personne qui se porte caution pour le paiement de la dette douanière au regard de la notion de « débiteur » telle que prévue à l’article 4 du CDC.
Une juridiction avait interrogé la Cour de Justice sur les conséquences à tirer de l’article 195 du CDC qui dispose que : « La caution doit s’engager, par écrit, à payer solidairement avec le débiteur le montant garanti de la dette douanière dont le paiement devient exigible ».
En février 2013, l’administration fiscale de Lettonie avait contrôlé un entrepôt douanier dans lequel des marchandises sous régime suspensif douanier devaient se trouver.
Ayant constaté leur absence, l’administration avait tenté de réclamer les droits de douane à l’exploitant de l’entrepôt. En septembre 2016, l’huissier de justice mandaté pour le recouvrement avait renvoyé les décisions de mise en recouvrement, qui étaient restées inexécutées.
En mai 2017, l’administration fiscale lettone avait demandé à la caution de procéder au paiement de la dette douanière. La question se posait de savoir si la caution devait être considérée comme un débiteur et, dans la négative, quels seraient les principes et délais pour procéder au recouvrement à l’encontre de la caution.
Après avoir procédé à un examen des règles du CDC (articles 201 à 205 et 209 à 211), la CJUE a constaté que « la caution n’est désignée à aucun desdits articles du code des douanes comme « débiteur de la dette douanière » » (point 31).
Au contraire, les articles 189 et 195 du CDC distinguent soigneusement la situation de la caution, ce dont la CJUE conclut que « si la caution est tenue, le cas échéant, de payer le montant garanti de la dette douanière en exécution de son engagement de caution, elle doit être considérée comme une personne distincte du « débiteur », au sens de l’article 4, point 12, du code des douanes » (point 34).
Ainsi, la notion de « communication de dette douanière » au débiteur, visée par l’article 221 du CDC ne s’applique pas à la caution (point 35).
Les règles de prescription prévues par l’article 221 § 3 du CDC ne bénéficient donc pas à la caution.
Selon la CJUE, la base juridique de l’action en recouvrement contre la caution réside dans l’article 232 du CDC, bien que la caution ne soit pas explicitement visée par cette disposition.
Ainsi, lorsque l’article 232 du CDC dispose que « Les autorités douanières font usage de toutes les possibilités que leur accordent les dispositions, y incluse l’exécution forcée, pour assurer le paiement de ce montant », ce texte inclut les actions contre les cautions, selon la Cour (point 43).
En revanche, la CJUE n’a pas fixé le délai dans lequel l’Etat membre peut agir contre la caution.
La Cour s’est limitée à indiquer que « L’imposition d’un délai de prescription raisonnable, que ce soit par le droit national ou par le droit de l’Union, sert l’intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le justiciable et l’administration concernée et n’empêche pas pour autant l’exercice, par le justiciable des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union » (point 47).
Par un arrêt du 14 avril 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation (pourvoi n° 18-15.668) a rejeté un pourvoi de l’administration des douanes contre un arrêt ayant déchargé une caution de son obligation de payer des droits d’accise.
Une société active dans le duty-free avait obtenu une caution en vue de pouvoir exercer en suspension de droits d’accise son négoce d’alcools et de produits du tabac au profit de la recette des douanes.
Toutefois, cette société avait été mise en liquidation judiciaire en décembre 2013.
L’administration avait mis en recouvrement les droits dus sur le stock détenu en suspension, par un avis de mise en recouvrement (AMR) du 6 mars 2014. L’AMR était dirigé directement contre la société, sans notification au liquidateur judiciaire. Parallèlement, la caution avait été appelée le même jour au paiement des droits, par un AMR.
La Cour d’appel avait retenu qu’il n’était pas établi que l’AMR dirigé contre la société en liquidation avait été notifié au liquidateur judiciaire « seul habilité à le recevoir, de sorte que la procédure de notification des AMR prévue par le code général des impôts n’avait pas été respectée ».
Aux visas des articles L 256 et R 256-2 du Livre des procédures fiscales, la Cour de cassation a jugé que « la mise en cause de la caution supposant que la créance garantie soit exigible et que le débiteur principal soit défaillant, la caution recherchée en paiement solidaire d’une imposition ou d’une pénalité mise à la charge du contribuable, débiteur principal, est fondée à se prévaloir de l’irrégularité de la procédure de notification de l’AMR à ce dernier, qui affecte l’exigibilité des sommes mises en recouvrement » (point 6 de l’arrêt).
La Cour de cassation confirme donc le caractère accessoire du cautionnement quand bien même il porterait sur les droits d’accise.
Dans une autre affaire concernant la même société de caution (suivie au cabinet), la Cour d’appel de Poitiers avait rendu un arrêt similaire le 18 février 2020 (R-G 18/03619, définitif).
Un arrêt du 20 mai 2021 de la CJUE (C-209/20) a statué sur l’origine de panneaux solaires.
La détermination de la « nationalité économique » d’une marchandise repose, depuis les débuts du droit douanier communautaire, sur une notion d’origine qui peut être non préférentielle ou préférentielle.
L’origine non préférentielle ne conduit pas à accorder le bénéfice d’une réduction des droits de douane (à la différence de la seconde notion) mais peut éviter à la marchandise concernée de supporter des droits antidumping ou des droits compensateurs.
Jusqu’à l’entrée en vigueur du CDU, la notion d’origine non préférentielle ou « de droit commun » résultait de l’article 24 du CDC qui définissait la notion de « dernière ouvraison ou transformation substantielle ».
Un petit nombre de marchandises faisait l’objet de règles plus précises, dites « règles de liste », en annexe des Dispositions d’Application du Code des douanes communautaire (règlement 2454/93).
Dans l’intérêt d’une meilleure sécurité juridique, la liste des marchandises couvertes par ces règles a été étendue ponctuellement pour une application correcte des droits antidumping et des droits compensateurs.
C’est justement dans le cadre d’une mesure d’application d’un de ces droits, portant sur les modules ou panneaux photovoltaïques en silicium cristallin, que la Commission européenne a procédé à une modification des règles de liste d’origine non préférentielle par un règlement n° 1357/2013 du 17 décembre 2013.
La question soulevée devant la Cour de justice portait sur le point de savoir si les modules solaires qu’une société avait importés au Royaume Uni devaient être considérés comme des produits originaires de Chine, passibles de droits antidumping et de droits compensateurs.
Selon la société, ces modules solaires, dont les composants étaient chinois, assemblés en Inde, devaient être considérés comme étant des produits originaires de l’Inde et non pas de la Chine.
Une juridiction britannique avait interrogé la Cour sur la validité de ce règlement en considérant que « …l’assemblage de ces modules solaires, qui est réalisé en Inde à partir de cellules solaires produites en Chine, doit être regardé non pas comme un simple changement de présentation des cellules solaires qui les composent (…) mais comme un processus technique complexe et délicat permettant d’obtenir des produits dotés de propriétés spécifiques, en particulier en termes de capacité de production d’électricité, de potentiel de résistance ainsi que de durée de vie » (point 21).
La CJUE n’a pas suivi la juridiction britannique et a jugé que le règlement était valide.
La CJUE a approuvé la Commission pour avoir retenu que « la transformation des plaquettes de silicium en cellules solaires constitue l’étape « décisive » et « la plus importante » du processus des modules et des panneaux solaires, en ce qu’elle permet d’obtenir des produits dotés d’une « destination définitive » et de « qualités spécifiques » » (point 29).
L’ouvraison jugée déterminante n’a donc été ni « l’étape antérieure constituée par la production des plaquettes de silicium », ni « l’étape ultérieure constituée par l’assemblage des cellules solaires en modules ou en panneaux solaires » (point 30).
Après avoir rappelé sa jurisprudence ancienne sur ce qu’est la « dernière transformation ou ouvraison substantielle » au sens de l’article 24 du CDC, la CJUE rappelle que la Commission dispose d’une marge d’appréciation. Le contrôle juridictionnel se limite à vérifier si la Commission a commis ou non « une erreur manifeste d’appréciation en procédant à cette mise en œuvre, compte tenu des faits de la situation concrète concernée » (point 39).
La CJUE a considéré que « l’appréciation globale du processus de production des modules et des panneaux solaires ainsi que de l’importance comparée des différentes étapes qu’il comporte » (retenue par la Commission), « n’apparaît pas manifestement erronée » (point 49).
La CJUE a retenu que « les deux éléments sur lesquels [la Commission] se fonde, à savoir l’aptitude à capter l’énergie solaire puis à la convertir en électricité, peuvent être considérés comme constituant des propriétés essentielles des cellules, des modules ainsi que des panneaux solaires, d’une part, et comme déterminant la destination de ces différentes catégories de produits, d’autre part ».
La Cour a ajouté que « ces deux éléments, appréhendés conjointement, permettent d’estimer que la transformation des plaquettes de silicium en cellules solaires revêt une importance à la fois substantielle et supérieure aux améliorations apportées lors de l’étape ultérieure dudit processus de production, au cours de laquelle un nombre plus ou moins important de cellules solaires est assemblé au sein de modules ou de panneaux solaires » (id)
Cette décision illustre la marge d’appréciation que les juridictions communautaires reconnaissent à la Commission européenne lorsque celle-ci applique le droit douanier communautaire.
Par un arrêt du 22 avril 2021 (C-75/20), la CJUE a statué sur les modalités d’ajustement de la valeur en douane en fonction des prix de transport jusqu’à la frontière.
Un importateur établi en Lituanie avait importé des engrais de Biélorussie.
La facture indiquait que les frais de transport faisaient partie du prix et ce, jusqu’à la frontière extérieure de l’Union européenne.
Toutefois, après enquête, les douanes de Lituanie avaient constaté que les frais de transport étaient plus importants que ceux qui avaient été facturés à la société lituanienne. La fraction des frais non incluse avait été ajoutée à l’assiette de la valeur en douane.
La situation économique était particulière, dès lors que les marchandises n’avaient pas apparemment de valeur en elles-mêmes. L’exportateur biélorusse devait absolument les vendre pour ne pas avoir à payer des frais de recyclage très importants.
Ainsi, la valeur résiduelle représentait, semble-t-il, peu ou prou le prix du transport tel qu’il avait été convenu et déclaré.
La douane locale avait néanmoins procédé comme si le transport n’avait pas du tout été facturé au redevable.
La question se posait du point de savoir si la valeur en douane déclarée, sur la base d’une facture qui incluait expressément les frais de transport, pouvait être augmentée à la guise des douaniers locaux s’ils considéraient que des frais de transport supplémentaires auraient dû être facturés par le vendeur.
La CJUE a retenu que les conditions posées par les règles successives du CDC et du CDU et de leurs règlements d’application respectifs, ne permettaient pas aux autorités de diligenter un redressement.
La CJUE a considéré que « Une interprétation différente de ces dispositions reviendrait à exiger de l’importateur qu’il s’acquitte doublement des frais de transport des marchandises importées et, par voie de conséquence, à considérer que les importations soumises à des conditions de vente prévoyant une inclusion de ces frais dans le prix de vente de ces marchandises devraient d’office faire l’objet d’une correction de la valeur transactionnelle » (point 32).
Elle a conclu que « La circonstance que, en l’occurrence, les frais de transport des marchandises importées supportés par le producteur excèdent le prix effectivement payé par l’importateur n’est pas de nature à modifier cette conclusion, à la condition que ce prix reflète la valeur réelle de ces marchandises » (point 33).
La Cour a rappelé l’importance, pour les règles de la valeur en douane, de « prendre en compte la situation juridique concrète des parties au contrat de vente … Dès lors, ne pas tenir compte des conditions de vente dans le cadre de la détermination de la valeur en douane de ces marchandises serait non seulement contraire aux dispositions de l’article 29 paragraphe 1 du CDC et de l’article 70 paragraphe 1 du CDU, mais aboutirait en outre à un résultat ne permettant pas de refléter la valeur économique réelle desdites marchandises » (point 35).
Plusieurs décisions ont été rendues en matière de classement tarifaire des marchandises :
- Par un arrêt du 15 avril 2021, dans une affaire C-62/20, la CJUE a statué sur le classement de planches de bois rabotées, « dont les quatre coins avaient été légèrement arrondis sur toute la longueur de la planche ».Le différend portait sur le choix de la position 4407 ou 4409.Après un examen des planches en cause et de la règlementation tarifaire, la CJUE a choisi la position 4407 dès lors que les marchandises ne peuvent pas être considérées comme étant des planches « profilées » (point 57).
- Un arrêt de la CJUE du 3 juin 2021 (C-822/19) illustre la complexité du classement tarifaire lorsqu’aucune solution ne s’impose d’emblée.Un importateur avait importé en Roumanie un lot de marchandises originaires du Canada contenant une solution aqueuse obtenue par décomposition thermique du dextrose et utilisée comme additif (gout caramel) dans l’industrie alimentaire.Le code tarifaire déclaré était le 1702 90 95 concernant les « autres sucres ».Après redressement, cette position avait été écartée par la douane roumaine, dès lors que le produit ne comportait que 1,6 % de sucre au lieu des 50 % requis. La CJUE a validé ce point.Les autorités douanières avaient opéré un reclassement comme « produit chimique organique » dans le chapitre 29. La CJUE n’a pas suivi l’administration dans ce reclassement.
Pour classer la marchandise dans le chapitre 29, il aurait fallu en effet que la molécule fît partie des « composés organiques de constitution chimique définie présentés isolément, que ces composés contiennent ou non des impuretés » (note du chapitre 29 n° 1 a), de la Nomenclature Combinée de l’UE, ayant valeur normative).
Or, ce produit contient 76 % du poids à l’état sec en hydroxyde d’acétaldéhyde tandis que d’autres aldéhydes, du lévoglucosan, de l’acétol, ainsi que des acides acétiques et formiques représentent en poids à l’état sec, 26,3 % du produit (point 47 de l’arrêt).
Selon la CJUE, ce produit « n’est pas une solution aqueuse d’une substance constituée par une espèce moléculaire dont la composition est définie par un rapport constant entre ces éléments et qui peut être représentée pas un diagramme structural unique, au sens des Notes Explicatives du Système Harmonisé au chapitre 29 » (point 48).
La Cour de justice a constaté que ces substances étaient présentes dans des quantités non négligeables « et dont certaines apparaissent y avoir été laissées délibérément, afin que ce produit se prête à une utilisation spécifique », de sorte qu’il ne peut pas relever de la position 2912.
La CJUE a dit pour droit qu’il fallait classer la marchandise comme produits divers des industries chimiques au chapitre 38 (position 3824 90 92). Bien que ce produit ait une valeur nutritive, cette qualité a été jugée comme étant secondaire par rapport à son caractère de produit chimique.
- Par un arrêt du 3 juin 2021 (C-76/20), la CJUE s’est penchée sur le classement tarifaire des gobelets en bambou qui paraissaient pouvoir relever de différentes positions dans la nomenclature aux chapitres 39 et 44.L’importateur avait importé en Bulgarie des marchandises dénommées « gobelets en bambou » composés de fibres de bambou, d’amidon de maïs et d’une résine de mélanine formaldéhyde (position 4419). L’administration bulgare avait décidé qu’il s’agissait de vaisselle en matière plastique contenant de la mélanine (position 3924).Le problème se posait de savoir ce qui devait prévaloir, soit la mélanine, assimilable à du plastique, soit les fibres naturelles de bambou.En définitive, il s’avérait que la marchandise contenait 72,33 % de fibres végétales et 25 % de résine de mélanine.Ayant constaté que la marchandise était indiscutablement un produit composite au sens de la règle générale d’interprétation du tarif n° 3, la CJUE a fait application de la règle n° 3 b) en cherchant à identifier parmi les matières qui la composent celle qui lui confèrerait son « caractère essentiel ».
La CJUE a rappelé son critère d’analyse traditionnel qui consiste à vérifier « si le produit, privé de l’un ou l’autre de ses composants, garderait ou non les propriétés qui le caractérisent » (point 65), elle a constaté que « en l’occurrence, force est de constater que, même si les fibres végétales prédominent en quantité, il n’en demeure pas moins que la résine de mélanine que contiennent les marchandises concernées est d’une importance prépondérante en vue de leur utilisation » (point 66).
Selon la Cour, « l’élément indispensable pour que les marchandises concernées puissent être utilisées comme des gobelets pour le service de la table est la résine de mélanine, puisque cette dernière est utilisée pour agglomérer les fibres végétales et confère, notamment, à ces marchandises l’étanchéité, la solidité ou la protection contre les chocs et l’extérieur, ainsi que leur forme » (point 67).
La Cour de justice a donc retenu la position 3924 de la Nomenclature Combinée.
- Enfin, un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 mai 2021 (pourvoi 19-13.551) a rappelé l’office du juge de l’impôt en matière douanière, lorsqu’il doit procéder au classement tarifaire des marchandises.Elle a ainsi cassé un arrêt d’appel favorable à l’importateur.Il s’agissait d’importations de jouets et de jeux dont le classement tarifaire avait été contesté. La Cour d’appel avait accueilli la contestation et annulé non seulement l’AMR mais également le procès-verbal de notification d’infraction et de redressement et ordonné une décharge complète des droits.Au visa des articles 338 du code des douanes et 4 du Code Civil, la Cour de cassation a rappelé que « Selon ces textes, les tribunaux ne peuvent admettre contre les procès-verbaux de douane d’autres nullités que celles résultant de l’omission des formalités prescrites par les articles 323-1, 324 à 332 et 334 du code des douanes. Ils doivent trancher eux-mêmes les litiges qui leur sont soumis » (point 7).Il semble que la Douane était fondée à rectifier certaines positions tarifaires. Cependant, le juge d’appel n’avait fait aucun tri au sein des références objet du redressement.
La Cour de cassation rappelle que « l’erreur des positions tarifaires retenues par l’administration des douanes n’est pas une des causes de nullité de procès-verbaux de douane prévue par l’article 338 du code des douanes », de sorte qu’il appartenait à la Cour « de fixer le montant des droits de douane dont la société restait redevable en considération des classifications tarifaires jugées exactes afin de déterminer le montant dont cette société était fondée à solliciter le non-recouvrement » (point 9).
L’affaire devrait donc se poursuivre devant la Cour d’appel de renvoi.